Le
capital social pour contrer la pauvreté
Pour
Marcellin Ayé, la pauvreté nest pas quéconomique.
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Lexcellence
de la thèse de Marcellin Ayé lui a valu le
Prix pour la recherche sur les politiques au Canada. |
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La pauvreté
nest pas quéconomique; le capital social joue un
rôle tout aussi important que le capital économique pour
déterminer la richesse dun individu.»
Cest guidé par ce principe que Marcellin Ayé a
entrepris ses travaux de doctorat au Département dadministration
de la santé; ceux-ci visaient à mesurer comment le capital
social pouvait être intégré à la dynamique
économique des pays pauvres.
«Le capital social désigne les avantages découlant
des interrelations quune personne établit autour delle
et qui sont basées sur la confiance, explique létudiant.
Si des difficultés surviennent, cette confiance se transforme
en solidarité et en entraide, des valeurs fondamentales pour
tout être humain. Le capital social joue ainsi un rôle
de régulation sociale et peut même avoir un impact sur
léconomie.»
Solidarité et santé
Les travaux de Marcellin Ayé sont parmi les premiers à
tenter de mesurer empiriquement la place de cette dimension dans laccessibilité
aux soins de santé pour une population pauvre, plus précisément
celle de la région de Thoyasso, près dAbidjan,
en Côte-dIvoire.
«Dans les pays pauvres, léconomie de marché
est peu développée et lÉtat ne remplit
pas les fonctions quil assume dans les pays riches. Les soins
de santé sont payants et le seul capital économique
dun individu est insuffisant pour que celui-ci y ait accès;
il doit compter sur laide de ses proches, soit sur son capital
social.»
Ce capital se prêtant moins au calcul quun compte en banque,
il a été mesuré à la lumière de
la qualité et de lintensité des relations sociales
telles quévaluées par les 1758 participants à
lenquête, dont 745 chefs de famille et 1013 patients.
«Plus les relations sociales sont jugées intenses et
de qualité, plus les gens ont accès aux soins de santé,
a observé M. Ayé. Il y a donc une corrélation
entre capital social élevé et accès aux services
de santé payants, la solidarité jouant un rôle
majeur dans cet accès.»
En clair, cela signifie que les parents et amis soutiennent financièrement
leurs proches pour leur faciliter laccès aux soins de
santé dans la mesure où chacun maintient des relations
empreintes de confiance et de respect.
Pour le chercheur, ces données indiquent une troisième
voie pour le développement socioéconomique des pays
pauvres, entre léconomie libérale et léconomie
communiste. «Les pays pauvres nont pas les moyens de faire
face à la mondialisation et léconomie communiste
a été un échec. Ces pays auraient plutôt
intérêt à développer le capital social
de la société civile plutôt que de miser uniquement
sur le capital économique. Il est possible de développer
ce capital, notamment en misant sur les groupes communautaires, qui
peuvent aider les gens à mieux sintégrer dans
leur communauté et à vivre en santé.»
Cette approche lui paraît plus particulièrement prometteuse
pour ceux qui interviennent auprès des groupes de femmes, chez
qui le capital social apparaît très élevé,
et pour les organismes venant en aide aux personnes âgées.
Mais pour Marcellin Ayé, cela ne vaut pas uniquement pour les
pays pauvres; le Canada retirerait lui aussi des avantages à
développer ce capital alors que laccès aux soins
de santé devient de plus en plus difficile et quune frange
importante de la population sappauvrit sans cesse. «Le
déficit en capital social empêche lintégration
à la société et, si un individu nest pas
intégré, il sera exclu du système économique
et sa santé va sen ressentir», rappelle-t-il.
Dans les conclusions de sa thèse, dirigée par le professeur
François Champagne, Marcellin Ayé recommande aux chercheurs
et aux décideurs canadiens dencourager cette troisième
voie dans les interventions internationales auprès des pays
en développement. La pertinence et laspect novateur de
sa recherche lui ont valu le Prix pour la recherche sur les politiques
au Canada, prix décerné par le Conseil de recherches
en sciences humaines, le Conseil de recherches en sciences naturelles
et en génie et les Instituts de recherche en santé du
Canada. Cette récompense incluait une invitation à présenter
sa thèse à la Conférence nationale annuelle de
la recherche sur les politiques, tenue à Ottawa en décembre
dernier.
Daniel
Baril