Volume 35 numéro 17
22 janvier 2001




Les causes environnementales du tabagisme
Katherine Frohlich obtient le Prix pour la recherche sur les politiques au Canada.

Alors qu’on a tendance, dans les études biomédicales, à séparer les facteurs matériels et les facteurs comportementaux des habitudes de vie, Katherine Frohlich a consacré ses recherches de doctorat à réunir dans un même cadre théorique ces différentes composantes qui interagissent dans des habitudes comme le tabagisme.

«En général, on présuppose que le statut socioéconomique est à la source des facteurs de risques comportementaux qui, à leur tour, influent sur les outcomes de santé. J’ai plutôt choisi d’explorer comment les comportements s’ancrent dans des facteurs matériels, ces deux éléments étant inextricablement liés.»

Dans ce doctorat, Mme Frohlich a remis en question l’approche faisant reposer exclusivement les comportements sur la seule responsabilité de l’individu, indépendamment du contexte socioculturel et des influences systémiques. Elle suggère plutôt que les caractéristiques socioéconomiques des membres d’une communauté et les objets d’ordre matériel qui encouragent ou préviennent le tabagisme sont en relation récursive, c’est-à-dire qu’ils s’influencent les uns les autres. «Plus les membres d’une collectivité sont démunis, moins il est probable de trouver des ressources encourageant la santé et vice-versa», indique-t-elle. En utilisant les données sur le statut socioéconomique et les ressources de 32 voisinages au Québec, l’étudiante a pu constater que, dans les collectivités où la proportion de personnes socioéconomiquement favorisées est plus importante, les ressources tendent plutôt à décourager le tabagisme, alors que le contraire est vrai pour les communautés défavorisées.

Dans une seconde recherche empirique, Katherine Frohlich a cherché à savoir de quelle façon les attributs individuels et les caractéristiques de la communauté peuvent modeler conjointement les outcomes de santé. Les données provenant de 694 préadolescents ainsi que de leurs foyers situés dans 32 territoires du Québec révèlent qu’il existe d’importants effets de territoire incitant les jeunes au tabagisme. Dans un territoire donné, le nombre de commerces rendant les produits du tabac disponibles et le nombre d’organismes diffusant de l’information pour contrer le tabagisme auraient des effets sur ce comportement.

Ces effets s’expliquent en grande partie par des variables supra-individuelles, mais certaines caractéristiques individuelles poussent également les jeunes au tabagisme. La chercheuse en conclut que les variables individuelles et collectives ne forment pas deux processus distincts mais qu’elles modèlent ensemble le phénomène appelé «production sociale de la maladie».

En conclusion, elle propose que les études sur la distribution différentielle des maladies et des phénomènes de santé ne devraient pas uniquement s’appuyer sur les différences de statut socioéconomique mais également examiner comment les pratiques sociales des individus sont liées aux ressources matérielles.

L’excellence de ce doctorat, effectué au Groupe de recherche interdisciplinaire en santé et au Département de médecine sociale et préventive sous la codirection de Louise Potvin et de Ellen Corin, a valu à Katherine Frohlich le Prix pour la recherche sur les politiques au Canada.