Un
«jeune de la rue» qui sen sort
Alain
Nelson livre un témoignage aux étudiants en psychoéducation.
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Après
avoir galéré pendant 10 ans, Alain Nelson
est aujourdhui un conférencier recherché.
Il a fait une vingtaine de présentations du film
Toujours à part des autres, de Marcel Simard,
auquel il a contribué. |
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Avec sa coupe
mohawk et son blouson de cuir, Alain Nelson faisait peur au monde.
Il était défoncé en permanence; «Fuck the
world» était sa devise. Un jour, pour en finir, il a
avalé une poignée de comprimés avec une grosse
bière. Le lendemain, il sest réveillé frustré
dêtre en vie, mais surtout de sêtre fait passer
de la mauvaise marchandise. Il sest acheté une arme et
a décidé de faire payer ceux qui lavaient fait
souffrir.
«Soudainement, les héros de mon enfance me sont apparus,
a-t-il raconté à un groupe détudiants en
psychoéducation le 5 janvier dernier. Luke Skywalker [prince
blanc du film Star Wars] ma prévenu que, si je
mettais mon plan à exécution, je passerais du côté
sombre de la force.»
Adieu PCP, coupe mohawk et blouson de cuir. Alain Nelson a décidé
de changer de peau. Il sest joint à léquipe
de Pops, qui vient en aide aux jeunes de la rue dans le centre-ville
de Montréal. De là, il a entendu parler dentreprises
québécoises consacrées à la réinsertion
sociale. Il a trouvé un travail dans une manufacture de métal.
Aujourdhui âgé de 28 ans, le jeune homme a vaincu
sa toxicomanie, même si chaque jour demeure un combat. Il est
aujourdhui un employé permanent de La Réplique,
un organisme qui vise à contrer lexclusion socioprofessionnelle
et financé par Emploi Québec, le ministère de
la Santé et des Services sociaux du Québec et Ressources
humaines Canada. Son travail consiste à animer la présentation
du film Toujours à part des autres, de Marcel Simard,
auquel il a contribué à titre de scénariste.
«Nous donnons habituellement cette conférence devant
des jeunes en difficulté et vous ne correspondez pas exactement
à ce profil, a-t-il dit, à la blague, à lauditoire
composé de quelque 120 étudiants des cinq universités
québécoises qui offrent la formation en psychoéducation.
Mais jai accepté de venir parce que jaurais bien
aimé, moi-même, devenir psychoéducateur.»
Aujourdhui, quand il voit un punk lui tendre la main, Alain
Nelson a un pincement au coeur. Sil peut lui parler, il lui
conseille dentretenir la flamme de créativité
en lui. «Sil aime dessiner, quil se trouve un bloc
à croquis; sil aime écrire, quil écrive;
sil aime faire de la musique, quil se trouve une guitare
et quil joue. Sinon, quand le party sera fini, il ny aura
rien pour lui.»
Le jeune homme a reçu une longue ovation pour son témoignage.
Première
partie
«Le film est le premier segment dun long métrage
qui sera écrit et réalisé en collaboration avec
des jeunes en processus de réinsertion», explique Élyse
Benoît, psychoéducatrice à lorigine de ce
projet.
Fondatrice dune des premières entreprises de réinsertion
en 1980, Boulot vers, Élyse Benoît a constaté
quun bon nombre de jeunes traversaient une période difficile
après la fin de leur contrat de travail dans ce type dentreprises.
Fiers davoir conservé un emploi stable pendant plusieurs
mois, les jeunes se retrouvent dans le vrai monde, où lon
ne veut pas nécessairement deux. Cette dure réalité
en amène plusieurs à effectuer des tentatives de suicide
ou à retourner dans la rue. Plus de 20% dentre eux auraient
éprouvé de tels problèmes dadaptation.
«Il était essentiel de trouver une façon de joindre
les jeunes en processus de réinsertion pour leur donner des
raisons despérer», explique Mme Benoît.
Avec le sociologue et cinéaste Marcel Simard (Love-moi,
Les pas perdus, Le grand monde), Mme Benoît a eu lidée
de réaliser un film. Neuf jeunes de la rue sélectionnés
pour leur «fort potentiel artistique» ont témoigné
de leur expérience respective avant de participer aux différentes
étapes de la réalisation. À partir des neuf histoires,
le cinéaste a créé trois personnages quon
voit évoluer dans Toujours à part des autres.
Il sagit dun film très noir où les protagonistes
se retrouvent trahis autant par leurs amis que par leurs parents.
Abandonnés à leur sort, ils finissent dans la rue.
Une deuxième équipe réalise actuellement la seconde
partie du film. Celle-ci mettra laccent sur les solutions, promet-on.
En attendant, léquipe de La Réplique présente
le court métrage et deux conférenciers, Guillaume Quéruel
et Alain Nelson, assurent lanimation. «Cest important
de permettre un échange avec les spectateurs, précise
ce dernier. Sinon, les gens penseront quil ny a pas de
solutions aux drames que vivent des jeunes comme ceux quon voit
dans le film.»
Une cinquantaine de présentations publiques du film ont eu
lieu à ce jour dans les carrefours Jeunesse emploi et dans
différentes entreprises de réinsertion sociale. Quant
au film, il est produit par les productions Virage.
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Élyse
Benoît dirige La Réplique, un organisme formé
de jeunes qui prépare la sortie de la deuxième partie
du film Toujours à part des autres. |
Maîtrise
en psychoéducation
Élyse Benoît, qui est psychoéducatrice professionnelle
depuis 20 ans, croit quil était urgent denrayer
le problème de lexclusion socioprofessionnelle. La multiplication
des entreprises de réinsertion sociale est une bonne chose,
mais il faut maintenant aller plus loin et offrir de lespoir
aux jeunes qui sen sortent. «Après leur stage,
bien souvent, rien ne leur est offert et ils sombrent bien souvent
dans une dépression, quand ils nentretiennent pas didées
suicidaires.»
La mise sur pied de La Réplique et le projet en cours sont,
pour Élyse Benoît, le sujet dune maîtrise
en psychoéducation. Le projet de long métrage devrait
prendre fin en 2003, alors que se tiendra un colloque universitaire
sur la réinsertion sociale.
Selon Mme Benoît, peu de psychoéducateurs se consacrent
à ces jeunes de la rue, alors que les besoins sont criants.
Mathieu-Robert
Sauvé