La
stérilisation par plasma pourrait détruire les prions
Le
mode daction mis en lumière par léquipe
de Michel Moisan pourrait être déterminant dans la guerre
contre la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
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À
gauche, les professeurs Michel Moisan et Jean Barbeau, en
compagnie de deux membres de leur équipe, Bachir
Saoudi et Nicolas Philip, examinent le déroulement
dune expérience dans le stérilisateur
à plasma. Ont également participé à
la phase initiale des travaux Stéphane Moreau, Maryam
Tabrizian et le professeur LHocine Yahia, tous du
Groupe de recherche en biomécanique et biomatériaux
de lÉcole Polytechnique. |
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Après le
VIH et les bactéries résistantes aux antibiotiques,
les milieux hospitaliers sont aux prises avec un nouveau problème
de contamination: les prions. Les prions sont des particules protéiques
extrêmement pathogènes responsables, entre autres, des
encéphalopathies spongiformes telles la maladie de la vache
folle et la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Il nexiste pratiquement aucune méthode de stérilisation
des instruments médicaux permettant déliminer
efficacement et à peu de frais les prions, si bien que le mot
dordre est de détruire ces instruments lorsquils
ont servi à une intervention sur un patient soupçonné
dêtre infecté par des prions. Certains de ces instruments
peuvent valoir jusquà 100 000$! Dautres sont faits
de matière plastique et ne pourraient résister aux méthodes
de stérilisation par autoclave, où les températures
sont très élevées.
Mais des travaux effectués par une équipe multidisciplinaire
sous la direction de Michel Moisan, professeur au Département
de physique et responsable du Groupe de physique des plasmas, viennent
douvrir une piste prometteuse. Une expérience menée
sur des spores de bactéries non pathogènes (Bacillus
subtilis) a en effet démontré que les plasmas érodent
ces spores atome par atome et quun tel procédé
pourrait venir à bout des prions.
Plasma contre spores
En physique, le terme «plasma» désigne un gaz dions
et délectrons. Pour son expérience, léquipe
de Michel Moisan a eu recours à un mélange dazote
et doxygène moléculaire qui, une fois ionisé
par un champ électrique intense, libère des radicaux
libres (dans ce cas-ci, des atomes doxygène) ainsi que
des photons du domaine ultraviolet.
Les spores sont pour leur part des bactéries en état
de dormance qui se protègent dun milieu hostile en sentourant
dune membrane très résistante. Elles ont été
cultivées au laboratoire de microbiologie et dimmunologie
de la Faculté de médecine dentaire par Jean Barbeau.
Après 40 minutes dexposition au gaz provenant de la source
de plasma, les quelques millions de spores soumises au test étaient
tout éliminées.
«Nous croyons que leffet de stérilisation est dû
à laction combinée des photons ultraviolets et
des atomes doxygène libres, soutient Michel Moisan. Les
photons U. V. peuvent seuls suffire à tuer les spores en détruisant
leur matériel génétique mais uniquement si les
spores se trouvent sur une seule couche; laction pénétrante
de ces photons étant limitée à un micron, ils
ne peuvent atteindre les spores du dessous si plusieurs dentre
elles sont superposées.»
Cest là quintervient leffet des radicaux
libres: «Loxygène atomique désagrège
atome par atome les spores mortes situées en surface jusquà
ce quil atteigne la dernière couche de spores qui subissent
alors leffet dinactivation directe des U. V. Cette érosion
est semblable au procédé de gravure utilisé dans
la fabrication des puces électroniques.»
Alors que les procédés traditionnels de stérilisation
par autoclave agissent sur le métabolisme des micro-organismes,
le traitement au plasma sattaquerait plutôt à la
structure atomique de lorganisme. Ce type daction navait
jusquici jamais été démontré et
Michel Moisan a déposé une demande de brevet sur cet
aspect de la stérilisation par plasma. Le professeur tient
par ailleurs à souligner le caractère multidisciplinaire
de léquipe qui est parvenue à ces résultats
et qui compte des chercheurs en physique, en immunologie, en médecine
et en génie.
Prochaine étape: les prions
Le procédé de stérilisation par plasma mis en
lumière par léquipe de Michel Moisan amène
les chercheurs à croire quun tel processus pourrait venir
à bout des prions qui résistent aux méthodes
de stérilisation classiques.
«Comme les spores constituent la forme la plus résistante
de micro-organismes, un procédé qui en vient à
bout devrait réussir à déstructurer nimporte
quelle autre forme de micro-organisme», estime le professeur.
Mais une telle expérience sur les prions na jamais été
effectuée, les laboratoires de lUniversité ne
permettant pas de manipuler des agents infectieux aussi dangereux.
Toutefois, le professeur Pierre Belhumeur, du Département de
microbiologie et immunologie de la Faculté de médecine,
a réussi à créer une protéine aux propriétés
analogues à celles des prions mais non pathogène. Léquipe
de Michel Moisan travaille actuellement à mettre au point un
procédé dexpérimentation qui devrait bientôt
permettre de soumettre cette protéine au test du plasma.
Si lexpérience savérait positive, les retombées
pourraient être très importantes pour les milieux industriel
et hospitalier, qui disposeraient dune méthode économique,
rapide et écologique pour stériliser les instruments
contaminés par les prions. La stérilisation proposée
pourrait par ailleurs seffectuer à des températures
relativement basses, de lordre de 55 °C, ce qui permettrait
de préserver les instruments à base de polymères.
Daniel
Baril