Gestion
des déchets: vivement le réveil collectif
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Forum présente
aujourdhui une version abrégée dun texte
retenu par le jury de lAtelier de rédaction professionnelle
(RED 3000), cours obligatoire à lintérieur du
Certificat de rédaction de la Faculté de léducation
permanente (FEP). Marie-Hélène Turmel achève
actuellement un certificat en journalisme à la FEP.
Le Canada arrive au deuxième rang mondial au chapitre de la
production de déchets par habitant. Pour faire «disparaître»
ces montagnes dordures, lenfouissement reste la méthode
privilégiée au Québec. Mais une fois les détritus
compactés, enterrés et désagrégés
par leau de pluie, leur décomposition produit des biogaz
et dautres substances toxiques qui peuvent provoquer le cancer
chez lhumain en plus de contribuer à leffet de
serre et dempoisonner animaux et poissons.
Le méthane (CH4) et le dioxyde de carbone
(CO2) sont aux biogaz ce que la farine et leau
sont au pain. Benzène, chlorure de vinyle ou toluène
sont le «soupçon de sel». Quant aux eaux de lixiviation,
elles résultent dun procédé analogue à
linfusion dune tisane. Mais si leau bouillante quon
verse dans la théière prend de la camomille sa couleur
et son goût, leau souterraine, elle, absorbe les propriétés
toxiques des déchets.
Le simple fait de penser à certains composants de ce fluide
donne des brûlures destomac. Le lixiviat comprend des
métaux lourds (fer, plomb, mercure), des cendres dincinération
(dioxines et furanes) et des micro-organismes: salmonelles, par exemple,
ou vibrion du choléra.
Préoccupé par ce problème, le ministère
de lEnvironnement du Québec prévoit réviser
ses exigences relatives à lenfouissement des déchets,
quil na pas modifiées depuis 1978. Dans la nouvelle
loi récemment adoptée, les propriétaires de sites
seront tenus daménager des cellules étanches,
de capter et de traiter les eaux de lixiviation et déliminer
complètement les biogaz. La carrière Miron, notamment,
en récupère une partie pour produire de lélectricité
depuis 1994. Mais une gestion sécuritaire des dépotoirs
suffira-t-elle à chasser les ordures de nos préoccupations?
Le poids de lopinion
«Si la population est insensible à limportance
de la réglementation, le gouvernement cédera plus facilement
aux pressions des entreprises», estime Jean-Guy Vaillancourt,
professeur de sociologie de lenvironnement à lUniversité
de Montréal. À son avis, la conscience environnementale
des Québécois influera sur le respect de la nouvelle
loi davantage que les sanctions. Le sociologue précise toutefois
que «des amendes seront toujours nécessaires pour forcer
laction».
Quel impact exerce réellement lopinion publique? En Allemagne,
lopposition populaire à laménagement de
tout nouveau site denfouissement ou nouvel incinérateur
a forcé le gouvernement à modifier sa politique de gestion
des déchets.
Benoît Marin, coordonnateur de la coalition Action RE-buts,
estime pour sa part quun seul facteur majeur amènera
les gens à se mobiliser: la menace imminente pour leur santé.
Peu de recyclage
Sur les 8,3 millions de tonnes de déchets produits chaque année
au Québec, 85% pourraient être récupérés.
Or, seulement 35% le sont. Selon Gaétan Morin, de la Direction
générale des politiques environnementales du ministère
de lEnvironnement, des amendes sont prévues pour les
entreprises contrevenantes. Mais il ajoute que «la réglementation
nest pas un système pénal; cest un système
de collaboration».
En Allemagne, où lon ne prend pas la chose à la
légère, lÉtat a misé sur des outils
économiques contraignants mais aussi sur des mesures incitatives.
Subventions, prêts et allégements fiscaux sont accordés
aux entreprises qui réduisent leur production de déchets.
Certaines provinces allemandes ont même imposé une surtaxe
sur les déchets industriels.
Il nest pas encore question de surtaxe au Québec, mais
lindustrie fourbit ses armes. Dans un mémoire adressé
à lAssemblée nationale lors de la Commission parlementaire
de 1999 en vue de ladoption de la loi, lAlliance des manufacturiers
et des exportateurs du Québec (AMEQ) a soutenu que les frais
de recyclage risquaient de nuire «au libre marché et
à léquité entre les entreprises».
LAMEQ a prétendu que la population doit assurer les coûts
de la récupération et du recyclage de façon à
«rendre les consommateurs responsables de leurs choix».
Plusieurs personnes contestent la nouvelle loi, mais leurs motifs
sont tout autres. Le Front commun québécois pour la
gestion écologique des déchets, un regroupement de résidants
et décologistes, affirme que lobligation de financer
le recyclage nest pas accompagnée dune obligation
de transparence publique.
Lenvironnement après la santé
Avec 39 projets denfouissement en attente dautorisation,
le problème despace ne semble pas encore préoccuper
le Québec. Cependant, la concentration de la population, principalement
dans la zone montréalaise, suscite des tensions régionales.
Les communautés rurales doivent-elles accepter les montagnes
de déchets dont les Montréalais sont obligés
de se débarrasser?
En 1993, un mouvement dopposition contre un projet dincinérateur
a pris forme à Montréal. Ce mouvement a bel et bien
influé sur la prise de décision. Un signe que le réveil
collectif est proche? Pour Jean-Guy Vaillancourt, le niveau de conscience
dune société sévalue difficilement:
«Il est certain que lenvironnement vient derrière
la santé dans les questions qui touchent directement la vie
des gens. Mais lorsquil se produit des accidents comme à
Tchernobyl ou des déversements de pétrole, la population
réagit fortement.»
«La santé de la nature devient alors de façon
plus frappante liée à la santé des gens»,
dit M. Vaillancourt. Lorsquil est question de biogaz et de lixiviat,
les déchets ne sont-ils pas aussi dangereux pour notre santé
que ces désastres?
Marie-Hélène
Turmel
Le
lixiviat dans la chaîne alimentaire
Le Bureau daudiences publiques sur lenvironnement affirme,
dans un rapport déposé en 1996, que «plusieurs
sites [denfouissement] ne comportent ni membrane étanche
ni système de traitement de lixiviat». Si le liquide
qui séchappe de ces sites atteint les cours deau
à faible débit, les poissons et plantes aquatiques seront
contaminés par l«infusion» toxique. Cette
eau infectera les animaux qui sy abreuvent et, par bioaccumulation,
la toxicité saccentuera à chaque maillon de la
chaîne alimentaire. Lêtre humain nest donc
pas épargné.
M.-H.T.