Volume 35 numéro 16
15 janvier 2001


 


Une taxe spéciale pour rembourser la dette…
…si James Pierlot était premier ministre du Canada.

James Pierlot

Si James Pierlot était premier ministre du Canada, il créerait une taxe de réduction de la dette (TRD). Cette TRD permettrait d’éliminer en deux ou trois décennies le lourd fardeau de la dette publique qui, selon lui, paralyse l’économie du pays. «On semble oublier que cette dette atteint 550 milliards de dollars et que des sommes colossales sont englouties chaque année dans le simple paiement des intérêts», dit le juriste de 36 ans.

Au cours d’une année d’études à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, l’an dernier, James Pierlot a participé à un concours organisé par la multinationale ontarienne Magna et qui a pour thème «Si j’étais premier ministre…» Ce concours, plus connu au Canada anglais qu’au Québec, a attiré à sa cinquième année d’existence quelque 500 auteurs d’essais de 2500 mots. On leur a demandé d’expliquer leur utilisation du pouvoir politique s’ils étaient à la tête du pays. Les 11 finalistes sont ensuite venus défendre leur point de vue devant un jury. James Pierlot n’a pas obtenu le premier prix (qui est allé à Richard Mellof, de Toronto), mais à titre de finaliste il a gagné une bourse de 10,000$ en plus d’avoir droit à un stage de six mois chez Magna d’une valeur de 12,000$. Son texte, de même que celui des 10 autres finalistes, a été publié en langue anglaise dans un livre diffusé par la chaîne Chapters (sous le titre @stake «as Prime Ministre, I Would»).

Sensible aux iniquités intergénérationnelles, M. Pierlot n’a pas hésité longtemps sur le thème qu’il voulait exploiter. «Mon essai est en réalité une version abrégée d’un texte écrit en 1999 pour le Canadian Tax Journal, explique le juriste au cours d’un entretien téléphonique de son bureau de Toronto. Pour moi, la question de la dette nationale est l’une des plus cruciales et l’une des plus négligées du discours politique actuel.»

Bien qu’il ne soit pas économiste, le jeune homme signale que John Maynard Keynes approuvait l’endettement de gouvernements lors des récessions de façon à stimuler l’activité économique, mais ceci à condition de rembourser ses dettes en période de croissance. Or, au Canada, ce remboursement n’est pas en cours.«Qu’attendons-nous? Allons-nous refiler la facture à la prochaine génération?»


Une taxe progressive

«Les politiciens ont la tentation naturelle d’utiliser les surplus budgétaires pour obtenir des gains politiques», déplore l’auteur dans son essai. Une taxe, encadrée par une loi, pourrait les garder à distance de cette tentation tout en étant fort efficace.

La TRD serait une taxe progressive, donc proportionnellement plus élevée pour les nantis. Et le modèle de M. Pierlot prévoit que les Canadiens n’auraient pas à payer plus d’impôts. «Il s’agirait simplement d’une réallocation des revenus actuels du gouvernement.»

Qui dit réallocation dit réduction des dépenses en santé, en éducation et dans des domaines comme la recherche scientifique ou le développement du Nord. «Il est certain que, politiquement, ce serait difficile à défendre, conçoit James Pierlot, mais tout cela serait transitoire. Le sacrifice prendrait fin après quelques années. Toutefois, il ne faut pas négliger que l’argent consacré actuellement au service de la dette est complètement perdu. À moyen terme, nous l’économiserons et nous pourrons l’investir dans des projets constructifs.»

L’inactivité actuelle est la plus grave menace aux programmes sociaux, qui font la fierté des élus fédéraux, estime James Pierlot. En bon aspirant politicien, il reprend: «Il faut expliquer aux Canadiens pourquoi et pour qui ces sacrifices sont nécessaires. Chaque milliard remboursé représente un espoir pour les jeunes générations.»

Bien que le programme paraisse hors de portée, James Pierlot pense que le ministre des Finances du gouvernement canadien, Paul Martin, a fait un pas dans la bonne direction en prenant des mesures pour éliminer le déficit. Mais il suffirait d’un remaniement ministériel pour qu’on revienne en arrière. C’est pourquoi une loi devrait être adoptée pour créer une éventuelle taxe de réduction de la dette. C’est là, d’ailleurs, que le juriste entre en jeu. «Mon sujet emprunte beaucoup de choses à l’économie, mais il est d’abord relié au droit. Ce que je propose passe par la Loi sur les impôts, notamment.»


Un Canadien «pure laine»

James Pierlot est un archétype du Canadien «pure laine». Né en Colombie-Britannique dans une famille d’immigrants belges comptant sept enfants, il grandit à l’Île- du-Prince-Édouard, où les siens déménagent alors qu’il a 5 ans. À 21 ans, il étudie à l’Université de Western Ontario, à London, où il obtient un baccalauréat en histoire. Puis, il se trouve un travail au ministère du Revenu, à Ottawa.

Sa carrière aurait pu en quelque sorte s’arrêter là, mais, après six ans au fisc, il a envie de retourner aux études. Il s’inscrit en droit à l’Université York, à Toronto, et profite d’un programme d’échanges avec la France pour séjourner à l’Université d’Aix-Marseille. Après l’obtention de son baccalauréat en common law, il décide de venir à l’Université de Montréal afin d’obtenir un diplôme de droit civil qui lui permettra, éventuellement, de pratiquer au Québec.

Actuellement au service du département des affaires juridiques chez Bell Canada, dans la Ville reine, le jeune homme n’a aucunement l’intention de jeter l’ancre. «La France m’attire, dit-il. Ou encore un pays hispanique où je pourrais parfaire mon espagnol.»

Interrogé quelques jours à peine après la réélection du Parti libéral, M. Pierlot ne cache pas ses sympathies pour l’équipe au pouvoir, particulièrement pour le ministre Paul Martin. Mais plus encore, il affirme être très attaché au «meilleur pays du monde». «Oui, j’aime cette idée d’un pays tolérant, multiculturel: le Canada.»

Mathieu-Robert Sauvé