Volume 35 numéro 16
15 janvier 2001


 


Le Centre d’études de l’Asie de l’Est a 25 ans
Son centre de documentation porte désormais le nom de son fondateur, Robert Garry.

Claude Comtois dirige le Centre d’études de l’Asie de l’Est depuis 1997. Ce géographe spécialisé dans les problèmes de transport revient d’un voyage en Chine, où il a inauguré un troisième centre de recherche sur les transports en territoire chinois.

Le centre de documentation du Centre d’études de l’Asie de l’Est (CETASE) porte désormais le nom de son fondateur, Robert Garry, qui a légué sa collection personnelle de 1500 livres en 1976. Comptant aujourd’hui la troisième collection d’ouvrages sur l’Asie de l’Est en importance au Canada, le Centre de documentation Robert-Garry abrite quelque 45 000 documents en chinois, japonais, coréen, vietnamien, anglais et français.

«Notre collection ne se compare peut-être pas à celles des universités Harvard ou de Washington, qui comptent 10 fois plus d’ouvrages, mais dans certains secteurs, comme la philosophie chinoise classique, le cinéma japonais, l’histoire de la Chine contemporaine ou l’anthropologie du Japon, nous possédons des ouvrages remarquables», signale le directeur du CETASE, Claude Comtois.

M. Comtois montre par exemple une édition d’une quarantaine de tomes sur les origines du bouddhisme. Richement illustrée et comprenant nombre de fac-similés de manuscrits calligraphiés datant du début de l’ère chrétienne, cette édition a été offerte par l’Institut de philosophie orientale du Japon. Elle vaut à elle seule plus de 40,000$. De plus, le gouvernement japonais a fait don, récemment, d’un atlas du Japon qui aurait coûté plus de 1000$. «Avec notre budget annuel d’acquisitions, on n’aurait jamais pu se payer de tels volumes», dit M. Comtois.

Rencontré en fin de trimestre, alors que les étudiants étaient en sprint final en vue des examens, le directeur du CETASE a signalé que le centre de documentation fourmille d’activités durant la période de pointe. «Plus de 60 étudiants travaillent ici. C’est le point de ralliement. Ils consultent les ordinateurs, la salle multimédia. Difficile, certains jours, de trouver de la place.»


Robert Garry, géographe

Né en 1906 à Saint-Barthélemy, en France, et mort à Montréal en 1989, Robert Garry a enseigné la géographie à l’Université de Montréal de 1947 à 1971. Diplômé de l’Université de Paris en droit et en économie politique, il s’inscrit à l’École nationale de la France d’outre-mer, où il obtient un brevet de l’École nationale des langues orientales vivantes. En 1933, à Phnom Penh, il obtient un brevet de connaissance pratique de la langue cambodgienne.

Robert Garry a d’abord mené une carrière de haut fonctionnaire colonial. De 1931 à 1949, il occupe les fonctions d’administrateur des services civils de l’Indochine, de directeur des services économiques du Cambodge et de délégué auprès du gouvernement cambodgien. De 1935 à 1942, il enseigne également le droit à l’École d’administration cambodgienne. Emprisonné par les Japonais, il passera près de deux ans dans les prisons nippones.


Après la guerre, il quitte l’Europe pour s’installer définitivement au Québec. En 1951, l’Université de Montréal lui remet une licence en géographie. Après sa retraite, en 1971, il continue d’enseigner à titre de chargé de cours jusqu’en 1985. Il participe à la réalisation de nombreuses émissions de télévision, voyage et publie beaucoup. Un fonds constitué de ses milliers de photographies, d’enregistrements sonores et d’autres documents a été déposé à la Division des archives (www.archiv.umont real.ca).

Claude Comtois n’a pas suivi les cours de ce pionnier, mais plusieurs chercheurs du CETASE l’ont côtoyé. «Ceux qui l’ont connu disent que c’était un érudit et un conférencier remarquable.»


Un centre en croissance

C’est en 1976 que Robert Garry crée, à la demande du recteur Lacoste, le Centre d’études de l’Asie de l’Est. Il fait don au centre de documentation de ses 1500 volumes et est imité ensuite par la société Canada-Chine, qui offrira 1200 documents. La crédibilité du centre de documentation est rapidement reconnue, car le gouvernement du Québec nomme le CETASE dépositaire attitré pour tous les ouvrages en langues chinoise, japonaise et coréenne reçus par la Bibliothèque nationale du Québec.

Grâce à Robert Garry, une entente conclue avec la Bibliothèque nationale de la diète du Japon permet à un bibliothécaire japonais d’effectuer des contrats de trois ans au Centre. Depuis 1976, des spécialistes choisis par concours se sont succédé sans interruption pour permet- tre au CETASE d’agrandir sa collection japonaise. Depuis 1998, c’est Mme Asa Takanobu qui occupe le poste. Claude Comtois est très heureux de cette «entente privilégiée».

Il signale que le Centre compte deux autres bibliothécaires respectivement spécialisés dans l’histoire de la Chine et l’histoire de la Corée ainsi qu’un commis au service des chercheurs.

Le directeur avoue que le CETASE, avec quelque 150 étudiants, a tout de même un problème: l’espace. «Nous fonctionnons à la limite de nos capacités. Mais ce problème, nous ne sommes pas les seuls à l’avoir», dit-il. Certains cours comme celui sur le cinéma asiatique se déroulent à guichets fermés, devant une centaine d’étudiants.

Les études est-asiatiques exercent donc un attrait croissant sur les étudiants, mais Claude Comtois ne s’en étonne pas. «L’Asie, c’est le marché du 21e siècle», dit-il. Les temps ont bien changé depuis l’époque où les gens comme lui passaient pour des marginaux, alors qu’il terminait son doctorat à Hong-Kong.

Le Québec est plus près qu’on pense de l’Asie, soutient-il. Des programmes de jumelage favorisent les activités communes entre Montréal et Shanghai (Chine), Pusan (Corée-du-Sud) et Hiroshima (Japon). De nombreux projets de l’Agence canadienne de développement international se déroulent en Asie. Et plusieurs anciens du CETASE trouvent du travail dans cette partie du globe. «Les Québécois sont depuis longtemps ouverts sur le monde, dit-il. La création de ce centre en est la preuve.»

Le directeur est élogieux à l’égard de la Faculté des arts et des sciences, qui a épargné au CETASE des compressions durant la période difficile que l’Université a traversée durant les années 90.

Mathieu-Robert Sauvé