La
«paroisse» universitaire célèbre la Nativité
La
Division des archives retrace les Noëls dantan.
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Le
19 décembre 1929, Le Quartier latin publie cette
caricature sur Noël. On remarque sur le logo du journal
étudiant un anachronisme intéressant: le Pavillon
principal de lUniversité de Montréal
et sa célèbre tour ne sont pas encore construits.
Le déménagement de la rue Saint-Denis (au
coeur du «quartier latin») au campus du mont
Royal ne se fera quen 1942. La tour, elle, ne sera
achevée quaprès la guerre. |
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«Aujourdhui,
dans les collines qui environnent Bethléem, les hommes jouent
plus volontiers du fusil-mitrailleur que de la houlette, et les étables
cachent plus probablement des dépôts de grenades quun
enfant Jésus sur la paille», peut-on lire dans un texte
sur Noël publié dans Le Quartier latin en 1948.
Le conflit entre Israël et la Palestine fait toujours les manchettes,
un demi-siècle plus tard, mais la religion a peu à peu
disparu des pages du journal des étudiants de lUniversité
de Montréal. Pourtant, au cours de lhistoire, Noël
a longtemps été un moment fort de lannée
universitaire «chrétienne».
En 1945, quelque 1400 personnes assistent à la messe de minuit
dans lauditorium K-500 du Pavillon principal (aujourdhui
la salle Ernest-Cormier). Une célébration qui deviendra
annuelle et qui sera même précédée dune
pièce de théâtre sur la Nativité.
Deus scientiarium dominus est
Il faut dire que le menu de la vie religieuse dans la «paroisse»
de lUniversité de Montréal était copieux:
trois messes quotidiennes pour un total annuel de 500 messes et 5000
communions. On célébrait deux messes dominicales et
une autre pour le saint patron de chacune des facultés. Il
y avait aussi ladoration du premier vendredi du mois, les offices
de la semaine, le Vendredi saint sans compter les retraites, la prédication
quotidienne, les activités de laction catholique et les
cours de préparation au mariage. Au plus fort de cette époque,
quatre aumôniers étaient présents quotidiennement
sur le campus.
Un rapport sur laumônerie des étudiants de lUniversité
de Montréal, préparé par labbé Robert
Llewellyn, signale que lassociation doit payer le salaire des
aumôniers, le vin, les hosties et les Prie avec lÉglise,
ainsi que les vêtements sacerdotaux. La chapelle universitaire,
située au Pavillon principal, compte 125 places et est souvent
remplie à capacité.
De 1945 à 1950, labbé Llewelyn, surnommé
affectueusement «le père», est un personnage important.
Hubert Aquin lui rend hommage lorsquil quitte lUniversité,
le 13 octobre 1950: «Labbé Llewellyn a revivifié
la vie universitaire à partir de la foi. Il a fait une éclaircie
dans notre forêt; il a fait reculer la frontière de lobscurité
et de la solitude. Il est venu avec sa portion de lumière,
nous lavons reçue.»
Le premier numéro du Quartier latin consacré
à Noël est publié en 1923, un numéro «spécial»
qui veut montrer limportance de cette fête. Des lettres
au père Noël et des textes poétiques sont publiés
dans ce numéro. Jean Bruchési et Robert Choquette sont
parmi les premiers auteurs à prendre la plume. Laumônier
décrit son rêve de voir sériger une maison
des étudiants, qui se concrétisera «avec la grâce
den-Haut».
Deux Noëls sont empreints de tristesse: en 1930, à la
suite du krach boursier de 1929, et en 1944, alors que fait rage la
Deuxième Guerre mondiale. «En quelque 20 ans, nous en
sommes à notre sixième Noël de guerre, dit Charles
Lussier, président de lAssociation générale
des étudiants de lUniversité de Montréal.
Au centre des pires calamités, la naissance de lenfant
Dieu apporte le message despérance pure.»
Autres temps, autres moeurs. Le numéro de décembre 1968
du journal des étudiants raconte lhistoire de Jésus
et de son père, Joseph, «un bon communiste». Jésus
est présenté comme un «anarchiste exécuté
en 33».
La Révolution tranquille
En 1960, la baisse de la ferveur religieuse se manifeste. Futur journaliste
très actif dans les milieux ouvriers, Jacques Guay incite «ceux
pour qui Noël ne veut plus rien dire et à qui on limpose
comme une croix qui les écrase» à militer en faveur
de la paix. Le 25 décembre de cette année-là,
400 étudiants canadiens marchent sur la colline parlementaire,
à Ottawa pour revendiquer le désarmement nucléaire.
Un étudiant fait le trajet de Montréal à la capitale
fédérale pieds nus.
En 1967, lUniversité obtient sa troisième charte,
qui lui confère un statut laïque. Depuis 1965, le recteur
na pas été nommé parmi les clercs, une
première dans lhistoire de létablissement.
Cette année-là, les premiers signes de la sympathie
aux idées communistes se manifestent. Les voeux de Noël
se lisent comme suit: «Joyeux Noël et le paradis rouge
à la fin de lannée.»
Mais la laïcisation ne se fait pas dun coup. Le leader
étudiant Roméo Bouchard signe, dans le numéro
spécial de Noël de décembre 1968 du Quartier
Latin, un texte intitulé «Jésus, un homme
symbole toujours vivant». À son avis, «Jésus
est incontestablement lhomme qui a le plus marqué lOccident».
Malheureusement, le Christ est «si méconnaissable que
limage dhommes plus proches de nous et de nos responsabilités
nouvelles a pris volontiers sa place sur nos murs. Mais il faudrait
sans doute bien peu dimagination pour que le poster
de Jésus reprenne place à côté de ceux
de Marx, de Mao et du Che.»
En 1950, les étudiants obtiennent «une dispense extraordinaire
du pape». Son Excellence Mgr Paul-Émile Léger,
archevêque de Montréal, reconnaissant les difficultés
de leurs conditions de vie, sollicite et obtient du Saint-Père
un adoucissement considérable du jeûne eucharistique.
Le privilège accordé aux fidèles de la «paroisse»
de lUniversité de Montréal consiste en ceci: toute
personne qui désire communier à midi ou à la
messe de midi, célébrée en semaine dans la chapelle
de lUniversité de Montréal, pourra prendre du
liquide (alcool excepté) jusquà une heure (au
lieu de trois heures) (11 h) avant la réception de la sainte
Eucharistie.
Denis
Plante
Archiviste
Sources:
Le Quartier latin, journal des étudiants de lUniversité
de Montréal.
Fonds Jean-Baptiste-Proulx (P3).
Fonds de lAssociation générale des étudiants
de lUniversité de Montréal (AGEUM) (P33).
Visitez le site de la Division des archives www.Archiv.umontreal.ca
pour voir lexposition virtuelle sur Noël.