Une
poète parmi des universitaires
Lécrivaine
Hélène Dorion se tient à la disposition des étudiants
du Département détudes françaises.
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En
plus de sa participation à diverses activités
pédagogiques, Hélène Dorion assure
jusquen mai une présence denviron une
journée par semaine pour les étudiants qui
désirent la rencontrer. |
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Installée
dans un fauteuil de son bureau au Département détudes
françaises, la poète Hélène Dorion répond
aux questions de la journaliste de Forum dune voix douce
et claire. Elle a des yeux rieurs, le rire franc et la simplicité
des gens quon apprécie instantanément. Cette écrivaine
chevronnée, qui a publié une quinzaine douvrages
de poésie au Québec, en France et en Belgique, effectue
une résidence dune année à lUniversité
de Montréal.
«Lobjectif principal de ce projet subventionné
par le Conseil des arts est de permettre à un auteur reconnu
de partager avec les étudiants son expérience décriture
et ses réflexions sur la lecture, explique Micheline Cambron,
directrice du Centre détudes québécoises.
Ces rencontres sans cérémonie dynamisent également
le travail décriture des étudiants engagés
dans un processus de création.»
Dans la sélection dun écrivain apte à satisfaire
ces exigences, tant par son activité décriture
que par sa personnalité et ses compétences, le nom dHélène
Dorion sest imposé assez rapidement, fait valoir Mme
Cambron. «En principe, les écrivains aiment lisolement,
car il est propice à la création, admet la poète.
Moi, je ne le recherche pas. Jaime échanger des idées
avec les gens. Cest pourquoi jai accepté de vivre
une expérience en résidence dans une université.»
Pour Mme Dorion, qui perçoit son rôle auprès des
étudiants comme celui dun guide, sa présence en
nos murs est stimulante. Elle tente déclairer le chemin
que seul létudiant peut défricher en suscitant
par exemple une réflexion sur le rapport entre lécriture
et la vie. «Comment lacte décrire peut-il
sinscrire dans une vie? sinterroge-t-elle. Vous savez,
cela nest pas si simple dans une société qui valorise
peu la lecture.»
Mais lorsquune personne accomplit un petit pas dans sa démarche
intérieure et parvient à laisser sépanouir
sa créativité littéraire, cela donne un sens
à son travail décriture, dit-elle. On reconnaît
dailleurs à Hélène Dorion une influence
considérable sur les jeunes auteurs au cours de ses huit années
dexpérience comme directrice littéraire des Éditions
du Noroît.
De la philosophie à la poésie
Dans quel état écrit-on de la poésie? «Jessaie
de ne pas me fixer dans des habitudes, répond Mme Dorion. Lécriture
poétique est un travail découte de soi. Cest
un état dêtre qui nest pas lié à
lémotion, mais à un conditionnement par rapport
au langage et aux mots. Seule condition: la concentration. Je ne pourrais
pas écrire dans un café bruyant par exemple. Jai
besoin de silence.»
Un extrait des Murs de la grotte, un ouvrage paru en 1998 aux
Éditions de la Différence, décrit bien la relation
quelle entretient avec la poésie: «Le poème
va/vers linavoué./Comme une voix/enfin entendue/de ce
qui tremble en nous.»
Née à Québec en 1958, Hélène Dorion
a eu «le choc des mots», selon son expression, quand elle
a lu pour la première fois les vers du poète Jacques
Brault. «Jai été secouée par ses
réflexions sur lexistence et son travail sur le langage.
À ce moment, jai compris que les mots étaient
une matière qui existe en elle-même.» La philosophie
a aussi contribué à sa lucidité en tant quauteure.
Dailleurs, plusieurs de ses oeuvres sont empreintes dun
questionnement sur lorigine qui rappelle la quête des
philosophes présocratiques.
«Létude de la philosophie ma fourni des fondements
qui me permettent de mieux appréhender le monde. Mais à
lépoque, il me semblait que lêtre humain
nétait pas assez pris en compte dans cette discipline,
affirme-t-elle. Mon passage à la littérature ma
révélé toute une partie inactive de moi-même.»
Après une maîtrise en création à lUniversité
Laval, elle publie coup sur coup, en 1983, deux ouvrages de poésie
au Noroît: Lintervalle prolongé et La
chute requise. Son succès immédiat la convainc de
sengager à fond dans cette voie.
Depuis, cette écrivaine, finaliste en 1998 au Prix du Gouverneur
général du Canada, a gagné de nombreuses récompenses,
dont le Prix de poésie Wallonie-Bruxelles et celui du Festival
international de la poésie de Trois-Rivières.
Une voix et du silence
Hélène Dorion déplore les préjugés
et le silence qui entourent la poésie contemporaine. À
son avis, les médias de lactualité littéraire
délaissent cette forme décriture au profit du
spectaculaire, car les gens ont peur de ce quils ne connaissent
pas. Au Québec, le milieu poétique est néanmoins
foisonnant à en juger par le nombre de participants aux lectures
publiques. «Entendre les poètes lire leurs textes permet
aux gens de toucher à cette voix à lintérieur
deux, ce qui nest pas si évident dans le monde
où lon vit», confiait Mme Dorion lannée
dernière à la revue littéraire Nuit blanche.
Dans cette optique, elle coréalise depuis 1992 une série
denregistrements audio de poésie et musique. De plus,
elle fait régulièrement des lectures publiques quelle
considère comme des moments précieux entre le poète
et les spectateurs. Dans le cadre des rendez-vous littéraires
et musicaux des Poètes de lAmérique française,
qui se sont déroulés à lautomne, Hélène
Dorion a lu plusieurs extraits de ses nouveaux recueils: Portraits
de mers (La Différence) et Fenêtres du temps
(Trait dunion).
Dans Portraits de mers, elle poursuit son observation sur lorigine
humaine. Mais ici, le questionnement de lorigine relève
davantage de lhistoire individuelle que de celle du monde. Fenêtres
du temps, issu dun carnet de voyages effectués en Allemagne
et en Autriche, a été écrit sur linspiration
du moment. «Cest une démarche décriture
inhabituelle pour moi qui mets généralement de deux
à trois ans avant dacheminer mes mots à un éditeur.»
Dominique
Nancy