LUnivers
est-il statique?
Aubert
Daigneault veut tirer de loubli les travaux de Segal qui réhabilitent
le modèle initial dEinstein.
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La
formule fort simple de Segal qui démontre que la
courbure de lUnivers peut causer le décalage
vers le rouge. «Peu de gens la connaissent et encore
moins la comprennent», affirme Aubert Daigneault. |
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En moins dun
demi-siècle, le modèle du big-bang est devenu tellement
réputé en cosmologie quil passe pour être
le seul capable dexpliquer lensemble des phénomènes
observés en astrophysique, notamment le décalage vers
le rouge du spectre lumineux des galaxies.
Ce modèle a par contre toujours eu ses détracteurs qui,
bien que peu nombreux, résistent à lorthodoxie
du milieu. Le plus célèbre opposant, Fred Hoyle, est
de façon paradoxale celui qui a ironiquement donné le
nom de «big-bang» au modèle. Mais il nest
pas le seul à réfuter le big-bang. Einstein lui-même
sest rangé à lidée dun univers
en expansion un peu à contrecoeur, alors que ses premiers travaux
établissaient que lUnivers était statique, éternel
et sphérique.
En 1972, un mathématicien du MIT, Irving Ezra Segal, a repris
les travaux dEinstein enrichis par les observations les plus
récentes des astrophysiciens et est arrivé à
la même conclusion que le célèbre génie:
lUnivers est statique. Décédé en 1998,
le mathématicien a toutefois laissé ses recherches en
plan et na pas eu le temps de répondre aux dernières
objections qui lui avaient été faites.
Aubert Daigneault, professeur retraité du Département
de mathématiques et de statistique, veut tirer Segal de loubli.
Avec son collègue Arturo Sangalli, du collège Champlain
de Lennoxville, il vient tout juste de publier, dans le numéro
de janvier 2001 de Notices of the AMS (American Mathematical Society),
un article1 invitant la communauté scientifique, notamment
les statisticiens, à poursuivre loeuvre inachevée
de Segal.
Décalage vers le rouge
«Un des principaux éléments de la controverse
réside dans linterprétation à donner au
décalage vers le rouge de la lumière provenant des objets
éloignés de notre galaxie», explique-t-il. En
1929, ce phénomène a été interprété
par Edwin Hubble comme étant une manifestation de leffet
Doppler.
Un exemple que tout le monde connaît bien de leffet Doppler
est la variation de la fréquence dune sirène dun
véhicule durgence en fonction de son déplacement:
les notes sont plus aiguës lorsque la source se rapproche que
lorsquelle séloigne. Le même effet est observable
pour des objets lumineux à très grande distance: leur
mouvement déloignement décale la fréquence
lumineuse vers le rouge. On en a déduit que toutes les galaxies
séloignaient les unes des autres et que, forcément,
il y eut un moment où elles étaient toutes concentrées
en un même point.
«Mais le décalage vers le rouge sexplique mieux
par la courbure de lUnivers, soutient Aubert Daigneault. Il
est une conséquence du principe de conservation de lénergie
dans lunivers sphérique dEinstein. La courbure
fait que la fréquence de la lumière diminue avec la
distance de la source dans la sphère tridimensionnelle. Dans
linterprétation traditionnelle dun univers en expansion,
la fréquence représente toute lénergie
de la lumière et cest la diminution de cette énergie
qui crée le décalage. Mais où va lénergie
perdue? Ce modèle ne tient pas compte du principe de la conservation
de lénergie, un principe fondamental en science. La réalité,
cest que la fréquence ne représente quune
partie de lénergie.»
Comme pour la célèbre formule dEinstein sur lénergie,
le fait quun univers sphérique produise un décalage
vers le rouge sexprime mathématiquement par cette équation
fort simple de Segal: Z = tg2(t/2r), où Z est le décalage,
tg la fonction tangente, t le temps de parcours de la lumière
et r le rayon de lUnivers. Comprendre la formule savère
par contre fort ardu.
«Hubble avait pressenti que le décalage pouvait être
dû à la courbure de lUnivers, mais avait proposé
leffet Doppler comme explication faute de mieux, rappelle Aubert
Daigneault. Einstein a fini par croire que lexpansion était
un phénomène empiriquement établi et il a modifié
ses calculs en retranchant la constante cosmologique, cest-à-dire
lélément tenant compte de la constance du rayon
de lUnivers. Mais Segal a démontré mathématiquement
que la courbure était la cause du phénomène observé.»
Des réponses à toutes les questions
Selon le professeur, les astrophysiciens redécouvriraient actuellement
lutilité de la constante cosmologique pour concilier
lâge des étoiles avec celui de lUnivers.
La théorie cosmologique de Segal, appelée «cosmologie
chronométrique», répondrait dailleurs à
toutes les questions laissées sans réponse par la théorie
du big-bang, comme celles de la «masse manquante» et du
«rayonnement fossile».
Pour expliquer la vitesse des galaxies, la théorie du big-bang,
quAubert Daigneault appelle «sagesse conventionnelle»,
est obligée de supposer quil existe 90% plus de matière
que ce qui est observé, ce qui lui paraît déraisonnable.
«La matière visible nest quune partie de
la matière existante, mais, avec un univers statique, on na
pas de problème de masse manquante.»
Quant au «rayonnement de fond» de trois degrés
Kelvin observé par divers moyens depuis 1965, prédit
par lhypothèse du big-bang et in-terprété
comme un «rayonnement fossile» de lexplosion initiale,
il sexpliquerait lui aussi par la conservation de lénergie.
«Cest le résultat du voyage de la lumière
dans la sphère tridimensionnelle», affirme le mathématicien.
Autre problème résolu, celui du manque de temps, dans
la théorie du big-bang, pour que les galaxies aient pu se former;
dans le modèle de Segal, lUnivers est éternel.
«De nombreux problèmes de lastrophysique traditionnelle
disparaissent avec la cosmologie chronométrique», souligne
M. Daigneault.
Il peut paraître facile de résoudre les difficultés
en postulant que lUnivers a toujours existé. «Supposer
que le temps est infini nest pas gratuit, répond le professeur.
Cela est inclus dans le principe de la conservation de lénergie.»
Pourquoi le modèle de Segal est-il donc ignoré, voire
rejeté, par la communauté scientifique? «Les critiques
du modèle sont basées sur des analyses statistiques
erronées», affirme Aubert Daigneault.
Le rejet du modèle de Segal relèverait aussi de la sociologie
politique des sciences. «Il nest pas facile dadmettre
quon sest trompé, surtout si lerreur vous
a valu la renommée et que de grosses sommes y ont été
investies. De plus, lidée dun univers en expansion
nous plaît alors que lexplication chronométrique
du décalage est difficile à comprendre et nécessite
beaucoup de connaissances mathématiques.»
On pourrait aussi ajouter que lidée dun univers
ayant un commencement, un développement et une fin colle bien
à notre vision anthropomorphique de la réalité,
alors que limage dun univers éternel défie
notre entendement.
«Les tenants de la sagesse conventionnelle persistent à
ignorer les travaux de Segal et croient que le débat est clos,
mais la question demeure toujours ouverte.» Pour Aubert Daigneault,
ce sont les statisticiens qui en définitive vont trancher le
débat et cest pourquoi il dirige son intervention particulièrement
vers eux.
Daniel
Baril
1 Einsteins
Static Universe: An Idea Whose Time Has Come Back?, www.ams.org/notices.