Volume 35 numéro 15
11 décembre
2000


 


De la musique à la physique
Vincent Bouchard obtient une bourse Rhodes.

C’est la carrière de professeur d’université que le boursier Rhodes, Vincent Bouchard, étudiant au Département de physique, désire embrasser.

«Vous avez joué une fausse note à la 52e mesure de la pièce Dreams of Love, de Liszt», lance un homme au jeune pianiste de l’hôtel qui travaille dans l’établissement les fins de semaine tout en poursuivant ses études. Et le musicien de répondre: «Monsieur, vous faites erreur. J’en ai fait beaucoup plus qu’une.»

Le style, c’est l’homme. Vincent Bouchard, étudiant au baccalauréat en physique et boursier Rhodes 2001, diplômé en piano classique de l’École de musique Vincent-d’Indy avec la mention «grande distinction», est encore capable de rire de lui-même. «Il ne faut pas se prendre trop au sérieux», dit-il en souriant.

L’honneur qui lui échoit n’est pourtant pas banal. La fondation Cecil-Rhodes, magnat du diamant au début du siècle, permet chaque année à deux jeunes chercheurs du Québec (l’autre lauréate est Astrid Christofferson-Deb, étudiante en médecine à l’Université McGill) d’étudier à la prestigieuse université d’Oxford, en Angleterre. Plusieurs boursiers Rhodes sont aujourd’hui renommés dans leur domaine. Le président des États-Unis, Bill Clinton, l’ancien premier ministre de l’Ontario, Bob Rae, et le créateur du ministère de l’Éducation du Québec, Paul Gérin-Lajoie, figurent parmi les lauréats de ce prix.

Dans ses relevés de notes, Vincent Bouchard cumule les A+ comme d’autres collectionnent les timbres. Pas étonnant que ses professeurs lui reconnaissent une intelligence peu commune. Il a déjà obtenu plusieurs bourses pour l’excellence de son dossier scolaire, dont la bourse d’admission générale de l’Université de Montréal et celle du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie pour l’appui aux jeunes chercheurs en milieu universitaire.

Mais le succès scolaire dans une discipline très exigeante ne constitue pas le seul gage de l’excellence de ce jeune physicien. Le directeur adjoint des ressources technologiques du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, Raymond Carrier, qui connaît M. Bouchard depuis son enfance, a trois mots pour qualifier le jeune homme: intelligence, équilibre et engagement.


Polyvalent et engagé

Avec son budget d’environ 30,000$, Vincent Bouchard envisage, dans le cadre de son mémoire de maîtrise, de mener une étude sur la théorie unifiée. «Les physiciens sont toujours à la recherche d’une telle explication, signale le jeune homme âgé de 21 ans. Cette théorie démontrerait que les interactions forte et faible ainsi que les forces électromagnétique et gravitationnelle sont unies et ne sont en fait que les manifestations d’une seule et même force.»

Dans cette optique, il a travaillé l’été dernier avec David London, professeur au Département de physique, à un projet de recherche sur la physique théorique des particules. «Pour effectuer l’étude, M. Bouchard a dû assimiler des théories relatives aux champs quantiques, un sujet normalement enseigné aux étudiants des cycles supérieurs. Malgré tout, il a terminé le projet deux fois plus rapidement que prévu», fait valoir M. London.

Un génie? Non, répond le boursier Rhodes. La réussite survient quand on aime ce qu’on fait. Et ce qui branche cet étudiant, dont l’objectif de carrière est de devenir professeur à l’université, c’est la recherche fondamentale.

Cet intérêt pour la physique représente-t-il un virage? «Cela peut sembler bizarre, explique l’étudiant originaire de Saint-Jean-sur-Richelieu, mais de subtiles relations existent entre l’apprentissage d’un instrument de musique et la recherche, notamment sur le plan de la créativité. De plus, les études musicales permettent de développer la concentration et les aspects artistique et sentimental sous-jacents aux relations humaines. C’est primordial pour équilibrer la rigueur de la science dans la vie de tous les jours.»

Sa maîtrise du piano l’a amené à participer à l’émission Faites vos gammes, de Radio-Canada, et à donner régulièrement des concerts devant de grands auditoires. Il enseigne depuis six ans cet instrument à l’École de musique Jocelyne-Laberge, un établissement affilié à l’école Vincent-d’Indy.

Ses talents musicaux ne se limitent cependant pas qu’au piano. M. Bouchard joue également de la guitare, de la batterie et de l’accordéon. «J’ai appris à jouer de ces instruments de façon autodidacte, dit-il. J’aime la polyvalence.» La diversité des styles de musique qu’il affectionne en témoigne: classique, populaire, jazz et folklore québécois. Membre de plusieurs formations musicales, il met bénévolement à contribution ses habiletés de musicien pour différents organismes et événements comme le Téléthon de la paralysie cérébrale, le Téléthon des étoiles et celui d’Enfants Soleil.

Son engagement social se manifeste aussi sous diverses autres formes. Depuis 1997, le jeune homme est notamment responsable adjoint de la direction générale du mouvement SPV (Service de préparation à la vie) pour la région de la rive sud de Montréal. «Il s’agit d’un regroupement qui vise l’engagement des jeunes dans leur milieu», signale Vincent Bouchard. Pendant plusieurs étés, il a également travaillé comme bénévole au Camp de l’avenir. Ce camp de formation, basé sur des valeurs humaines et chrétiennes, accueille les jeunes, les personnes âgées, les itinérants et les personnes handicapées physiques et mentales.


Un parcours étincelant

Dès le secondaire, il s’engage dans de nombreuses activités, dont le concours Génies en herbe et le journal de l’école qu’il a fondé. L’élève fait également partie d’équipes sportives de compétition, notamment de badminton, basket-ball et soccer. «La nage, le conditionnement physique et la pratique de différents sports occupent une place de choix dans mon horaire, indique M. Bouchard. Je privilégie la diversité plutôt que la spécialisation dans une discipline précise.»

Son passage au Cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu est marqué par sa participation à deux concours (Cégep en spectacle et Sciences, on tourne) et à titre de membre de la radio étudiante et du Centre d’aide et d’animation. À l’Université, il est entre autres représentant de son année au sein de l’association étudiante et dans les comités de planification professorale. Il s’est classé demi-finaliste au concours Si j’étais pre-mier ministre, ce qui lui a valu une bourse de 500$. Pour le moment, Vincent Bouchard poursuit son baccalauréat en physique.

En lui attribuant la bourse Rhodes, le Comité de sélection du Québec a voulu récompenser les qualités personnelles de l’étudiant et plus particulièrement encourager le développement de ses aptitudes. Onze bourses Rhodes sont attribuées chaque année au Canada. Elles sont d’environ 25,000$ sur deux ans plus les frais de voyage et les droits de scolarité. Elles peuvent être renouvelées pour une troisième année.

Dominique Nancy