Volume 35 numéro 14
4 décembre 2000


 


«C’est pour moi la campagne des campagnes»
Le coprésident André Caillé, PDG d’Hydro-Québec, rappelle ses années d’études.

«Les universités McGill, de Toronto, de la Colombie-Britannique et les grandes écoles de Boston et de New York sont toutes soutenues
par les entreprises du milieu», dit ce docteur
en physique-chimie de l’Université de Montréal.

«L’Université de Montréal et ses écoles affiliées doivent devenirle complexe universitaire francophone numéro un au monde»,
affirme André Caillé.

L’Université de Montréal et Hydro-Québec traversent une bonne période, dit André Caillé. L’Université de Montréal arrive en deuxième place au Canada en ce qui concerne les fonds de recherche (derrière l’Université de Toronto, beaucoup plus populeuse). Quant à Hydro-Québec, elle a annoncé des profits de un milliard de dollars pour l’an 2000.

 

Quand André Caillé s’est inscrit au baccalauréat en chimie à l’Université de Montréal en 1964, il est monté, à pied, du terminus d’autobus jusqu’à la tour du Pavillon principal. Un trajet de près de deux heures. «J’ai eu 100 fois le temps de changer d’idée. Je ne l’ai pas fait. Tant mieux», dit le président-directeur général d’Hydro-Québec.

Durant l’ascension, le jeune homme s’est promis qu’il ne redescendrait pas le chemin de la Côte-des-Neiges avant d’avoir obtenu un diplôme. Il a tenu parole. Quand il a quitté son alma mater, en 1970, il avait en main un baccalauréat, une maîtrise et un doctorat. Aujourd’hui coprésident de la campagne de financement Un monde de projets (avec Robert Brown, président de Bombardier), il a d’autres ambitions: faire de l’Université de Montréal et de ses écoles affiliées le complexe universitaire francophone numéro un dans le monde.

«C’est pour moi la campagne des campagnes, a-t-il dit au cours d’une entrevue exclusive accordée à Forum dans son bureau du 19e étage de l’immeuble du boulevard René-Lévesque. La sollicitation va bien, mais il reste encore du travail à faire. Mieux nous réussirons, plus nous aurons les moyens de nos ambitions. Un bon fonds de dotation, cela signifie plus de chaires, des équipements performants et des bourses d’études. On doit attirer les meilleurs étudiants au monde. Rien de moins.»

M. Caillé rappelle que le Québec connaîtra bientôt, à mesure que les baby-boomers prendront leur retraite, un grand renouvellement d’employés à tous les échelons. À Hydro-Québec, cela se fera sentir. C’est donc le temps d’investir dans la formation universitaire.


Volkswagen blues

Celui qui a popularisé le port du col roulé institutionnel durant la crise du verglas, en janvier 1998, conserve d’excellents souvenirs de ses années d’études universitaires. «De la science, j’en ai mangé!» dit-il. Encore aujourd’hui, l’un de ses livres de chevet est un ouvrage sur la thermodynamique qu’il a lu pour la première fois durant ses études.

Pourtant, rien ne prédisposait ce fils d’agriculteur à devenir le PDG de la huitième entreprise d’énergie au monde. Rien? Ce n’est pas tout à fait exact. «Papa est un homme de science à sa manière, relate M. Caillé. Lorsque nous étions jeunes, il observait les cycles naturels; il nous expliquait la botanique avec ses plantations, la mécanique avec son tracteur. Il nous a appris à observer le monde et à nous montrer curieux.»

Même s’ils n’avaient pas étudié eux-mêmes, ses parents croyaient à l’éducation. Trois des quatre fils Caillé ont d’ailleurs obtenu des diplômes universitaires en sciences; le quatrième, Roger, a pris la relève à la ferme familiale. «Mes parents valorisaient l’étude. Et ils nous admiraient, dit André Caillé. J’ai toujours été fier de leur présenter mes résultats scolaires. Même au doctorat, j’allais leur montrer mes relevés de notes.»

Durant les années 60, Alain, André et Jean-Pierre — tous trois étudiants à l’UdeM — faisaient le trajet de Saint-Luc à Montréal, matin et soir, dans une Volkswagen achetée à crédit et qu’ils payaient 25$ par mois. «Dans notre bagnole, les essuie-glaces étaient toujours détraqués. Je me souviens d’un jour de forte pluie où l’on ne voyait rien. Alain a fixé une corde sur les essuie-glaces et les deux extrémités passaient d’une fenêtre à l’autre. D’un mouvement alternatif, il actionnait manuellement les essuie-glaces pendant que je conduisais.»

De la haute technologie, en somme. «Nous donnions alors plutôt dans la basse technologie», dit-il dans un grand éclat de rire.

L’inventeur du dispositif manuel, Alain, est aujourd’hui vice-recteur à la recherche à l’Université de Montréal. Quant à Jean-Pierre, il est décédé accidentellement il y a une dizaine d’années lors d’un match de hockey. Parmi les causes du décès, on soupçonne le monoxyde de carbone produit par la surfaceuse. «Toutes les Zamboni devraient fonctionner à l’électricité. Vous pouvez écrire ça.»


Les leçons de l’histoire

Malgré son horaire chargé, André Caillé s’évade en vélo sur le mont Royal trois fois par semaine. C’est son rituel dans cet «endroit sacré». Après le souper, il enfile sa combinaison et dévale l’un des sentiers qu’il a découverts au fil de ses escapades. Il est de retour dans sa maison d’Outremont à temps pour le Téléjournal.

Un de ses plus grands plaisirs consiste à faire sa randonnée durant la soirée la plus froide de l’hiver, alors qu’Hydro-Québec connaît sa période de pointe. Lors de ces sorties, il arrive que le froid soit si intense que ses cils se collent les uns sur les autres dans un glaçon horizontal. Mais sa bécane adaptée aux pires conditions lui permet d’atteindre l’un des sommets du mont, d’où il aperçoit la ville illuminée. Il voit aussi la tour de l’Université de Montréal.

Depuis deux ans, Hydro-Québec traverse une bonne période. Elle annonce des revenus de un milliard pour la dernière année. Mais la société d’État a-t-elle retenu les leçons de la crise du verglas? «Nous procédons à l’enfouissement des fils grâce à une mise de fonds de 100 millions sur cinq ans. Mais cela ne concerne pas que l’électricité; il y a aussi les fibres optiques, la téléphonie. Je peux vous faire une prédiction: d’ici le prochain siècle, il n’y aura plus un fil aérien. Tout sera souterrain.»

Dans une perspective beaucoup plus rapprochée, André Caillé rêve de voir ses concitoyens se déplacer dans des véhicules propulsés à l’électricité. Lui-même possédera au printemps prochain une voiture 100% électrique, fruit du travail des chercheurs de l’Institut de recherche d’Hydro-Québec. «J’aurai une auto qui fonctionne à l’eau. Branchée sur la baie James», dit le président.

Mathieu-Robert Sauvé


Inauguration de l’amphithéâtre Hydro-Québec

Le 8 novembre dernier, l’amphithéâtre de la Faculté de l’aménagement a été nommé amphithéâtre Hydro-Québec pour souligner la contribution de l’entreprise d’État au développement de l’Université. Entre autres, Hydro-Québec a fait une contribution de 11,9 M$ à la campagne Un monde de projets. À cette occasion, la doyenne Irène Cinq-Mars, son prédécesseur Michel Gariépy, Marie-Josée Nadeau, vice-présidente exécutive aux affaires corporatives à Hydro-Québec (en remplacement d’André Caillé retenu à l’étranger), et le recteur Robert Lacroix ont procédé au dévoilement d’une plaque.