Un
médecin chez les infirmières
Spécialiste
en santé communautaire, Christine Colin estime avoir beaucoup
daffinités avec cette profession en mutation.
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«Jai
un intérêt farouche pour tout ce qui touche
la prévention et la promotion de la santé»,
déclare la doyenne Christine Colin. |
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«Je ne suis
pas ici parce que je suis médecin. Ça fait tout simplement
partie de mon CV», précise la nouvelle doyenne de la
Faculté des sciences infirmières.
Si Christine Colin a été approchée par lUniversité
pour occuper ce poste, cest dabord pour sa solide expérience
de gestionnaire en santé publique et communautaire dans le
réseau de la santé. Elle a été notamment
directrice du Département de santé communautaire du
Centre hospitalier Maisonneuve-Rosemont, puis, de 1993 à 1998,
sous-ministre adjointe et directrice générale de la
santé publique au ministère de la Santé et des
Services sociaux. Le fait davoir participé aux discussions
qui ont mené à la transformation du réseau de
la santé sous le ministre Jean Rochon la convaincue du
rôle majeur que joue linfirmière dans ces changements.
Son travail en santé communautaire et ses préoccupations
de recherche ont également contribué à rapprocher
Christine Colin des infirmières depuis le début de sa
carrière. Entre autres, grâce au programme Naître
égaux et grandir en santé implanté dans les CLSC
pour aider les femmes de milieux défavorisés pendant
leur grossesse. «Lexcellente collaboration des infirmières
dans la réalisation de ce projet ma donné une
bonne idée du rôle que joue linfirmière
en milieu ambulatoire. Aussi, de par ma spécialité en
santé publique, je suis très orientée vers les
approches multidisciplinaires et globales et vers la prévention.
Or, ce sont là des approches qui sont au coeur des orientations
actuelles de la profession dinfirmière. Bien sûr,
beaucoup dinfirmières travaillent dans les hôpitaux.
Encore là, ma vision du développement à venir
de la profession est proche des besoins que je perçois dans
le milieu hospitalier.»
La pratique avancée
La question de la pratique avancée, qui consiste à faire
en sorte que des infirmières praticiennes puissent accomplir
des actes médicaux jusque-là réservés
aux médecins, est un des dossiers prioritaires de la doyenne
Colin. Linfirmière praticienne, réclamée
à la commission Clair par lOrdre des infirmières
et infirmiers et par les hôpitaux, pourrait bientôt faire
lobjet dune reconnaissance officielle, si lon en
croit les propos récents de la ministre de la Santé
et des Services sociaux, Pauline Marois. La Faculté doit donc
élaborer un nouveau programme qui viendra sajouter à
ceux quelle compte déjà et qui mènent aux
titres dinfirmière clinicienne (baccalauréat)
et dinfirmière spécialisée (maîtrise
professionnelle). Linfirmière praticienne pourrait jouer
un rôle accru en néonatologie, en hémodialyse,
en insulinothérapie, en réanimation ainsi quaux
urgences et aux soins intensifs.
«Il ne sagit pas dune assistance médicale
mais bien dun ajout à la profession avec des connaissances
supplémentaires qui permettra à linfirmière
dintervenir davantage sur les plans du diagnostic et de la prise
en charge du patient, constate Christine Colin. Mais il faut dabord
que le Collège des médecins et lOrdre des infirmières
et infirmiers arrivent à une entente.»
Comme des médecins réclament la venue de cette super-infirmière
surtout aux urgences, la chose pourrait aller assez rondement, dautant
plus que la praticienne est déjà reconnue aux États-Unis
et dans plusieurs provinces canadiennes. Mme Colin, qui siège
au comité de suivi du Forum sur les urgences en tant que représentante
de la CREPUQ, croit cependant que la réflexion quamorce
sa faculté sur le sujet devrait se faire avec les autres facultés
des sciences infirmières du Québec.
Formation intégrée D.E.C.-baccalauréat
Autre dossier prioritaire de la doyenne: la formation intégrée
de cinq ans D.E.C.-baccalauréat. En effet, environ 25% des
étudiantes se présentent à lUniversité
non pas avec un D.E.C. général mais avec un D.E.C. en
sciences infirmières obtenu au cégep, ce qui nécessite
la coexistence à la Faculté de deux profils de formation
au baccalauréat.
Le ministre de lÉducation François Legault a donc
demandé à un comité de lui faire des recommandations
sur une formation intégrée pour lentrée
dans la profession. Mme Colin considère que le Québec
accuse un certain retard en matière de formation par rapport
aux États-Unis, où le baccalauréat est obligatoire
pour accéder à la profession dinfirmière.
Il en sera de même en Ontario à compter de 2005.
«La formation universitaire permet un meilleur jugement clinique
et prépare mieux à un travail communautaire, signale
la doyenne. Lorsque, par exemple, une infirmière est seule
au domicile dun patient et que celui-ci décompense, elle
doit avoir été préparée à faire
face à ce genre de situation pour savoir comment sy prendre.»
Lintégration des programmes des deux ordres denseignement
permettra aussi déviter les chevauchements pour celles
qui poursuivent leurs études à luniversité.
Formation clinique et recherche
Au moment où il y a pénurie dinfirmières
et où celles qui sont en poste sont débordées,
la Faculté doit demander à quelque 160 à 200
infirmières de participer à la formation dune
stagiaire chacune pendant plusieurs semaines, et ce, avec des moyens
négligeables. «Il faut augmenter le nombre de professeurs
de clinique et aussi améliorer la reconnaissance de ce travail
très exigeant, signale Christine Colin. Cette partie de la
formation est méconnue, sous-évaluée et sous-financée.»
Elle tient cependant à préciser que la collaboration
des centres et instituts affiliés, particulièrement
des directions des soins infirmiers, est excellente. «Cest
dailleurs avec eux que nous voulons réfléchir
sur nos programmes de formation.»
Enfin, la doyenne croit que la Faculté, qui a fait de grands
pas en recherche depuis une dizaine dannées, doit continuer
de développer la recherche clinique et les connaissances en
évaluation des interventions. Cette recherche a des retombées
non seulement sur la qualité de vie du patient mais aussi sur
les coûts du système. «Une intervention efficace
permet dans bien des cas déviter une réhospitalisation.»
Mme Colin, qui se passionne pour tout ce qui touche la prévention
et la promotion de la santé, fait partie dune équipe
de chercheurs en sciences infirmières et en médecine
sociale et préventive dont les travaux portent sur la périnatalité
en milieu défavorisé.
La Faculté a connu une augmentation de 20% de ses inscriptions
au baccalauréat. Elle compte maintenant environ 1250 étudiants
au baccalauréat dont 14% sont des hommes. Une trentaine détudiantes
sont inscrites au doctorat dans un programme donné conjointement
avec lUniversité McGill. Mais il faudra voir à
revaloriser cette profession si lon veut continuer dy
intéresser les jeunes. Et cette valorisation ne tient pas quà
la formation, observe Christine Colin. Elle tient aussi aux conditions
de travail dans le milieu et à la rémunération.
Or, en 1998, seulement la moitié des infirmières avaient
un poste régulier à temps plein et 18% avaient un poste
temporaire à temps partiel.
Françoise
Lachance