Volume 35 numéro 14
4 décembre 2000


 


Bientôt des vaccins pour guérir le cancer
L’équipe du Dr Rafick-Pierre Sékaly travaille à l’élaboration de vaccins contre le cancer et les infections virales chroniques.

Rafick-Pierre Sékaly est professeur depuis 1988 à la Faculté de médecine et directeur scientifique du nouveau Réseau canadien pour l’élaboration de vaccins et d’immunothérapies contre le cancer et les infections virales chroniques (CANVAC).

D’ici 10 ans, les vaccins ne serviront pas seulement à prévenir les infections, mais permettront éventuellement de guérir des maladies comme le cancer, l’hépatite C et le sida», estime Rafick-Pierre Sékaly, professeur au Département de microbiologie et immunologie de la Faculté de médecine.

C’est du moins l’objectif poursuivi par le directeur scientifique du nouveau Réseau canadien pour l’élaboration de vaccins et d’immunothérapies contre le cancer et les infections virales chroniques (CANVAC). Inauguré au printemps dernier grâce à un investissement de 18,8 millions de dollars du gouvernement fédéral, ce centre d’excellence basé à l’Université de Montréal regroupe 67 des plus éminents virologistes et immunologistes du pays travaillant dans plusieurs universités, entreprises et organismes gouvernementaux.

Cette possibilité de vaincre le cancer par la vaccination pourrait venir plus tôt qu’on le pense. La revue Nature Medicine de mars rapporte une réduction de 50% des tumeurs cancéreuses de deux patients atteints d’un cancer du rein métastasé (disséminé dans d’autres parties du corps) grâce à un vaccin expérimental. Ce traitement prometteur, obtenu par la fusion électrique de cellules prélevées sur le malade et de cellules d’un donneur, pourrait soigner d’autres formes de cancer, par exemple le cancer du sein et le cancer de la prostate. Mais pour l’instant, on ne connaît pas encore les antigènes qui caractérisent ces maladies et beaucoup de questions demeurent sans réponses.


L’espoir est permis

«Les vaccins constituent l’outil de prévention par excellence, rappelle le professeur Sékaly. Jusqu’à récemment, leur efficacité était limitée aux maladies bactériennes et aux infections virales aiguës. Au cours des dernières années, des découvertes ont permis de mieux comprendre les processus immunitaires fondamentaux qui entrent en jeu dans le contrôle des maladies chroniques. L’immunothérapie est maintenant envisageable pour traiter le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), l’hépatite C et certains types de cancer.»

Il ne s’agit pas de vaccins prophylactiques (c’est-à-dire préventifs) mais plutôt thérapeutiques, explique le chercheur. Le vaccin anticancer ou antisida provoque une stimulation des défenses immunitaires chez les gens atteints de sorte que leur organisme parvient à combattre les antigènes et à éliminer les tumeurs. À ce jour, seuls des souris cancéreuses et des chats leucémiques ont été guéris par l’immunothérapie.
Mais l’espoir est permis.

Pour le Dr Sékaly, l’établissement du réseau CANVAC représente une occasion unique de faire avancer les connaissances dans la lutte contre le cancer et les maladies chroniques. Environ 275 000 Canadiens souffrent d’hépatite C et 50 000 sont infectés par le VIH. Quant au cancer, les spécialistes estiment qu’il sera la principale cause de mortalité au pays d’ici 20 ans.

Ce que les chiffres ne disent pas, c’est que le cancer et les maladies virales chroniques coûtent très cher à la société. D’où les efforts également déployés par les scientifiques dans la mise au point et la production de vaccins préventifs. Car la prévention est beaucoup plus économique que le traitement. Il a d’ailleurs été évalué que chaque dollar investi dans la vaccination fait économiser 7$ en traitement, souligne l’immunologiste.


Profession: chercheur

Rafick-Pierre Sékaly a toujours été fasciné par l’immunologie. Lorsque ce dynamique chercheur d’origine libanaise effectuait sa thèse de doctorat à Lausanne (Suisse), les manipulations in vitro faisaient leur entrée dans la science. «De nos jours, le transfert de gènes peut se faire directement dans le corps du patient (thérapie génique in vivo) ou dans des cellules après leur multiplication en culture (thérapie génique ex vivo).»

Ce sont ces possibilités d’interventions et la diversité des pathologies résultant d’un dérèglement du système immunitaire qui l’ont incité à entreprendre des études dans ce domaine. À l’origine de son intérêt pour la recherche en santé, le directeur scientifique du réseau CANVAC révèle un profond désir d’améliorer la qualité de vie des gens. Aujourd’hui, le Dr Sékaly se passionne toujours autant pour l’immunologie et est animé par la même ambition. Dans son laboratoire, qui compte une quarantaine de chercheurs polyvalents, on espère mettre au point des vaccins efficaces contre le cancer et les infections virales chroniques pour protéger les personnes partout dans le monde.
En plus de bénéficier, pour les quatre prochaines années, d’une subvention annuelle de un million de dollars du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, l’équipe de Rafick-Pierre Sékaly vient de recevoir une subvention de 1,600,000$ de Valorisation-recherche Québec.

Dominique Nancy