Molière
et Beethoven aux HEC
François
Colbert donne des conférences sur la gestion des arts jusquen
Australie.
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François
Colbert observe que le nombre dactivités culturelles
et le revenu global des organismes augmentent sans cesse
depuis 1996. «Par comparaison, lassistance aux
compétitions de sport amateur et professionnel est
en chute libre.» |
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François
Colbert nentretient aucun complexe à légard
de lItalie, lAutriche, la France ou lAllemagne lorsquil
est appelé à y donner des séminaires. Pour le
titulaire de la Chaire de gestion des arts de lÉcole
des Hautes Études Commerciales, ces pays sont de simples destinations
daffaires. «LEurope a bien entendu une grande tradition
artistique et culturelle, mais, pour ce qui est de la gestion, elle
a beaucoup à apprendre.»
Quun «ptit gars de Trois-Rivières»
se rende à Paris, Milan, Berlin et Vienne pour montrer aux
administrateurs détablissements culturels centenaires
comment gérer leur patrimoine artistique ne lui apparaît
pas exceptionnel. «Non, je ne me sens pas comme un vendeur de
congélateurs dans le Grand Nord. Le marketing et le management
des arts étaient perçus très négativement
autrefois. Mais les choses changent. Aujourdhui, on accepte
de parler détudes de marché, de produits, de gestion
antidéficit. Les administrateurs du milieu culturel sont heureux
de cette nouvelle façon de voir les choses.»
Sur le plan de lassistance dans les salles de concert ou de
théâtre, le seul avantage de lEurope, cest
sa densité de population. «Sur un territoire où
il y a quatre fois plus dhabitants, le public pour assister
aux activités culturelles sera quatre fois plus nombreux»,
dit-il.
À lexception de lAngleterre. qui na jamais
cru en lÉtat-providence, les pays dEurope ont eu
tendance à laisser aux gouvernements le soin de financer les
arts. Or, les compressions des dernières années ont
incité les gestionnaires à se tourner vers dautres
sources de financement. Lexemple nord-américain, et particulièrement
québécois, leur est utile. «Autour du monde, on
parle de Montréal comme dun centre de la danse contemporaine
et du théâtre pour enfants notamment. Cest lun
des endroits au monde où il y a le plus deffervescence
créatrice. Et nos gestionnaires sont compétents.»
Mais lanalyse de loffre et de la demande du point de vue
du marketing révèle que les administrateurs du secteur
culturel ont de sérieux défis à relever. «En
gestion, ce quil y a de plus difficile à vendre, ce sont
les nouveaux produits. Or, cest ce que les artistes doivent
livrer à chaque production. Chaque fois, cest le risque
maximal et le budget minimal. La meilleure façon de se casser
la figure.»
Il est tombé dedans
En plus dêtre lauteur dun livre à succès
dans le monde universitaire, Le marketing des arts et de la culture
(Gaëtan Morin éditeur), dont la deuxième édition
paraît ces jours-ci en français, en anglais, en italien
et en russe un projet de traduction en espagnol est en négociation
, M. Colbert est léditeur dune revue qui
paraît trois fois par année: International Journal
of Arts Management. Sans cesser denseigner et de diriger
des recherches, il assume les fonctions de vice-président du
Conseil des arts du Canada.
La gestion des entreprises culturelles, il est tombé dedans
quand il était petit. Au centre culturel de la ville de Beloeil,
où sa famille a déménagé durant son enfance,
François Colbert a pris goût à la mise en scène
et a fondé une troupe de théâtre amateur qui a
compté jusquà 35 jeunes comédiens et techniciens:
Les carcans. «Les adolescents ont besoin quon leur propose
des activités. Jen garde des souvenirs extraordinaires.
Nous avons joué des pièces contemporaines, des classiques
tirés des répertoires québécois, américain,
français. Jai consacré presque tous mes dimanches
à cette troupe, de septembre à mai, pendant 21 ans.»
Outre le plaisir davoir dirigé pour la première
fois des comédiens qui ont choisi de faire carrière
(notamment Serge Dupire), François Colbert a appris dès
ce moment-là à formuler des demandes de subvention et
à assurer la promotion des productions. Il est passé
ensuite au Théâtre sans fil, un théâtre
de marionnettes pour adultes dont il sest occupé pendant
15 ans. Puis, il a été président du Théâtre
daujourdhui et de lÉcole supérieure
de danse du Québec en plus de siéger aux conseils dadministration
de Radio-Québec, des Grands Ballets canadiens et de la troupe
de danse O Vertigo. À Statistique Canada, il a présidé
le comité sur la statistique culturelle de 1994 à 1998.
Sur le plan universitaire, les premières se sont accumulées
au fil de sa carrière: premier séminaire sur le marketing
des arts au Québec en 1979; premier certificat de premier cycle,
Gestion des entreprises artistiques, en 1984, suivi, en 1988, dun
programme de deuxième cycle, le Diplôme en gestion des
entreprises culturelles. Cest à la faveur dune
conversation à bâtons rompus avec le ministre des Communications
du gouvernement Mulroney, Marcel Masse, que François Colbert
signale lidée de créer une chaire. Le chèque
suit, presque miraculeusement, quelques mois plus tard. La Chaire
de gestion des arts (unique au monde) est créée en 1991
grâce à une mise de fonds de un million de dollars, dont
la moitié est assurée par lÉcole des HEC.
Il y a trois ans, il lançait la revue internationale, et lune
de ses fonctions, depuis, est dassurer la bonne marche de la
conférence bisannuelle de lAssociation internationale
de management des arts et de la culture. En juillet prochain, plus
de 400 délégués de 25 pays se réuniront
à Brisbane, en Australie. «Ce sera loccasion pour
nous déchanger de vive voix nos points de vue sur les
dernières découvertes en management culturel.»
Un artiste dans une école de gestion, nest-ce pas perçu
comme un chien dans un jeu de quilles? «Au début, je
me sentais un peu isolé, mais jai vite découvert
des passionnés dart autour de moi. Il y en a plus quon
pense dans le milieu des affaires.»
Dailleurs, un de ses collègues, Jacques Nantel, lui a
fait promettre de lui trouver de bons billets à la Scala. «Faut
pas que joublie, quand je serai à Milan
»
Mathieu-Robert
Sauvé
11000
spectacles par an
Selon le titulaire
de la Chaire de gestion des arts, François Colbert, le secteur
artistique québécois traverse une drôle de crise.
Dune part, les offres se multiplient alors que la clientèle
semble stagner. Mais ce nest pas si simple. «Presque 100%
des gens consomment des arts, précise-t-il. Nous parlons principalement
darts populaires cinéma, spectacles musicaux,
théâ-tre dété. Quant aux arts savants
opéra, musique classique, théâtre ,
ils ont toujours eu la faveur dune faible proportion de la population,
très scolarisée. Or, la scolarisation augmente. On devrait
donc observer une hausse de la clientèle. Ce nest pas
exactement ce qui se produit.»
On assiste plutôt, selon M. Colbert, à une segmentation
de la clientèle. À Montréal, on compte approximativement
11000 spectacles de scène par année, de celui de Céline
Dion au centre Molson à ladaptation de Dostoïevski
au Théâtre de la Veillée. Cela exclut le cinéma,
les musées, les salons du livre et autres activités
qui ne se déroulent pas sur les planches. «Même
avec un budget illimité et tout votre temps, il vous serait
impossible de tout voir, par exemple, en théâtre.»
Résultat: les gens sélectionnent leurs sorties. Fini
les abonnements à lOpéra de Montréal ou
au Théâtre du Nouveau Monde. Désormais, ce sera
un peu de Grands Ballets canadiens, une soirée au Rideau vert
et, sil vous plaît, deux billets pour Notre-Dame-de-Paris.
Le cocooning fait le reste.
Les plus courtisés dans les campagnes de publicité,
actuellement, sont les baby-boomers. Démographiquement, ils
forment une clientèle de choix. De plus, ce sont eux qui disposent
du temps libre, de largent et de la curiosité nécessaires
pour se rendre à la Place des arts ou à lUsine
C un soir de semaine. Or, ce public sort peu. «Toutes les études
démontrent quil faut avoir assisté à des
concerts et à des pièces de théâtre avant
lâge de 18 ans pour développer ce goût à
un âge plus avancé. Cest peut-être là
que ça cloche. Oui, il y a eu un boom culturel au Québec
dans les années 70. Mais les baby-boomers ne semblent pas en
avoir conservé un souvenir significatif.»
Loffre est-elle trop grande par rapport à la demande?
François Colbert hésite, puis répond: «Sur
le plan marketing, oui. Mais sur le plan culturel, il ny a jamais
trop doffres.»
M.-R.S.