Les
médias électroniques et le déclin du Canada anglais
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Le Canada anglais
peut-il survivre dans les mains des hommes qui programment, dirigent
et possèdent notre média le plus influent, la télévision?»
Telle est la question que posait, le 15 novembre dernier, Daryl Duke,
qui prononçait la Conférence commémorative Spry
2000.
Pour M. Duke, qui est à la fois cinéaste et artisan
de la radiodiffusion publique, le Canada anglais doit lutter pour
continuer de se reconnaître dans un monde dominé par
des méga-entreprises médiatiques tout comme le Canada
français a su sarmer pour contrer ce phénomène,
notamment par le biais de fonds instaurés pour protéger
et valoriser la langue, la culture, la radiodiffusion et lindustrie
du film.
«La culture du Canada anglais est aujourdhui menacée,
peut-être même davantage que celle du Québec»,
a déclaré M. Duke pour qui le Canada anglais est maintenant
la victime de quelques radiodiffuseurs privés. «Certains
de ces radiodiffuseurs privés seront même bientôt
achetés par dautres radiodiffuseurs privés canadiens
encore plus imposants, a-t-il ajouté. Lachat de CTV par
BCE en est le parfait exemple. Dautres sociétés,
comme Canwest Global et Rogers Communications, appartiennent à
un seul homme ou à son trust familial et sont gérées
par ceux-ci. Toutes ces entreprises militent en faveur de labolition
de la loi fédérale, qui limite la propriété
étrangère dans le domaine de la radiodiffusion.»
Pour Daryl Duke, le gouvernement fédéral, par lentremise
du CRTC, a été le docile servant de ces mégafusions
tant et si bien que ce sont maintenant ces mégasociétés
qui décident des émissions de divertissement et dinformation.
«Sommes-nous devenus les malencontreuses victimes dun
coup médiatique sanctionné par nos politiciens?»
se demande M. Duke. Selon lui, la culture de la radiodiffusion publique
doit livrer son combat le plus féroce.
«Le triomphe du nouvel ordre mondial est partout. Les fils de
presse annoncent pratiquement chaque jour les merveilles de lère
de linformation. Même si son réseau diffuse en
majorité des émissions américaines, Leonard Asper,
le nouveau président de Canwest Global, affirme quil
ny a jamais eu tant de diversité sur nos ondes canadiennes.»
Quant aux ministres du cabinet de Jean Chrétien, quil
accuse davoir assommé la CBC avec des compressions budgétaires
massives, ils se réjouissent de chacune de ces fusions de sociétés
médiatiques, a déploré M. Duke.
«Si nous sommes dans lère des vaches grasses, alors
pourquoi avons-nous cette sensation de vide dans notre coeur après
avoir éteint notre téléviseur pour aller dormir?
demande-t-il. Pourquoi avons-nous limpression quune partie
de ce que nous sommes nous a été volée, que notre
diversité de races, de langues et de cultures, notre musique,
notre passé, notre peuple dans toutes ses douleurs, ses victoires,
les visages de nos villes, lessence de notre propre ciel et
océan ne sont plus nôtres? Pourquoi avons-nous limpression,
comme une chanson country le suggère, que nous sommes debout
dans la rivière, en train de mourir de soif?»
M. Duke, qui devait, en prononçant cette conférence,
répondre à la question «Comment plaidoyer en faveur
de la radiodiffusion publique?» considère que le Canada
anglais vit dans le mensonge: «Son peuple nest pas reflété
dans les mots de ses médias, quil sagisse du public
ou du privé. Il y a, au Canada anglais, le besoin désespéré
dun discours de maître, dun nouvel ensemble de mythes
comme guide pour vivre, rêver et projeter notre vie dans lavenir.»
Il a affirmé en terminant quil ny a pas au Canada
de plus urgent débat que celui concernant les médias.
«Or, au Canada anglais, ce genre de débat nexiste
pas, cest le silence: pratiquement total.» Quant au public,
il est pour ainsi dire exclu des décisions des mégasociétés
et des agences gouvernementales «qui réglementent et
qui sont en train de changer la nature essentielle de notre société».