Expérimenter
le commerce électronique
Les
laboratoires universitaires Bell mènent des expériences
avec cobayes
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Dans
lordre habituel, Alan Bernardi, Michel Gendreau et
Myriam Bouroche, qui dirigent les laboratoires
universitaires Bell. Un budget de 12 M$ de lentreprise
a permis de créer une salle déconomie
expérimentale unique au Canada et un laboratoire
multimédia. |
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Au 25e étage
dun immeuble du centre-ville de Montréal, on pénètre
dans lun des deux laboratoires universitaires Bell (LUB). Sur
un comptoir près duquel sont disposés dinvitants
fauteuils repose une machine à espresso. Dès le premier
coup doeil, on est séduit par les lignes courbes des
divisions, la moquette de qualité et la forêt dimmeubles
en fond de scène. Tout ça pourrait figurer dans un magazine
branché, genre Vogue ou GQ. Non, nous sommes bel et bien dans
un local universitaire: le Laboratoire de commerce électronique
et déconomie expérimentale.
«Le lieu de travail que vous voyez a été aménagé
grâce à une entente signée il y a deux ans par
le Réseau de calcul et de modélisation mathématique
[RCM2] avec Bell Canada dune valeur de 12 M$ sur trois ans,
explique Michel Gendreau, directeur général des LUB.
Nous avons pour tâche de créer des innovations dans la
recherche et lapplication du multimédia et de promouvoir
la formation dune main-doeuvre de calibre international.»
M. Gendreau, également directeur du Centre de recherche sur
les transports, mène des travaux dans ce laboratoire (voir
lencadré) et dans lautre LUB non moins somptueux
mais situé dans le Pavillon principal de lUniversité
de Montréal. Des dizaines de chercheurs et détudiants
sont associés à ces laboratoires. Le RCM2 lui-même
réunit des collaborateurs venant des quatre universités
montréalaises (incluant leurs écoles affiliées),
de lUniversité Laval et de létranger. «Bell
a décidé de se lancer en grand dans la recherche universitaire,
explique M. Gendreau. Un laboratoire comme celui-ci, au 2020 University,
est unique au Canada et il nen existe quune demi-douzaine
dans le monde.»
Recherche appliquée en vedette
La participation financière de lentreprise de télécommunication
fait que la recherche appliquée est fortement privilégiée
dans les LUB, mais on travaille aussi sur plusieurs projets de recherche
fondamentale, soutient M. Gendreau. «La plupart des problèmes
reliés aux transactions classiques sont résolus, explique-t-il.
Mais de nouvelles formes denchères combinatoires font
leur apparition et posent dintéressants défis
aux chercheurs.»
Quest-ce quune enchère combinatoire? Imaginons
par exemple un camionneur qui souhaite rentabiliser son voyage Montréal-Chicoutimi.
Ses frais de production font quil refusera vraisemblablement
le contrat si, au retour, son camion est vide. Sil pouvait concilier
des segments de route (Jonquière-Québec, puis Sainte-FoyLongueuil)
afin de rentabiliser lopération, il ferait un profit
intéressant.
Sous son apparente simplicité, ce genre de calculs est de plus
en plus exigeant à mesure que des variables sajoutent.
On peut prendre lexemple de laiguillage des trains dans
les réseaux asiatiques ou européens, ou nimporte
quel système de transport en commun.
Dans le secteur manufacturier ou dans celui des services, les experts
ont beaucoup à apprendre avant dexploiter à sa
juste valeur le commerce électronique. «Les enchères
électroniques sont une voie inattendue de transactions, explique
Alan Bernardi, directeur général des innovations technologiques
chez Bell Canada et prêté à temps plein aux LUB.
Et cela peut être très rentable.»
De 15 à 20% déconomie
Les appels doffres, par exemple, peuvent engendrer des économies
substantielles pour le client. Ainsi une municipalité qui désire
attribuer un lucratif contrat dentretien invite les fournisseurs
à lui faire des offres. Celles-ci arrivent dans des enveloppes
scellées, et lon embauche le plus bas soumissionnaire.
Par la voie du commerce électronique, un fournisseur pourrait
connaître les offres concurrentes avant de présenter
la sienne. Résultat: le prix du plus bas soumissionnaire est
diminué. «On a noté des économies de 15
à 20% pour le client, selon des études. Pour une ville
comme Montréal, cela signifie des millions de dollars»,
signale M. Gendreau.
La directrice administrative des LUB, Myriam Bouroche, explique que
les projets de recherche ne manquent pas depuis que le Laboratoire
de commerce électronique et déconomie expérimentale
a ouvert ses portes au centre-ville en avril dernier. «Le partenariat
entre luniversité et les entreprises permet daccomplir
des percées technologiques majeures tout en contribuant à
la formation de la main-doeuvre», dit-elle.
Avec MM. Gendreau et Bernardi, Mme Bouroche fait partie du bureau
de direction des LUB et siège au comité de gestion.
Celui-ci est responsable dun budget de 5,6 M$ consacré
à la recherche, de 1,6 M$ pour les infrastructures et de 1
M$ pour ladministration. Par ailleurs, avec un budget de 4 M$,
ce comité doit nommer les titulaires de huit chaires en commerce
électronique: trois à lUniversité de Montréal
et ses écoles affiliées, autant à lUniversité
McGill, une à lUniversité Laval et une à
lUQAM.
Récemment, le président du RCM2, Jacques Hurtubise,
a obtenu la participation de la Fondation canadienne pour linnovation
et du ministère de lÉducation du Québec
en vue de démarrer un projet aux LUB. Avec la contribution
des partenaires du secteur privé, son budget sélève
à près de 2 M$.
Mathieu-Robert
Sauvé
Forum
est en business
Notre reporter remporte 44,50$ à la suite dune série
dappels doffres.
«Avec mes
frais de production élevés, impossible dêtre
concurrentiel! Ce contrat va encore méchapper...»
Le fournisseur U-16, incarné par le représentant de
Forum venu incognito, fulmine. Heureusement, après trois
heures de négociations laborieuses, alors que ses revenus fondent
comme neige au soleil, il respire: une transaction lui permet de gagner
dun coup 59 UME (unités monétaires expérimentales).
Nous sommes dans la salle déconomie expérimentale
des laboratoires universitaires Bell. Les 18 «cobayes»
qui ont pris place à leur poste de travail individualisé
engagent dans des appels doffres ou des enchères un budget
bien réel (1 UME vaut 0,40$) et prennent leur travail au sérieux.
Chacun pour soi. Au plus fort la poche.
À lissue de la séance, les participants comptent
leurs gains. Au moment de passer à la caisse, les UME sont
changées en argent comptant. Au cours de lexpérience
du 29 novembre dernier, le plus performant (une redoutable femme daffaires)
sen est tiré avec 133$. Le plus mauvais na gagné
que 5$. Heureusement, on efface les déficits de sorte quaucun
participant nest facturé à la sortie. Quant au
reporter de Forum, il sest placé dans la moyenne avec
un revenu de 44,50$.
«Le montant que touche le participant est une compensation de
recherche, explique Michel Gendreau, qui dirige cette étude
sur les nouveaux marchés électroniques avec Jacques
Robert, du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations
(CIRANO). Lobjectif de ce projet est de construire et dexpérimenter
un ensemble de services articulés autour dune place de
marché ouverte. Une attention particulière est accordée
à la modélisation des processus de négociations
et de transactions daffaires interfirmes.»
En effet, les premières transactions sont relativement simples.
Puis, les fournisseurs apprennent à jouer du coude afin de
sen tirer avec la grosse part du gâteau. La compétition
devient palpable lorsquun nouveau service est offert. Pour une
ou deux UME, le fournisseur peut connaître les frais de production
de son plus sérieux concurrent.
Espionnage industriel? Veille technologique? En tout cas, ça
peut être payant. Pour le reporter de Forum, ce service a permis
de renflouer in extremis les coffres de lentreprise. Pas de
mises à pied pour Noël.
M.-R.S.
La somme a été versée à la campagne des
paniers de Noël.