Volume 35 numéro 13
27 novembre 2000


 


Des radiologistes qui opèrent
Le CHUM devient le plus important centre d’angiographie au Canada.

Les Drs Gilles Soulez et Guy Breton, du Département de radiologie, radio-oncologie et médecine nucléaire de la Faculté de médecine, ont obtenu près de 11 M$ pour acheter de l’équipement radiologique qui fera du CHUM le centre d’angiographie le mieux outillé au Canada.

La nouvelle génération de radiologistes ne se contentera plus de fournir des images aux chirurgiens; elle prendra une part active aux opérations au point de remplacer le spécialiste du bistouri. «Depuis une quinzaine d’années, explique le directeur du Département de radiologie, radio-oncologie et médecine nucléaire de la Faculté de médecine, Guy Breton, les radiologistes procèdent eux-mêmes à certaines opérations. C’est la nouvelle branche de notre spécialité.»

Un patient qui souffre d’un anévrisme de l’aorte abdominale par exemple — une maladie qui touche cinq pour cent de la population et qui peut entraîner la mort — peut ainsi éviter l’opération à cœur ouvert. L’intervention consiste en l’installation d’une prothèse à l’intérieur de l’anévrisme. À l’aide d’un cathéter inséré dans l’aine et qui suit les voies naturelles jusqu’à l’emplacement de l’anévrisme, le médecin crée en quelque sorte une nouvelle canalisation pour l’écoulement sanguin. «La cicatrice est comparable à celle qui résulte d’une piqûre de mouche à chevreuil», dit le Dr Breton.

En plus d’éviter les risques inhérents à toute opération majeure, le patient demeure hospitalisé quelques jours à peine comparativement à plusieurs semaines pour la chirurgie traditionnelle. «Nous croyons que cette technique permettra de diminuer la mortalité et la morbidité relatives aux opérations sur les anévrismes», signale le Dr Gilles Soulez, directeur de la recherche en radiologie au CHUM et qui mène lui-même un projet de recherche sur ce nouveau type d’intervention expérimentale. Mais il reste beaucoup de choses à préciser avant d’étendre ce traitement à une large échelle. Le coût est un facteur important: la prothèse à elle seule vaut jusqu’à 8000 $.

Pour les Drs Breton et Soulez, il ne fait pas de doute que les interventions «minimalement invasives» sont la voie de l’avenir. Ils viennent d’ailleurs d’être encouragés dans leurs convictions par des organismes subventionnaires fédéraux et provinciaux.


Un centre d’envergure

Grâce à un financement totalisant près de 11 M$, consenti notamment par la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI), les hôpitaux Notre-Dame, Saint-Luc et Hôtel-Dieu du CHUM deviendront le réseau canadien le mieux outillé pour combattre, grâce à la radiologie, les maladies endovasculaires. La livraison des nouveaux appareils (un appareil d’imagerie à résonance magnétique ou IRM, un scanner, une sonde d’échographie Doppler et un appareil d’angiographie) s’échelonnera sur environ 18 mois. La pièce de résistance, l’IRM, coûte 5 M$.

«Le but de la subvention est d’acquérir des appareils visant non seulement à guider les chirurgiens au cours des interventions, mais aussi à procéder à des opérations comme l’installation de prothèses», explique le directeur du Département. Deux secteurs d’intervention seront privilégiés: les maladies neurovasculaires d’une part et d’autre part les anévrismes de l’aorte et les maladies rénales.

Mais le Dr Breton souligne que les appareils seront d’abord et avant tout consacrés à la recherche; seule une partie du montant total (2,5 M$) servira au travail clinique. Il ne faut donc pas s’attendre à ce que ce budget fasse diminuer les listes d’attente en radio-oncologie au CHUM. Certaines personnes attendent leur tour depuis un an et demi.

Le CHUM, qui devait renouveler en 2001 son matériel de radiologie, a profité des budgets spéciaux de la FCI pour effectuer ce virage. «La Fondation a permis de tripler notre budget. Nous allons pouvoir faire démarrer des projets qui n’auraient jamais vu le jour autrement. C’est une très bonne nouvelle pour nous», reprend le Dr Breton. Ce dernier signale que l’entreprise privée s’est montrée intéressée par les projets et qu’elle participera à leur financement à raison de quelque deux millions de dollars.


Une spécialité coûteuse

Avec des termes comme «biomatériaux», «chirurgie virtuelle», «reconstruction de vaisseaux», «intervention minimalement invasive», les nouveaux radiologistes entrent plus que jamais dans l’ère de l’homme bionique. Mais cette spécialité au carrefour de l’informatique, de la médecine et de l’ingénierie est extrêmement coûteuse. Les médecins admettent d’ailleurs que leur matériel de pointe sera désuet au moment de déménager au nouveau centre hospitalier, vers 2008.

Des voix s’élèvent contre cet argent dépensé dans la technologie alors que des programmes de prévention pourraient s’attaquer au problème à la source. «Nous ne nous opposons pas aux programmes de prévention. Mais 10 M$, c’est ce que ça coûte pour une seule campagne antitabac, dit le Dr Soulez. De l’argent qui part en fumée.»

Puis, reprend son collègue, essayez d’expliquer à un patient souffrant qu’on ne peut pas l’opérer, car le budget disponible a été consacré, cette année, à une campagne de prévention visant à contrer le tabagisme chez les jeunes de l’âge de sa petite-fille…

Toutefois, les chercheurs reconnaissent que l’aspect social de la santé doit être pris en considération. C’est pourquoi ils comptent parmi leurs collaborateurs le Dr Raynald Pineault, directeur du Groupe de recherche interdisciplinaire en santé. Il doit étudier les impacts socioéconomiques des interventions.

Cela dit, le Dr Breton réfute les critiques sur le coût excessif de sa discipline. «Nous ne coûtons pas plus cher qu’autrefois. Il y a 20 ans, à l’hôpital Saint-Luc, notre budget était de cinq pour cent du total. Aujourd’hui, le rapport est le même pour l’ensemble du CHUM. Nous faisons beaucoup plus sans avoir un budget supérieur, toutes proportions gardées.»

Mathieu-Robert Sauvé