Les
agriculteurs sont-ils prêts à faire face
au réchauffement climatique?
Des
chercheurs évaluent si leurs stratégies dinvestissement
sont adaptées aux changements anticipés.
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Pierre
André, professeur au Département de géographie,
et Soumaya Frej, agente de recherche |
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Depuis plusieurs
années, des chercheurs du Département de géographie
poursuivent divers travaux autour des impacts que pourraient avoir
les changements climatiques sur lagriculture québécoise.
Un nouveau volet de ce programme de recherche vient dêtre
amorcé avec la mise en route dune étude portant
sur les stratégies dinvestissement des agriculteurs.
«Nous voulons évaluer dans quelle mesure les façons
de faire et les habitudes des producteurs agricoles pourraient être
adaptées à la variabilité et aux changements
climatiques anticipés», explique Pierre André,
responsable du projet avec Christopher Bryant. Plus précisément,
létude porte sur la dynamique de gestion des fermes maraîchères
et céréalières en postulant que les stratégies
de compétition, de mise en marché, dinvestissement,
dadaptation, de modification des techniques utilisées
et de diversification des espèces répondent à
la fois aux contraintes du marché et aux conditions environnementales.
«Les modèles que nous pourrons tirer des stratégies
employées depuis 10 ans et de celles envisagées pour
les 10 prochaines années seront confrontés aux analyses
que fourniront les experts à propos des changements climatiques
afin de mesurer si ces stratégies sont les bonnes ou si les
producteurs doivent rectifier le tir.»
Le défi est de taille puisque les chercheurs doivent opérer
avec plusieurs inconnues, soit ce que seront véritablement
les changements climatiques à court terme dans les zones de
culture et leffet quils auront sur les espèces
cultivées au Québec. Pour léquipe de chercheurs,
le réchauffement climatique ne fait toutefois pas de doute.
«Tous les climatologues conviennent que le réchauffement
est une réalité même si les causes sont incertaines,
poursuit Pierre André. Les manifestations peuvent être
différentes selon les régions et dans certains endroits
cela peut se traduire par une baisse des températures, une
hausse des précipitations ou un accroissement des écarts
en été comme en hiver.»
Partant de lhypothèse dun doublement de CO2 dans
latmosphère entraînant une hausse des températures
moyennes de trois degrés et une augmentation des précipitations
de 5 % en été et de 15 % en hiver, un des membres de
léquipe, Bhawan Singh, a déjà mesuré
les effets que de tels changements auraient sur la culture de 16 plantes
potagères et céréalières au Québec.
Selon le scénario envisagé en 1995, le blé, lorge,
lavoine, les pois verts, le soya et les tomates seraient les
cultures qui souffriraient le plus des changements anticipés.
En revanche, le maïs, le sorgho, le tabac, la pomme de terre
et le tournesol en bénéficieraient.
Même si ces effets sont de mieux en mieux connus et continuellement
mis à jour, une recherche menée par Pierre André
il y a deux ans a montré que les agriculteurs se préoccupent
peu de cette problématique. «Les producteurs sont davantage
soucieux des conditions immédiates du marché que de
leffet de serre, constate le chercheur. Mais comme ils doivent
sadapter aux conditions sans cesse changeantes du marché
en variant les cultivars, ils font preuve dune polyvalence qui
pourrait favoriser ladaptation aux changements climatiques.»
Soumaya Frej, agente de recherche au Département de géographie,
aura pour fonction de confronter les données des études
précédentes avec les scénarios de stratégie
industrielle auxquels recourent les agriculteurs.
Pour la présente phase du programme de recherche, des entrevues
seront effectuées auprès dune trentaine de producteurs
agricoles du sud-ouest de Montréal qui participeront à
des groupes de discussion au côté de climatologues, dexperts
en agriculture, dassureurs et dONG.
Daniel
Baril