Volume 35 numéro 12
20 novembre
2000


 


Découverte importante sur le fonctionnement des récepteurs membranaires
Les travaux de doctorat de Stéphane Angers mettent fin à une controverse et ouvrent la voie à de nouveaux types de médicaments.

«Les étudiants-chercheurs sont la force motrice d’une faculté», affirme Stéphane Angers, dont les travaux ont fait avancer les connaissances sur les récepteurs membranaires.

Par un procédé astucieux, Stéphane Angers, étudiant au doctorat au Département de biochimie de la Faculté de médecine, est parvenu à démontrer que les plus importants récepteurs à la surface des cellules fonctionnent par paires. Des hypothèses avaient déjà été avancées en ce sens, mais on n’était jamais parvenu jusqu’ici à en faire la démonstration à même des cellules vivantes.

Non seulement la démonstration réussie par ce jeune chercheur permet-elle de faire avancer les connaissances fondamentales sur le fonctionnement des récepteurs membranaires, mais elle ouvre la voie à l’élaboration éventuelle d’une nouvelle classe d’agents thérapeutiques qui pourraient inhiber ou favoriser le pairage des récepteurs.

Les récepteurs en question sont connus sous le sigle RCPG, c’est-à-dire «récepteurs couplés aux protéines G», lesquelles assurent, à l’intérieur de la cellule, la transmission des signaux captés par les récepteurs. Les RCPG constituent la plus grande famille de récepteurs membranaires et permettent les réactions aux stimuli comme la lumière, les odeurs, les hormones peptidiques, les amines et certains ions.

«Le dysfonctionnement de ces récepteurs est responsable de problèmes tels que l’hypertension artérielle, la douleur, l’asthme et certains désordres hormonaux et neurologiques, explique Stéphane Angers. Entre 40 et 50 % des médicaments agissent sur ces récepteurs pour bloquer ou activer leur action.»


Une idée lumineuse

Les spécialistes du fonctionnement cellulaire savaient que d’autres familles de récepteurs fonctionnent par paires, mais ce mode de fonctionnement était réfuté par la communauté scientifique à propos des RCPG. L’un des premiers à avoir émis l’hypothèse de leur pairage ou dimérisation est le professeur Michel Bouvier, directeur de thèse de Stéphane Angers.

L’étudiant est parvenu à observer directement le phénomène en recourant à un procédé novateur inspiré du phénomène de bioluminescence de certains organismes marins. Deux molécules aux propriétés fluorescentes, la luciférase — qu’on retrouve dans certains coraux — et la protéine fluorescente verte présente chez les méduses (GFP pour l’appellation anglaise) ont été combinées avec deux RCPG. La luciférase émet sa propre lumière, mais la GFP a besoin d’une énergie extérieure pour activer sa fluorescence; cette énergie peut être fournie par la luciférase si les deux molécules sont à proximité (moins de 50 armstrongs) l’une de l’autre.

«En réimplantant les deux récepteurs sur une membrane cellulaire, l’expérience a montré que la fluorescence de la GFP s’est activée, ce qui indique que les deux récepteurs se sont couplés et ont fonctionné en mode dimérique plutôt que monomérique, explique le chercheur. Nous avons refait la même expérience avec un type de récepteur différent pour chacune des deux molécules et l’activation de la GFP ne s’est pas reproduite.»

 

Reconnaissance
Ces résultats ont été publiés dans une revue scientifique prestigieuse, la Proceeding of the National Academy of Science, et la dimérisation des RCPG est maintenant un fait reconnu par la communauté scientifique. Cette démonstration a également valu à Stéphane Angers le prix Bernard-Belleau, décerné par l’ACFAS et accompagné d’une bourse de 2000 $ de BioChem Pharma.

«Ce prix a eu un impact notable auprès des médias et a permis de faire valoir le rôle et l’importance des étudiants-chercheurs, souligne le lauréat. Même si nous sommes la force motrice d’une faculté et malgré l’importance des retombées économiques de la recherche en biochimie, nos conditions restent précaires.»

Stéphane Angers poursuit ses travaux au laboratoire de Michel Bouvier pour élucider, au cours des deux prochaines années, d’autres questions entourant les RCPG.
«Plusieurs aspects de la dimérisation restent nébuleux. On ne sait pas s’il s’agit du mode de fonctionnement normal, s’il y a une alternance ou un équilibre entre le mode monomérique et le mode dimérique ni si les hormones et autres stimuli physiologiques favorisent la dimérisation. Mieux nous comprendrons ce fonctionnement, mieux nous pourrons agir dans son déroulement. Des médicaments qui cibleraient une classe de récepteurs spécifiques en agissant sur la dimérisation pourraient s’avérer beaucoup moins toxiques», espère-t-il.

Daniel Baril