Volume 35 numéro 12
20 novembre
2000


 


300 000 $ pour une recherche en relations industrielles
Quatre étudiants sous la direction d’un professeur analysent les effets de la loi de 1995 sur la formation de la main-d’oeuvre.

Jean Charest est professeur adjoint à l’École de relations industrielles. Ses subventions totalisent quelque 400 000 $ si l’on inclut ses recherches financées par le ministère de la Solidarité sociale,
le FCAR et le CRSH.

Le ministère québécois de la Solidarité sociale s’est engagé à verser à Jean Charest, professeur à l’École de relations industrielles, une subvention de 300 000 $ sur deux ans pour mener une étude sur la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d’oeuvre (loi 90). Avec quatre étudiants aux cycles supérieurs, M. Charest doit mener 24 études de cas dans autant de secteurs économiques où la formation de la main-d’oeuvre est un enjeu de taille.

«Notre mandat est d’étudier la mise en oeuvre de la politique, sa pertinence, ses effets et répercussions», explique le professeur, qui doit remettre sous peu un rapport d’étape incluant les 12 premières études de cas. La loi, adoptée en 1995, prévoyait d’ailleurs une telle évaluation après cinq années d’implantation.

Pour un économiste auteur d’un doctorat sur la concertation sectorielle, cette recherche est l’occasion de mettre plusieurs de ses connaissances au service de la collectivité. «Au début des années 90, explique-t-il, tout le monde s’entendait sur les constats: la formation de la main-d’oeuvre avait besoin d’être repensée dans le secteur tant public que privé. Alors que le taux de chômage grimpait, plusieurs entreprises n’arrivaient pas à trouver de candidats pour des postes spécialisés. Un réinvestissement était nécessaire. Il fallait agir.»

Le gouvernement a voulu favoriser un meilleur arrimage entre le marché du travail et le monde de l’éducation. Puis est apparue la «loi du 1 %», exigeant que cette proportion de la masse salariale soit consacrée à la formation de la main-d’oeuvre. Mais il fallait aller plus loin.


C’était le temps des grappes

«Rappelez-vous, c’était l’époque où le ministre Gérald Tremblay parlait de grappes industrielles. Au chapitre de la formation, on a voulu regrouper des gens qui travaillent dans le même domaine, même ceux qui sont en compétition, afin de bien comprendre leurs besoins en la matière.»

Après discussion, 24 champs ont été désignés parmi lesquels on retrouve l’aérospatiale, l’agriculture, le tourisme, la métallurgie, l’électricité et l’électronique, etc. Autant de «comités sectoriels» ont été mis sur pied. Chacun de ces comités compte une douzaine de représentants et fonctionne avec un conseil d’administration qui se réunit deux fois par année et une assemblée générale annuelle.

Le travail de l’équipe de recherche formée par M. Charest (composée des étudiants au doctorat Abdelovahab Essafi, Mehdi Lakhdari et Jean-François Tremblay, et de l’étudiante à la maîtrise Valérie Thibault) consiste à mener des entrevues de fond avec plusieurs porte-parole de ces comités. L’étude de cas documente la mise en place de la nouvelle politique: quels sont les obstacles à surmonter? Quel chemin a été parcouru depuis, etc.?

La clause de confidentialité imposée d’ici à ce que paraisse le rapport définitif en 2002 embarrassait le chercheur, qui entame sa carrière universitaire même s’il est au milieu de la quarantaine. «Je me demandais si je faisais un bon choix en me consacrant à un gros projet de recherche alors qu’un universitaire doit publier vite et beaucoup en début de carrière. Finalement, plusieurs personnes m’ont rassuré.»


Un économiste à la CSN

Après avoir été professeur d’économie au cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu de 1977 à 1987, M. Cha}rest est devenu économiste à la Confédération des syndicats nationaux (CSN), poste qu’il a occupé pendant près de 10 ans. «C’est mon passage à la CSN qui m’a ouvert aux relations industrielles», dit-il.

Dans un syndicat, un économiste mène des études sur les politiques gouvernementales, mais il doit aussi répondre, à une échelle plus réduite, aux syndiqués qui veulent vérifier les allégations de leurs patrons qui menacent de remercier du personnel, voire de fermer les portes. «Durant les années 90, des bonnes nouvelles, il n’y en avait pas beaucoup. Souvent, les mauvais résultats cités par les patrons étaient malheureusement fondés.»

Le bon économiste syndical doit être objectif, sans être neutre. Mais quand des patrons ne font que bluffer et attribuent à la conjoncture la nécessité de fermer une usine, ça se voit. «Le meilleur signe, c’est quand les administrateurs ouvrent leurs livres à l’économiste du syndicat. S’ils n’ont rien à cacher, c’est que ça va vraiment mal.»

Mais dans une école de relations industrielles, un économiste n’est-il pas comme un éléphant dans un magasin de porcelaine? «Pas du tout, répond Jean Charest. En Amérique du Nord, ce sont même des économistes qui ont fondé les écoles de relations industrielles.»

Mathieu-Robert Sauvé