300
000 $ pour une recherche en relations industrielles
Quatre
étudiants sous la direction dun professeur analysent
les effets de la loi de 1995 sur la formation de la main-doeuvre.
|
Jean
Charest est professeur adjoint à lÉcole
de relations industrielles. Ses subventions totalisent quelque
400 000 $ si lon inclut ses recherches financées
par le ministère de la Solidarité sociale,
le FCAR et le CRSH. |
|
Le ministère
québécois de la Solidarité sociale sest
engagé à verser à Jean Charest, professeur à
lÉcole de relations industrielles, une subvention de
300 000 $ sur deux ans pour mener une étude sur la Loi favorisant
le développement de la formation de la main-doeuvre (loi
90). Avec quatre étudiants aux cycles supérieurs, M.
Charest doit mener 24 études de cas dans autant de secteurs
économiques où la formation de la main-doeuvre
est un enjeu de taille.
«Notre mandat est détudier la mise en oeuvre de
la politique, sa pertinence, ses effets et répercussions»,
explique le professeur, qui doit remettre sous peu un rapport détape
incluant les 12 premières études de cas. La loi, adoptée
en 1995, prévoyait dailleurs une telle évaluation
après cinq années dimplantation.
Pour un économiste auteur dun doctorat sur la concertation
sectorielle, cette recherche est loccasion de mettre plusieurs
de ses connaissances au service de la collectivité. «Au
début des années 90, explique-t-il, tout le monde sentendait
sur les constats: la formation de la main-doeuvre avait besoin
dêtre repensée dans le secteur tant public que
privé. Alors que le taux de chômage grimpait, plusieurs
entreprises narrivaient pas à trouver de candidats pour
des postes spécialisés. Un réinvestissement était
nécessaire. Il fallait agir.»
Le gouvernement a voulu favoriser un meilleur arrimage entre le marché
du travail et le monde de léducation. Puis est apparue
la «loi du 1 %», exigeant que cette proportion de la masse
salariale soit consacrée à la formation de la main-doeuvre.
Mais il fallait aller plus loin.
Cétait le temps des grappes
«Rappelez-vous, cétait lépoque où
le ministre Gérald Tremblay parlait de grappes industrielles.
Au chapitre de la formation, on a voulu regrouper des gens qui travaillent
dans le même domaine, même ceux qui sont en compétition,
afin de bien comprendre leurs besoins en la matière.»
Après discussion, 24 champs ont été désignés
parmi lesquels on retrouve laérospatiale, lagriculture,
le tourisme, la métallurgie, lélectricité
et lélectronique, etc. Autant de «comités
sectoriels» ont été mis sur pied. Chacun de ces
comités compte une douzaine de représentants et fonctionne
avec un conseil dadministration qui se réunit deux fois
par année et une assemblée générale annuelle.
Le travail de léquipe de recherche formée par
M. Charest (composée des étudiants au doctorat Abdelovahab
Essafi, Mehdi Lakhdari et Jean-François Tremblay, et de létudiante
à la maîtrise Valérie Thibault) consiste à
mener des entrevues de fond avec plusieurs porte-parole de ces comités.
Létude de cas documente la mise en place de la nouvelle
politique: quels sont les obstacles à surmonter? Quel chemin
a été parcouru depuis, etc.?
La clause de confidentialité imposée dici à
ce que paraisse le rapport définitif en 2002 embarrassait le
chercheur, qui entame sa carrière universitaire même
sil est au milieu de la quarantaine. «Je me demandais
si je faisais un bon choix en me consacrant à un gros projet
de recherche alors quun universitaire doit publier vite et beaucoup
en début de carrière. Finalement, plusieurs personnes
mont rassuré.»
Un économiste à la CSN
Après avoir été professeur déconomie
au cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu de 1977 à 1987,
M. Cha}rest est devenu économiste à la Confédération
des syndicats nationaux (CSN), poste quil a occupé pendant
près de 10 ans. «Cest mon passage à la CSN
qui ma ouvert aux relations industrielles», dit-il.
Dans un syndicat, un économiste mène des études
sur les politiques gouvernementales, mais il doit aussi répondre,
à une échelle plus réduite, aux syndiqués
qui veulent vérifier les allégations de leurs patrons
qui menacent de remercier du personnel, voire de fermer les portes.
«Durant les années 90, des bonnes nouvelles, il ny
en avait pas beaucoup. Souvent, les mauvais résultats cités
par les patrons étaient malheureusement fondés.»
Le bon économiste syndical doit être objectif, sans être
neutre. Mais quand des patrons ne font que bluffer et attribuent à
la conjoncture la nécessité de fermer une usine, ça
se voit. «Le meilleur signe, cest quand les administrateurs
ouvrent leurs livres à léconomiste du syndicat.
Sils nont rien à cacher, cest que ça
va vraiment mal.»
Mais dans une école de relations industrielles, un économiste
nest-il pas comme un éléphant dans un magasin
de porcelaine? «Pas du tout, répond Jean Charest. En
Amérique du Nord, ce sont même des économistes
qui ont fondé les écoles de relations industrielles.»
Mathieu-Robert
Sauvé