La
Chaire industrielle Essilor sattaquera à la presbytie
LÉcole
doptométrie, qui fête son 75e anniversaire, aura
aussi un laboratoire dimagerie virtuelle.
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La
première chaire industrielle de lÉcole
doptométrie portera
le nom de son commanditaire, Essilor, et cest Jocelyn
Faubert
qui en sera le titulaire. |
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Tous ceux qui
portent des lunettes savent que leur vision est moins bonne à
la périphérie des lentilles. Une observation attentive
montre que les droites deviennent courbées aux extrémités
et que les objets mouvants se déforment. Les verres peuvent
causer, à loccasion, une collision sans gravité
avec lencadrement de la porte ou un faux pas au bas dun
escalier.
Mais ce phénomène pourrait aussi occasionner aux gens
qui portent des lunettes leur prochain accident dautomobile
Les angles morts, ça ne pardonne pas.
«La presbytie est due à un changement irréversible
du cristallin et frappe la quasi-totalité des gens de 50 ans
et plus, explique Jocelyn Faubert, chercheur à lÉcole
doptométrie. On imagine facilement quune découverte
permettant de latténuer aurait des applications intéressantes.»
M. Faubert est un jeune «Gretszky» de la recherche. En
plus de ses travaux financés par lInstitut de recherche
en santé du Canada (IRSC, anciennement Conseil de recherches
médicales) et par le Conseil de recherches en sciences naturelles
et en génie (CRSNG), ce lauréat du Prix du scientifique
de lIRSC vient de se voir octroyer la première chaire
industrielle de la société française Essilor,
dotée dun fonds de un million de dollars sur cinq ans
(dont la moitié financée par le CRSNG).
Marché: lOccident
Comme le dit le chercheur, lamélioration des lunettes
traditionnelles ou à foyer progressif (les lentilles cornéennes,
déposées directement sur la cornée, ne provoquent
pas ce phénomène de distorsion) pourrait toucher un
marché gigantesque étant donné lincidence
de la presbytie et le vieillissement de la population. Cest
une bonne partie de la population adulte occidentale qui constitue
la clientèle potentielle. «La Chaire aura pour but de
quantifier le phénomène et de modéliser les problèmes
afin de proposer des suggestions à Essilor, qui est le plus
grand fabricant de lentilles ophtalmiques au monde.»
En vertu dune entente de transfert technologique, lentreprise
reconnaîtra des droits à lUniversité de
Montréal si des brevets sont déposés dans le
cadre des travaux du Laboratoire de recherche en perception et psychophysique
visuelle.
M. Faubert a une certaine expérience dans le domaine puisquil
a conçu il y a deux ans, en collaboration avec Vasile Diaconu,
un appareil pouvant mesurer le taux sanguin par un simple examen de
la rétine. Cet appareil, appelé «On-line spectroreflectometry
oxygenation measurement in the eye» ou OSOME, est aujourdhui
en cours de commercialisation par la société Ophtalox,
dont M. Faubert est président. Linvention avait été
retenue parmi les 10 découvertes de lannée 1998
de la revue Québec Science (voir Forum du 18
janvier 1999).
Invité jusquau Japon pour donner des conférences
sur la perception visuelle, Jocelyn Faubert a reçu plusieurs
offres de lentreprise privée. Il les a toutes déclinées.
«Je suis un universitaire. Jaime bien la recherche appliquée,
mais je ne vivrais pas sans recherche fondamentale. Ce qui manime,
cest le plaisir de découvrir des choses. Si elles trouvent
leur application, tant mieux. Mais ce nest pas le but premier.»
Un mini-IMAX en milieu universitaire
Comme une bonne nouvelle narrive jamais seule, la Fondation
canadienne pour linnovation a annoncé une subvention
de 1,7 M$ pour financer la construction dun laboratoire dimagerie
virtuelle au Pavillon 3744 Jean-Brillant. Le chercheur pourra y mener
des expériences sur la perception visuelle en toute sécurité
pour les sujets de recherche. «Dans ce laboratoire dimmersion
virtuelle, nous pourrons simuler diverses situations. Ça pourra
aller du pilotage dune fusée dans lespace à
la conduite automobile. Lusage que nous en ferons tournera autour
de lamélioration des moyens destinés à
remédier aux problèmes de la vision.»
Jocelyn Faubert expérimentera diverses pistes afin de mieux
comprendre le système visuel humain, qui accapare une bonne
partie des activités du cerveau. «Ce laboratoire dimagerie
virtuelle est comme un cinéma IMAX; il présente des
images sur les murs et le plancher, explique-t-il. Le sujet est placé
au milieu de lenceinte et ses moindres mouvements font bouger
limage quil regarde. On peut aussi faire linverse:
le sujet est immobile et les images lui donnent limpression
quil bouge.»
La construction de ce laboratoire débutera sous peu pour se
poursuivre jusquà lété 2001. «Jai
plusieurs projets. Certains ont pour thème la presbytie, mais
dautres porteront sur la dégénérescence
maculaire et la correction optique. Ce laboratoire sera très
occupé, croyez-moi.»
Ces bonnes nouvelles arrivent à point nommé pour lÉcole
doptométrie, qui célèbre cette année
son 75e anniversaire. Pour loccasion, le directeur de lécole,
Pierre Simonet, remettra un doctorat honoris causa à un pionnier
dans le domaine de loptométrie au Canada, Jacob G. Sivak.
Diplômé de lUniversité de Montréal
en 1967, M. Sivak a été, selon M. Simonet, «le
premier optométriste canadien à entamer des travaux
débordant le cadre clinique puisquil a mené des
études sur la phylogenèse et la fonction optique de
loeil».
La cérémonie de remise du doctorat honorifique aura
lieu le 25 novembre prochain. M. Simonet souligne que M. Sivak, aujourdhui
doyen de la Faculté des études supérieures de
lUniversité de Waterloo, a dirigé plus de 50 étudiants
aux cycles supérieurs, en plus de signer quelque 200 articles
scientifiques. «Plus que quiconque, il aura contribué
à la reconnaissance universitaire de loptométrie»,
croit le directeur de lÉcole.
Mathieu-Robert
Sauvé
Les
borgnes sont-ils des dangers publics?
Les borgnes sont-ils
des dangers publics? La question semble un peu drôle, comme
ça, mais les gens qui voient dun seul oeil ne peuvent
pas percevoir la profondeur de la même façon quune
personne qui dispose de ses deux yeux. Pour la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse, cette question était
assez importante pour justifier les coûts dune recherche
quelle a confiée à Jocelyn Faubert en 1992.
«La réponse est non, explique Jocelyn Faubert. Lorsquon
a perdu lusage dun oeil, on développe un réflexe
qui nous permet dévaluer la profondeur avec une efficacité
étonnante. Plutôt que danalyser simultanément
les images stéréoscopiques venant des deux yeux, le
cerveau le fait alternativement. On nomme ce phénomène
la parallaxe de mouvement.»
Cette recherche originale a fait son chemin. Au cours dune conférence
dingénieurs en optique qui sest déroulée
à Boston récemment, M. Faubert a appris que les conclusions
de cette recherche avaient fait jurisprudence. «On ma
dit que des avocats américains ont utilisé mes données
dans une cause concernant une personne monoculaire.»
Cest ce quon appelle de la recherche appliquée.
M.-R.S.