Centre-ville:
le trou de beigne se remplit
Les
nouveaux modes de vie favorisent le repeuplement et la revitalisation
des centres-villes.
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«Il
y a un retour aux valeurs urbaines chez les jeunes ménages»,
observe Daniel Gill. |
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Le «trou
de beigne» créé par lexodede la population
vers les banlieues et qui touche le grand centre-ville de Montréal
serait en voie de semplir de nouveau. Du moins lexode
semble être fortement ralenti, le rêve de la banlieue
ne correspondant plus au mode de vie de la génération
montante.
«Nous avons idéalisé la banlieue, qui est un modèle
urbain conçu pour la famille traditionnelle, composée
dun couple et de deux ou trois enfants, déclare Daniel
Gill, professeur à lInstitut durbanisme. Mais la
famille seffrite, un couple sur deux connaît une séparation,
les baby-boomers vieillissent, le taux de natalité est très
bas et certains couples choisissent de ne pas cohabiter. La famille
traditionnelle ne représente maintenant que 15 % des ménages.
La banlieue nest plus le modèle recherché par
les jeunes, qui sont moins intéressés à quitter
la ville.»
À Montréal, 70 % des ménages seraient composés
de une ou deux personnes alors quen banlieue, cest linverse:
entre 70 et 75 % des ménages sont ou ont été
des familles traditionnelles. «Mais les enfants de ces familles
sont partis et plusieurs se sentant isolés, loin de tout, ne
sachant plus quoi faire de leur piscine reviennent en ville»,
souligne le professeur.
Le phénomène demeure encore trop marginal pour se traduire
par une augmentation de la population de Montréal. «Cest
plus un retour aux valeurs urbaines quun mouvement de population,
précise Daniel Gill. Les jeunes préfèrent demeurer
en ville: trouvez-moi une seule personne vivant seule qui décide
daller sinstaller en banlieue!»
Le phénomène des yuppies des années 80 a dailleurs
continué de se développer et, signe des temps, a même
vu apparaître son équivalent féminin, les «jupes»:
les jeunes urbaines professionnelles émancipées, qui
préfèrent la vie de célibataire ou la monoparentalité
au couple traditionnel.
Ce changement de murs annoncerait la fin de la banlieue du type
bungalows-en-rangées-à-perte-de-vue. Même des
jeunes qui ont grandi dans ce milieu sont attirés par la ville
parce que lenvironnement social et le genre dhabitations
de la banlieue ne correspondent plus au mode de vie plus individualiste
daujourdhui.
«Le développement des banlieues sarticule autour
des maisons unifamiliales et peu de terrains sont prévus pour
les condominiums. Les futurs développements urbains devront
prévoir des centres plus densément peuplés, offrant
des services sur place, avec des habitations unifamiliales alentour.»
Construction résidentielle à la hausse
La rétention des jeunes dans les villes est un phénomène
qui marque lensemble des grandes villes nord-américaines.
À Manhattan, par exemple, on ne dénombre que 19 400
résidants, mais on prévoit que ce nombre passera à
35 000 dans 10 ans.
Le professeur en promotion immobilière sattend à
ce que les tendances quil observe à Montréal soient
visibles dans les données démographiques du prochain
recensement, mais le phénomène influe déjà
sur la construction immobilière de lîle.
«Avant 1996, seulement 16 % des nouvelles résidences
construites dans la grande région métropolitaine létaient
sur lîle de Montréal. Lan dernier, le taux
était de 34 % et lon sattend cette année
à ce quil se situe entre 35 et 40 %. De plus, les prix
montent à Montréal, ce qui indique une forte demande.
Sur lavenue du Mont-Royal, il ny a plus de trous entre
Saint-Denis et Saint-Laurent, où les appartements se vendent
comme des beignes même si lendroit nest
pas le plus tranquille qui soit.»
La nouvelle économie, portée par lindustrie de
linformatique et de la recherche dont bénéficie
Montréal présentement, a aussi pour effet de revitaliser
le centre-ville grâce aux projets comme la Cité du multimédia,
la Cité de lélectronique, la Cité internationale
ou la réouverture du canal de Lachine. «Tous ces projets
comblent de réels trous et se prêtent à un développement
mixte combinant le résidentiel et lindustriel.»
Selon le professeur, ce développement va durer encore une quinzaine
dannées pour connaître par la suite des jours plus
sombres. Les données démographiques actuelles indiquent
que la population concernée par le marché résidentiel,
cest-à-dire celle entre 20 et 75 ans, compte 5,2 millions
de personnes au Québec; en 2016, elle va atteindre un sommet
avec 5,6 millions dindividus pour redescendre jusquà
4,7 millions en 2050.
«Pendant les 20 prochaines années, il va falloir continuer
de construire pour loger cette population, puis on va se retrouver
avec un important surplus de ménages par la suite. Une crise
majeure de la construction est à prévoir dans 20 ans
et il ny aura plus personne pour acheter les maisons de banlieue.»
À moins quon se mette à faire des enfants, ce
que Daniel Gill estime fort peu probable.
Daniel
Baril