La
garde partagée peut être plus néfaste que le divorce
Mais
ce nest pas tant le type de garde que le climat entre les parents
après un divorce qui joue un rôle dans ladaptation
de lenfant, selon Francine Cyr.
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«La
médiation familiale ne règle pas tous les
problè-
mes liés au divorce, dit Francine Cyr, professeure
au Département de psycho-logie. Mais plusieurs parents
parviennent, avec laccompagnement du médiateur,
à une entente consensuelle concernant les modalités
de garde, de visite et de paiement de la pension alimentaire.
Toute-fois, certains narrivent pas à mettre
leur colère de côté et doivent recourir
à un arbitre qui tranchera le différend pour
eux, rôle habituellement confié à un
juge.» |
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Quelque 13 % des
couples choisissent la garde partagée après leur séparation.
Cette modalité de garde, prisée par plusieurs spécialistes,
peut dans certains cas être plus néfaste que le divorce
en ce qui concerne ladaptation sociale et émotive des
jeunes.
«Pour les enfants qui sadaptent difficilement aux changements,
qui entretiennent des relations conflictuelles avec un de leurs parents
ou encore qui sont pris à témoin dans les conflits conjugaux,
la garde partagée peut être éprouvante»,
signale Francine Cyr, professeure au Département de psychologie.
Quel que soit le type de garde, la qualité de linteraction
entre les conjoints, avant et après la rupture, joue un rôle
important dans ladaptation de lenfant, soutient la chercheuse.
Plus le conflit conjugal persiste et implique lenfant, moins
la garde partagée est indiquée, précise-t-elle.
Si les adultes parviennent à communiquer et à mettre
de côté leur colère et leurs différends
au bénéfice de lenfant, ce mode de garde permet
à celui-ci de garder le contact avec ses deux parents, ce qui
savère un facteur déterminant dans ladaptation
à la séparation parentale.
Lavantage principal de la garde partagée pour les parents
est quelle réduit leur stress en leur donnant un moment
de répit. Cela leur permet notamment daméliorer
ou de développer une relation significative et de meilleure
qualité avec lenfant. Un autre facteur relié à
ladaptation des jeunes au divorce, souligne la psychologue.
Des recherches indiquent que cette formule de garde est privilégiée
par les adultes plus âgés ayant un revenu et un niveau
déducation supérieurs.
Communication et collaboration
«Quelles que soient les modalités de garde préférées,
les deux parents exercent conjointement lautorité parentale,
selon la loi. Cest ce quon appelle communément
la garde conjointe, dit Mme Cyr. Cela signifie que les
grandes décisions liées notamment à léducation,
la religion, la santé et le bien-être de lenfant
ne peuvent pas être prises par un seul parent.» Quant
à la garde physique partagée, elle ne signifie pas nécessairement
une semaine chez maman et une semaine chez papa. La division du temps
de vie des enfants entre les résidences des parents peut varier.
Par exemple, lenfant peut habiter la semaine chez lun
et la fin de semaine chez lautre. La formule qui prévoit
une garde où le temps est également partagé ne
représente que deux pour cent des cas au Canada.
En théorie, la garde physique partagée encourage et
suppose une collaboration accrue entre les ex-conjoints. Selon Francine
Cyr, cela nest pas toujours le cas. Pour cette professeure,
qui sintéresse depuis 25 ans aux effets du divorce et
qui exerce la médiation familiale, les problèmes entre
les parents existent bien avant la séparation. Cette crise
familiale engendre du stress, des difficultés financières
et une désorganisation qui nuisent aux échanges avec
les enfants et qui peuvent aussi aggraver les interactions entre les
ex-conjoints. Du moins pour une certaine période de temps.
Lorsquelle fait de la médiation familiale, Mme Cyr vérifie
à la fois le degré dhostilité entre les
parents et leurs motivations par rapport au choix de garde. Parfois,
ils optent pour la garde partagée sans vraiment penser au bien-être
de lenfant, affirme-t-elle; ils sont belliqueux et veulent se
diviser lenfant comme sil sagissait dun bien
matériel. Dautres la choisissent simplement dans le but
de réduire la pension alimentaire. Le médiateur est
là pour aider les parents à ne pas perdre de vue les
besoins fondamentaux de leurs enfants.
«Même lorsque les intentions sont bonnes, la situation
nest pas facile. Les parents doivent démontrer une grande
maturité pour être capables de faire abstraction de leurs
frustrations et déceptions lun envers lautre, indique
la psychologue. La garde partagée requiert une bon- ne communication
entre les ex- conjoints. Car un enfant exposé à la violence
et à lagressivité verbale en sera affecté.
Il napprendra pas à résoudre les conflits de façon
appropriée et il risque de développer divers problèmes
de comportement, dont des conduites antisociales. Par ailleurs, il
sera dans bien des cas amené à prendre parti pour un
parent contre lautre et cela est dévastateur pour le
développement tant émotif que social de lenfant,
qui souffre énormément de ces conflits dallégeance.»
Les enfants ne divorcent pas
Quels sont les enfants les plus à risque déprouver
des difficultés dadaptation à la garde partagée?
«Peu détudes se sont penchées sur la question
et les chercheurs nen viennent pas aux mêmes conclusions,
répond la chercheuse. Des recherches indiquent que les enfants
ne sont ni mieux ni pires en garde partagée quen garde
unique (garde principale à lun des parents et droits
de visite à lautre). Dautres ont fait valoir une
légère supériorité de la garde partagée
pour ce qui est de lestime de soi, des comportements et de ladaptation
psychologique.»
Pour la psychologue, il est dans une certaine mesure possible de prédire,
à partir des recherches sur ladaptation des enfants à
la séparation parentale, la réaction à la garde
partagée. Ainsi les tout-petits (0-5 ans) le groupe
dâge où le divorce est le plus répandu en
Amérique du Nord risquent davoir de la difficulté
à supporter la grande instabilité de la garde partagée.
Le fait de voir les deux parents pourrait cependant réduire
le sentiment de perte et dabandon, fait remarquer la psychologue.
Cest aussi plus fa- cile à cet âge dintroduire
un nou-veau conjoint, mais cela doit se faire progressivement, sans
forcer les liens daffection et les lignes dautorité.
Les enfants dâge scolaire et les adolescents semblent
relativement bien sadapter à la garde partagée.
«Alors que les jeunes garçons semblent plus affectés
par le divorce et la vie au sein dune famille monoparentale
où la mère nest pas remariée, les filles
seraient plutôt perturbées par le remariage de leurs
parents et particulièrement résistantes à larrivée
dun beau-père, car il met en jeu la relation privilégiée
quelles entretenaient avec leur mère.»
Un autre avantage de la garde partagée est lengagement
du père auprès de ses enfants un an après le
divorce. Les pères obtiennent la garde légale seulement
dans sept pour cent des cas1. Le désengagement paternel est
très fréquent au cours des deux années qui suivent
la rupture du couple et particulièrement marqué lorsque
la garde est accordée à la mère, révèle
Mme Cyr. Ce retrait est souvent associé par les pères
aux difficultés dêtre un parent à temps
partiel dans un contexte parfois artificiel et à lobstruction
plus ou moins ouverte faite par lex-conjointe. Cette dernière
limite au minimum les droits de visite accordées par la cour
et mine le lien avec lex-conjoint. Lenfant risque alors
de ne pas avoir envie de voir le père simplement pour ne pas
blesser la mère ni aliéner son lien avec elle.
«La mère peut vouloir couper définitivement les
ponts avec cet ex quelle abomine mais elle ne doit
pas inciter lenfant à en faire autant, conclut Francine
Cyr. Les parents se séparent, mais les enfants ne divorcent
pas.»
Dominique
Nancy
1 Nicole Marcil-Gratton
et Céline Le Bourdais, rapport de recherche Garde des enfants,
droits de visite et pension alimentaire: résultats tirés
de lenquête longitudinale nationale sur les enfants et
les jeunes, Centre interuniversitaire détudes démographiques
de lUniversité de Montréal et Institut national
de la recherche scientifique, 1999. Les statistiques citées
dans ce texte proviennent de cette source.