Droit:
une faculté ouverte sur le monde
Pour
le nouveau doyen, la corruption est le talon dAchille des jeunes
démocraties.
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Un
des grands défis de la Faculté de droit sera
doffrir une formation à distance aux cycles
supérieurs, selon le professeur Jacques Frémont.
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La dernière
apparition publique de Pierre Elliott Trudeau a eu lieu en septembre
dernier, à loccasion de la remise du prix Société
juste, créé grâce au don à lUniversité
de Montréal des redevances du dernier livre de lancien
premier ministre du Canada. Au cours de cette rencontre privée,
M. Trudeau a discuté avec Martin Imbleau, premier lauréat
de la bourse dexcellence, et Jacques Frémont, nouveau
doyen de la Faculté de droit. Une photo, reproduite dans plusieurs
journaux, témoigne de la rencontre des trois hommes.
«Pierre Elliott Trudeau mapparaissait malade mais conservait
sa vivacité desprit. Il a évoqué avec nous
le début de sa carrière comme professeur à lUniversité
et comme politicien. Son regard devenait cependant absent lorsquon
abordait des questions reliées au rapatriement de la Constitution
et à la Charte des droits et libertés.»
Jacques Frémont est fier de relater la contribution à
la vie collective des nombreuses personnalités issues de la
Faculté de droit. Outre lancien premier ministre, soulignons
entre autres les politiciens Robert Bourassa et Jean Drapeau ainsi
que les juges Jules Deschesne et Alan Gold. «La Faculté
est une pépinière de leaders sur les plans politique,
social et économique, dit le professeur Frémont. Si
le passé est garant de lavenir, on ne peut pas manquer
notre coup!»
Les défis du 21e siècle
Mais les défis juridiques du 21e siècle sont nombreux
et la Faculté doit se positionner si elle veut prendre les
virages commandés par la mutation des besoins sociaux et économiques.
Pas de problème, le nouveau doyen carbure aux défis.
Depuis son entrée à la Faculté de droit en 1983,
ce constitutionnaliste réputé a été tour
à tour secrétaire de la Faculté, vice-doyen et
directeur du Centre de recherche en droit public. M. Frémont
succède au doyen Claude Fabien pour un mandat de quatre ans.
«Les priorités pour la Faculté sont daugmenter
la qualité de la clientèle étudiante, lengagement
du corps professoral aux cycles supérieurs et le recrutement
de nouveaux professeurs, déclare Jacques Frémont. On
va aussi consolider les programmes existants de manière à
mieux répondre aux besoins dans les secteurs stratégiques
comme les technologies de linformation, le commerce électronique
et les biotechnologies.»
La charge de travail est grande. La Faculté devra également
être en tête de liste des établissements qui offrent
aux clientèles du monde juridique les cours de droit à
distance, particulièrement aux cycles supérieurs. «Plusieurs
de nos programmes sont attrayants pour les Européens, signale
le doyen. Nous avons le privilège dêtre une université
francophone en Amérique du Nord, à lavant-garde
du développement dans différents domaines. Par exemple,
linformatique juridique, le droit des technologies et le droit
des affaires sont des secteurs en progression en Europe. Il y a là
un marché naturel qui pourrait être exploité à
distance.»
Aide aux pays du Sud
En sa qualité dardent promoteur de louverture sur
le monde, le professeur Frémont assumait jusquà
tout récemment les fonctions de directeur des projets de coopération
internationale. Le dynamique père de deux adolescents a mené
de front deux dossiers majeurs: la formation des juges chinois et
celle des journalistes africains aux principes du droit et de la démocratie.
«Il y a eu, avec la chute du mur de Berlin, des révolutions
démocratiques dans une foule de pays, affirme-t-il. La Chine,
par exemple, connaît des transformations profondes de son système
juridique. Mais la démocratie est une culture qui ne sacquiert
pas du jour au lendemain et cest ici quentre en scène
la Faculté de droit: elle fournit lexpertise pour accompagner
la mutation des processus démocratiques.»
Pour M. Frémont, le terme «expertise» est un peu
prétentieux. Il y a à peine 50 ans, rappelle-t-il, le
«meilleur pays du monde» comptait des juges et des politiciens
corrompus. «Aujourdhui, on ne sait pas pour les politiciens,
mais de tels juges, il ny en a plus. Reste quon a encore
du mal à définir ce qui entraîne de tels changements.»
Il existe cependant des recettes de base en matière de démocratie,
fait remarquer Jacques Frémont. Par exemple, la façon
de tenir des élections ou encore de mener des processus discursifs
entre les dirigeants et la société civile. Cest
sur ce plan que les établissements du Nord peuvent apporter
une aide concrète aux pays du Sud, croit-il.
Le professeur, qui revient dun séjour au Mali, où
il était en mission pour la remise sur pied du système
judiciaire, a eu le choc de constater que seulement 175 avocats se
partagent le marché des services juridiques de ce pays de neuf
millions dhabitants. «Le barreau du Mali na pas
ouvert ses portes à la profession depuis cinq ans! Pas étonnant
que plusieurs avocats soient fabuleusement riches.»
Enrayer la corruption
En théorie, il suffirait de donner accès aux professions
juridiques pour combattre la corruption. Plus il y a de gens, plus
le marché devrait normalement se rééquilibrer,
explique-t-il. Mais rien nest aussi simple. Cest que la
corruption est dabord et avant tout une question de culture,
selon Jacques Frémont. «Les gens qui participent au régime
de corruption disent que cette façon de faire est inévitable,
car leurs conditions de travail sont telles quil ny a
pas dautres moyens de nourrir la famille. Pourtant, ils ne sont
pas enclins à cesser même si lon quintuple leur
salaire.»
Il faut, en effet, combattre les mauvaises conditions de travail qui
sévissent dans certains pays comme le Mali ou le Maroc, ajoute
le doyen. Mais cette approche ne sera certainement pas suffisante
pour enrayer la corruption. À son avis, ce problème
représente le talon dAchille des jeunes démocraties.
Ce nest pas parce quon est doyen quon naime
pas la vie au grand air. Dès quil en a la chance, M.
Frémont se réfugie à son chalet situé
près de La Tuque. Cest là que, depuis des années,
il refait le plein dénergie. Pour sy rendre, il
emprunte la route 155. Entre le hameau de Rivière-aux-Rats
et Saint-Roch-de-Mékinac, le juriste est heureux comme un poisson
dans leau. «Ça monte et ça tourne. Dun
côté, on voit le Saint-Maurice; de lautre, la montagne.
Cest vraiment magnifique... lorsquil ny a pas de
camions de pitounes!»
Il apprécie aussi marcher dans le bois ou simplement rester
des heures assis dans le vent à contempler les teintes nuancées
du feuillage à la fin de lautomne et la brume du matin.
Aux yeux de ce grand voyageur en deux ans seulement, il est
allé quatre fois à Pékin et trois fois en Afrique
de lOuest subsaharienne , il ny a rien de plus apaisant
quune forêt et un lac brumeux.
«Jaime voyager, révèle Jacques Frémont,
mais je ne ressens plus autant de plaisir à visiter les endroits
civilisés. Je préfère aller au-delà des
attraits touristiques; apprendre à connaître un pays
par les gens. Sinon, je reste chez moi et jécoute des
airs de Schubert ou de Mahler. Cest une autre façon de
voyager.»
Dominique
Nancy