Volume 36 numéro 10
6 novembre
2000


 


70% des étudiants ont de la difficulté à conjuguer les verbes!
Un centre de communication écrite sera créé d’ici l’automne 2001.

Lorsqu’on demande à Chantal Gamache, l’une des auteurs de l’étude sur le français chez les étudiants, si c’est à l’université que les jeunes doivent apprendre à écrire, elle répond qu’il faut assumer ses responsabilités. «On ne peut pas tout pelleter dans la cour des maternelles!»

À l’automne 2001, tous les nouveaux étudiants qui feront leur entrée à l’Université de Montréal devront subir un test de français. «Il s’agira d’un test diagnostique, précise la vice-rectrice à l’enseignement de premier cycle et à la formation continue, Claire McNicoll. Il permettra aux étudiants de s’évaluer de façon précise. Ceux qui le voudront pourront s’inscrire, par la suite, à des cours de rattrapage.»

Un centre de communication écrite sera créé d’ici là pour permettre aux nouveaux d’avoir accès à des cours sur mesure. Cette initiative s’appuie sur une étude menée par une équipe de chargés de cours de la Faculté de l’éducation permanente (FEP) qui révèle des données surprenantes sur la maîtrise de la langue chez les étudiants de l’Université de Montréal. Selon cette étude, plus de 70% d’entre eux ont des problèmes à conjuguer les verbes, mais la première source de difficulté concerne le vocabulaire: de 75% à 87% des étudiants admettent ressentir «parfois», «souvent» ou «très souvent» des lacunes sur ce plan.

Écrire des textes représente une véritable épreuve pour eux puisque de 49% à 64% des répondants, selon l’unité à laquelle ils sont rattachés, disent éprouver de la difficulté à structurer des textes. Par ailleurs, plus du tiers des 1156 étudiants interrogés entre novembre 1999 et janvier 2000 (37%) ont admis ne jamais consulter d’ouvrages de référence pour résoudre leurs problèmes grammaticaux.

«Il s’agit d’une étude sur la perception que les étudiants ont d’eux-mêmes, signale Chantal Gamache, qui donne des cours de «mise à niveau» en français depuis plusieurs années et préside le Syndicat des chargées et chargés de cours de l’Université de Montréal. Nous voulions aller plus loin que les études habituelles, qui ne tiennent pas compte de ce que les gens concernés pensent du problème.»


Zone d’interprétation

La perception que les étudiants ont d’eux-mêmes comporte tout de même une zone d’interprétation qu’il faut analyser avec discernement. «Ce ne sont pas toujours ceux qui disent avoir le plus de problèmes qui en ont effectivement le plus, indique Mme Gamache. Parfois, le seul fait d’admettre une lacune est le début d’un effort pour la combler.»

L’étude note toutefois que «d’autres indices montrent que les étudiants minimisent leur besoin d’aide: 60,6% des étudiants qui confondent “souvent” les relatifs “dont”, “que” et “duquel” et 56,8% des étudiants qui disent éprouver “souvent” de la difficulté à employer correctement les signes de ponctuation dans leurs textes estiment n’avoir besoin que d’un peu d’aide en français. Il nous semble donc que la case “un peu” devrait être interprétée comme “oui, j’ai besoin d’aide”.»

Sur la façon dont cette aide doit être offerte aux étudiants, l’étude des chargés de cours représente une douche froide pour les adeptes de l’enseignement à distance. «Les étudiants qui disent avoir énormément besoin d’aide en français préfèrent les cours de 45 heures (25,7%) et l’aide individuelle (20%), dit l’étude. La case offrant des cours par correspondance ou par Internet reçoit le moins de faveur chez les étudiants: 5,7%.» Les réponses vont dans le même sens chez les étudiants qui disent avoir besoin d’«un peu» d’aide.

«Les étudiants rejettent donc, dans l’ensemble, les cours par correspondance ou par Internet et les cours à distance avec, à l’occasion, des rencontres de groupe, soulignent les auteurs. Comme on ne peut expliquer ces choix en accusant les étudiants d’être réfractaires aux nouvelles technologies — c’est dans leur groupe d’âge que ces nouvelles technologies sont les plus populaires —, on peut conclure que les étudiants réclament des formules pédagogiques impliquant le soutien d’un enseignant sur place et non un soutien à distance.»

Ce résultat n’est pas pour déplaire aux quelque 30 chargés de cours en enseignement du français (unités méthodologie, EDP, et mise à niveau, FRA), qui bénéficient d’un lien d’emploi avec la FEP. «C’est notre rôle d’enseigner le français, dit Mme Gamache. Nous pressentions donc assez bien les faiblesses des étudiants. Ce projet, initialement modeste, a pris de l’ampleur grâce à l’appui de plusieurs partenaires.»

L’étude, intitulée «Les besoins en français et en méthodologie des étudiants et étudiantes de l’Université de Montréal», a coûté 35 000$ et a été financée par un «programme d’intégration pédagogique des chargés de cours». C’est le premier projet d’une telle envergure résultant de ce programme, créé en 1996.


Une réponse rapide du vice-rectorat

Au vice-rectorat à l’enseignement de premier cycle et à la formation continue, on a réagi rapidement aux conclusions de cette étude. D’autant plus qu’une enquête sur l’orientation de la formation de premier cycle a révélé récemment un «large consensus parmi les unités (N=50) voulant que l’UdeM mette en place des moyens pour aider les étudiants à améliorer leur compétence en langue française lue (70%), écrite (92%) et parlée (84%)».

Les répondants à cette dernière enquête — des vice-doyens aux études, directeurs de département et d’école et responsables de programme — ont indiqué qu’ils appuyaient en forte proportion les tests institutionnels de classement à l’admission, les cours de français non crédités donnés par l’Université de Montréal et la formation de correcteurs compétents pour assister les professeurs.

Le Centre de communication écrite, qui verra le jour d’ici l’automne 2001, pourrait offrir un soutien aux professeurs surchargés par la correction d’examens écrits; il viendrait également en aide aux étudiants en cours de rédaction et proposerait un site Internet de référence. Le Centre, doté d’un comité scientifique consultatif, sera la partie visible d’une politique de la maîtrise du français dans l’apprentissage.

La mise en place de ce centre a été approuvée par les membres de la Commission des études le 24 octobre dernier. Au cours de cette séance, ils ont également donné leur accord à plusieurs projets de création de programmes: Diplôme d’études spécialisées en médecine d’urgence (Faculté de médecine), Mention en études allemandes dans le contexte européen (Faculté des arts et des sciences), Concentration plasturgie au Département de génie chimique et de génie mécanique (École Polytechnique), Module de formation en gestion de l’invalidité et de la réadaptation, Module de formation en échocardiographie adulte et pédiatrique et Certificat d’intervention en déficience intellectuelle (FEP). À la Faculté de l’aménagement et à l’École Polytechnique, les projets de modifications aux répertoires de cours ont également été approuvés.

Mathieu-Robert Sauvé