Lobésité:
un problème de taille
Après
cinq ans, les traitements diététiques ne fonctionnent
que pour 5% des obèses, indique le Dr Dominique Garrel.
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Les
traitements contre lobésité devraient
prioritairement sadresser aux jeunes, estime le Dr
Dominique Garrel, directeur du Département de nutrition.
Car cette condition accroît le risque de devenir diabétique
et entraîne de nombreux problèmes, dont des
troubles psychologiques. |
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Selon le Journal
of the American Medical Association, le surplus de poids représente
un problème de taille aux États-Unis: 300 000 décès
seraient attribuables chaque année à lobésité.
Au Canada, où plus de huit millions dhabitants ont un
excès de graisse, le coût annuel des traitements sélève
à 1,8 milliard de dollars, dont 850 millions au Québec.
«Quatre-vingt-quinze pour cent des gens reprennent leur poids
après un régime, affirme Dominique Garrel, endocrinologue
à lHôtel-Dieu. Doù la difficulté
de traiter lobésité.»
Un nouveau médicament anti-obésité apporte de
lespoir dans cette lutte contre lembonpoint dont souffrent
la moitié des Canadiens âgés de 40 ans et plus.
Une réserve toutefois: le Xenical est prescrit seulement aux
personnes atteintes dhypertension ou de diabète et qui
ont un indice de masse corporelle (IMC) au-dessus de 27. Pour une
femme qui mesure 1,50 m et pèse 60 kg, cela signifie que son
poids est légèrement au-dessus de la normale, son IMC
étant de 26.6 (voir lencadré).
«Il nexiste pas de pilule miracle, prévient le
Dr Garrel. Le Xenical doit être accompagné dun
plan alimentaire. Cest néanmoins le seul produit, efficace
et inoffensif, qui réduit labsorption intestinale des
graisses plutôt que de couper lappétit. Il a été
démontré que ce traitement entraîne une perte
de poids significativement plus grande quun placebo. Mais on
ne connaît pas encore laccélération de lamaigrissement
ni le taux de succès du médicament sur cinq ans.»
Au-delà de cette période, les traitements diététiques
habituels ne fonctionnent que pour cinq pour cent des obèses,
signale Dominique Garrel. Cest dailleurs la raison pour
laquelle il ny a pas détudes concluantes qui prouvent
que la perte de poids augmente lespérance de vie. Sauf
dans le cas du diabète. Plusieurs autres maladies comme les
défaillances cardiaques, lhypertension et lhypercholestérolémie
répondent aussi positivement à une diminution du tour
de taille. Car sans en être la cause directe, lembonpoint
peut avoir des effets nocifs sur la tension artérielle et risque
daccroître le taux de mauvais cholestérol dans
le sang.
Certains chercheurs disent même que le simple fait de manger
moins entraîne des avantages pour la santé. Cest
lopinion du Dr Garrel. Mais pour le nouveau directeur du Département
de nutrition, diminuer la consommation de nourriture ne suffit pas,
il faut aussi augmenter la dépense dénergie.
Une situation qui dégénère
Lobésité se définit comme un excès
de graisses corporelles stocké dans les tissus adipeux sous
forme de triglycérides. Un individu qui veut maintenir son
poids doit dépenser au moins 300 calories par jour dans une
activité comme la marche, la natation ou le golf. Une demi-heure
intensive de bicyclette, par exemple, permet de brûler de 200
à 280 calories. Marcher durant la même période,
de 80 à 120; cuisiner ou repasser, de 60 à 110; lire,
de 15 à 25. Et pour ce qui est de regarder un film... Lorsquon
regarde la télévision, notre métabolisme descend
plus bas que lorsquon sadonne à la lecture, fait
remarquer le médecin. Et souvent ce passe-temps est accompagné
dun sachet de chips!
Pour expliquer lincidence de lobésité, lendocrinologue
se garde bien de montrer du doigt les mauvaises habitudes alimentaires
et la consommation excessive de nourriture. La sédentarité,
selon lui, est le principal facteur. «La restauration rapide
et lexcès de consommation daliments ne sont pas
en cause, dit-il. Selon une enquête menée par le ministère
de la Santé et des Services sociaux, la population québécoise
a, en général, de bons comportements alimentaires.»
Le spécialiste cite également une autre étude
qui démontre que les Québécois ne mangent pas
davantage aujourdhui quil y a 15 ans.
«Nous vivons dans une société dabondance
où il est facile de trop manger, admet-il. Les gens doivent
apprendre à se peser régulièrement et à
corriger leur poids. Car seulement 100 calories en trop par jour entraînent
un gain de un kilo au bout de trois mois. Cela représente une
quinzaine de kilos superflus à 40 ans. La meilleure façon
de rester mince est de manger sainement et de faire régulièrement
de lexercice.»
De plus en plus, les experts considèrent lobésité
comme un problème de santé publique grave. Le phénomène
est courant chez les jeunes. En Amérique du Nord, 40% des enfants
ont un excès de poids.
Allez jouer dehors!
En 20 ans de pratique, Dominique Garrel a constaté une dégradation
de la situation. Lendocrinologue reconnaît les bienfaits
des nouvelles technologies, mais il presse les parents dexercer
un contrôle sur les sources de divertissement qui favorisent
la sédentarité. «Les enfants ont une vie de moins
en moins active, observe le médecin. Ils passent en moyenne
26 heures par semaine devant la télévision ou lordinateur
au lieu daller jouer dehors. Et cest sans compter le temps
passé assis en classe. Un jeune qui a grandi avec lhabitude
de pratiquer un sport a plus de chances de demeurer actif à
lâge adulte.»
Sil sinquiète de linactivité grandissante
de la jeunesse québécoise, cest que plus lobésité
survient de façon précoce, plus le risque de devenir
diabétique saccroît. «Le diabète de
type 2, qui est la principale complication de lobésité,
est une maladie qui se développe au fil des ans, explique le
Dr Garrel. Une personne obèse à 40 ans peut atteindre
la soixantaine sans avoir une quantité anormale de glucose
dans le sang. Elle risque moins de souffrir de diabète quun
jeune qui a 20 kg de trop. Dans ce cas, le risque de devenir diabétique
est multiplié par 20.»
Le diabète de type 2, qui est caractérisé par
une résistance de lorganisme à linsuline,
survient généralement après 45 ans. Depuis une
vingtaine dannées, la communauté scientifique
note une augmentation de cette forme de diabète chez les adolescents
et les jeunes adultes. Le phénomène, qui suscite une
préoccupation croissante, semble lié à la sédentarité
et à la mauvaise alimentation: plus de 80% des diabétiques
de type 2 souffrent dobésité (voir Forum
du 11 septembre 2000).
Selon lOrganisation mondiale de la santé, le problème
est dautant plus alarmant quil est planétaire:
certaines régions du monde comme les îles du Pacifique
et le Moyen-Orient ont des prévalences dobésité
qui dépassent celles des pays industrialisés. Lidée
que les personnes obèses viennent dun milieu socioéconomique
défavorisé est-elle surestimée? Les classes sociales
défavorisées sont les plus atteintes par lobésité,
répond Dominique Garrel, mais le fléau touche tout le
monde. Et les facteurs biologiques?
«Cest sûr quil y a des facteurs héréditaires,
souligne le Dr Garrel. Les enfants dindividus obèses
courent deux fois plus de risques de souffrir dobésité,
notamment à cause des habitudes de vie. Mais les perturbations
physiologiques résultant de troubles endocriniens ou glandulaires
sont rarement responsables de cette condition.»
Dominique
Nancy
Cest
le tour de taille qui compte!
À 38 ans, Jean-Louis a un poids et un indice de masse corporelle
(IMC) normaux, mais il a un tour de taille supérieur à
90 cm. Sa santé est-elle en jeu? «Oui, répond
Dominique Garrel, endocrinologue à lHôtel-Dieu.
Le tour de taille dun individu est davantage relié aux
risques de problèmes médicaux que lIMC.»
La mesure de létat de santé dune personne
par lIMC résultat de la simple division de son
poids par sa taille au carré nest valable que
pour lensemble dune population, selon le Dr Garrel. Un
indice inférieur à 18,5 définit un état
de maigreur et un indice supérieur à 25, un surpoids.
Au-delà de 30, on parle dobésité.
Mais la mesure nest pas infaillible. Par exemple, un athlète
peut avoir un IMC de 27 et très peu de graisse. Cela dit, les
gens qui ont un IMC entre 25 et 30 ont, en général,
de 10 à 20 kg en trop, indique lendocrinologue. On parle
dobésité morbide lorsque lIMC sélève
à 40. «La mesure a alors une réelle valeur, affirme
le Dr Garrel, puisque aucun individu na un tel indice de masse
corporelle parce quil est musclé.»
D.N.