Volume
36
numéro 10
6 novembre 2000
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Volcans,
kalachnikovs, médecine nucléaire et ornithologie
Le
Dr Jean Léveillé est président de lAssociation
des médecins de langue française du Canada et globe-trotter
à temps perdu.
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Le
Dr Jean Léveillé, médecin à
lHôtel-Dieu, sera à la tête de
lAssociation des médecins de langue française
du Canada au moment des célébrations du centenaire
de lorganisme, en 2002. Depuis huit ans, le spécialiste
de médecine nucléaire collabore à LActualité
médicale à titre
dornithologue.
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Cest au
détour dun corridor achalandé de lHôtel-Dieu
de Montréal quon parvient au bureau exigu du Dr Jean
Léveillé. Peu de gens, au Département de médecine
nucléaire, se doutent des multiples personnalités de
leur médecin. Lorsque cet homme enlève son sarrau, cest
pour partir, sac au dos, rencontrer des peuples primitifs, photographier
des oiseaux rares ou tout simplement voir le monde. «Mes confrères
voyagent peu, car les hôtels cinq-étoiles, ça
finit par coûter cher. Moi, je couche dehors. Des étoiles,
jen ai 1000 devant moi
»
De ses voyages, quil effectue le plus souvent avec sa femme,
il ramène des photos quil accroche çà et
là autour de lécran où il examine des radiographies.
Au Kurdistan, ils ont partagé des repas avec des miliciens
armés de kalachnikovs tournées vers eux. «Cest
la coutume, dit-il, les Kurdes peuvent inviter des étrangers
à casser la croûte, mais à condition dorienter
leur carabine dans leur direction.»
Ils ont aussi rencontré des membres de la tribu des Mentawaï,
au large de Sumatra, marché dans les déserts de Gobi
et de Mongolie, voyagé en Polynésie et gravi la muraille
de Chine. Ils ont accompagné des rebelles dans une zone interdite
du Yémen et assisté à léruption
dun volcan sur lîle de Java. Au Népal, ils
se sont rendus au camp de base de lEverest, et des photos du
médecin québécois seront bientôt publiées
dans lAustralian Geographic Magazine. En un mois au pays
des kangourous, dans le Mary River Park, Jean Léveillé
aura donc réussi des photos doiseaux que ni les naturalistes
ni les photographes professionnels australiens ne sont parvenus à
immortaliser.
Mais pour cet ornithologue amateur qui signe depuis huit ans la chronique
mensuelle «À tire dailes» dans le magazine
LActualité médicale, les plus beaux endroits
pour observer les oiseaux sont encore
les parcs-nature de la
Ville de Montréal! «Le parc-nature du Cap-Saint-Jacques,
lîle Bizard, le parc de la rivière des Mille-Îles
sont des endroits formidables pour observer la faune ailée»,
dit-il avec conviction.
Pas peur de la mort
De toute évidence, les zones interdites, les volcans et les
kalachnikovs ne font pas peur à Jean Léveillé.
«Au retour dun de mes voyages, jai lu dans les journaux
que 43 personnes étaient mortes dans un autobus à Saint-Joseph-de-la-Rive.
Puis que le funiculaire de Québec avait fait deux victimes.
Tant quà mourir bêtement comme ça, aussi
bien voir du pays.»
Le médecin globe-trotter a une certaine audace. Au cours dune
promenade dans une ville musulmane fondamentaliste, il a photographié
une femme portant un voile de la tête aux pieds. Prendre une
photo, cest prendre lâme, croit-on là-bas;
il est strictement interdit de le faire sous peine de mort. «Jai
camouflé mon appareil et, lorsque son attelage est passé
près de nous, jai appuyé sur le déclencheur
sans me préoccuper du cadrage. Cest une des photos dont
je suis le plus fier.»
Ce qui le fait courir ainsi dun hémisphère à
lautre? «Je naime pas regarder la télé,
répond-il. Et puis, ma femme trouvait que nous ne prenions
pas assez de vacances tous les deux. On consacre donc un peu de nos
temps libres aux voyages.»
Médecin et chercheur
Outre ses fonctions de professeur au Département de médecine
nucléaire de la Faculté de médecine (dont il
a longtemps été responsable), Jean Léveillé
mène aussi des travaux de recherche. Sa spécialité:
le cerveau. «Limagerie médicale a beaucoup contribué
à la connaissance du fonctionnement du corps humain. Mais la
médecine nucléaire a eu son mot à dire. Elle
favorise grandement lavancement des connaissances.»
Une image quaime employer le pédagogue est celle de la
photo satellite dans le domaine de la géographie. La photo
satellite montre bien lemplacement des lacs et des rivières
sur un territoire donné, mais elle nindique ni le débit
ni le sens du courant des cours deau. De même, une radiographie
permet de voir les os et les organes internes, mais linjection
dun radio-isotope permet den apprendre beaucoup sur le
flux sanguin, le débit urinaire ou la vitesse découlement
de la bile. «Pour reprendre limage de la photo satellite,
il sagit de mettre un émetteur sur un animal quon
désire suivre à travers la forêt», dit le
médecin.
Les rayons gamma émis sont captés par une caméra
à scintigraphie. Les images qui en résultent sont moins
précises que celles obtenues par rayons X, mais elles révèlent
plus dinformation sur le fonctionnement de lorgane. On
dit dailleurs de ces images quelles sont «fonctionnelles»
par opposition aux radiographies dites «anatomiques».
Il y a de plus en plus dapplications de la médecine nucléaire
en psychiatrie, explique le médecin. «On ne bouge pas
un doigt sans que le flux sanguin quelque part dans le cerveau soit
modifié. Chaque geste quon fait commence là. Plusieurs
maladies mentales ont donc probablement une source anatomique quil
est possible de localiser.»
Le Dr Léveillé fait en quelque sorte son plus beau voyage.
Mathieu-Robert
Sauvé
Le français, langue scientifique internationale
Le nouveau président de lAssociation des médecins
de langue française du Canada (AMLF), Jean Léveillé,
croit que le français a un rôle à jouer sur la scène
internationale. «Langlais est indiscutablement la langue
des communications mais pas nécessairement celle de la pensée»,
dit ce professeur à la Faculté de médecine qui
reçoit des résidents francophones des quatre coins du
monde. «En Argentine, au Chili, en Afrique du Nord, en Grèce
et même en Chine, le français jouit encore dun grand
prestige comme langue scientifique.»
Oui, le chercheur publie la plupart de ses articles scientifiques dans
la langue de Shakespeare, mais rien ne lempêche de réfléchir
en français, voire de rédiger une version dans cette langue
avant de passer à la traduction. «Mon confrère André
Dandavino a publié chez Fides/Rogers un Guide des symptômes
qui a obtenu un étonnant succès: 8000 exemplaires vendus.
Ce livre est en cours de traduction en anglais et en espagnol. Je crois
quil naurait pas aussi bien réussi sil lavait
écrit en anglais.»
Le Québec, qui na pas un passé colonialiste, a peu
dennemis sur la scène internationale. Aussi peut-il jouer
un rôle au carrefour des courants mondiaux.
À titre de président de lAMLF, Jean Léveillé
a bien lintention de promouvoir ce rôle. Dautant plus
que son mandat de quatre ans inclut lannée du centenaire.
«Lorsque lAssociation a été créée,
en 1902, la plupart des médecins québécois étaient
formés en France mais nassistaient quà des
congrès en anglais. À lorigine, il sagissait
dune association nord-américaine, visant à joindre
les Franco-Américains. Mais cest devenu une association
du Canada dans les années 30, quand le gouvernement
fédéral a contribué à son financement.»
Actuellement, lAMLF compte 5000 membres, tous des «M.D.»,
à lexception des étudiants en médecine. Son
congrès annuel a lieu à lautomne et réunit
des spécialistes et omnipraticiens pour des conférences
scientifiques. Mais la population a aussi un rôle à jouer,
car une exposition sur le thème retenu (cette année le
poumon) est présentée dans un lieu public. Au congrès
du début octobre, lexposition avait lieu au complexe Desjardins,
où 30 000 personnes circulent quotidiennement. Cette exposition
très appréciée, où le grand public aborde
des questions dordre médical, a le même coordonnateur
depuis 17 ans: Jean Léveillé.
M.-R.S.
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