Volume 35 numéro 9
30 octobre
2000


 


Une classe du maître de musique
José van Dam professe quelques conseils à cinq étudiants en chant.

«Songe à la douceur d’aller là-bas vivre ensemble», dit le poème mis en musique par Henri Duparc dans L’invitation au voyage. «Ne donnez pas l’impression de lire une brochure de Tourisme soleil», dit José van Dam à Anik-Ève Saint-Louis.

«Les peupliers sont beaucoup plus frais quand ils sont frrrais», lance José van Dam à la jeune Geneviève Couillard, qui vient d’interpréter un air de Camille Saint-Saëns. Le son, explique l’inoubliable interprète du Maître de musique, film de Gérard Corbiau, est comme un diamant brut; il prend racine au fond des poumons, monte le long du corps dans une colonne d’air et est ciselé par les lèvres.

La chanteuse reprend son extrait de l’opéra Samson et Dalila et réussit une interprétation plus convaincante. Le maître la reprend de nouveau, mais cette fois son commentaire ne concerne pas la technique. «Vous n’êtes pas assez amoureuse, là!»

C’est dur, le chant. Mais pour les cinq étudiants qui ont été entendus par José van Dam, le 23 octobre dernier, devant un auditoire d’environ 500 personnes à la salle Claude-Champagne, il ne pouvait y avoir de meilleur pédagogue. «Ce n’est pas facile de se mettre à nu devant ses pairs, explique Anik-Ève Saint-Louis, qui a passé près de 45 minutes avec M. van Dam. Il y a dans la salle des étudiants en musique d’autres universités québécoises, des professeurs, des mélomanes. Nous avions tous une bonne dose d’angoisse à surmonter…»

Rarement dans les 50 ans d’histoire de la Faculté une classe de maître avait-elle attiré autant de spectateurs. C’est que le baryton d’origine belge n’accepte qu’exceptionnellement d’animer des classes de maître. «Il a voulu rencontrer les étudiants par reconnaissance pour l’honneur que l’Université de Montréal lui faisait de lui décerner un doctorat honorifique, explique Rosemarie Landry, directrice du secteur chant à la Faculté de musique. Le caractère francophone de l’Université a également pesé dans la balance», ajoute-t-elle.

C’est Mme Landry qui a pris l’initiative d’inviter José van Dam. Elle-même chanteuse professionnelle, elle l’a déjà côtoyé sur la scène. «Nous sommes très contents qu’il ait accepté», dit-elle. Le célèbre chanteur n’est actuellement rattaché à aucune université, mais caresse le projet de mettre sur pied un institut international du chant.

Pour la classe du 23 octobre, les chanteurs (Michèle Bolduc, Geneviève Couillard, Jean-Philippe Laroche, Benoît Leblanc et Anik-Ève Saint-Louis) avaient été sélectionnés par consensus par les sept professeurs de chant. Le secteur compte 75 étudiants. «Nous étions tous nerveux avant de le rencontrer, confie Mme Saint- Louis. Il a une telle carrière derrière lui! Mais somme toute, c’est un homme simple, chaleureux.»


Éloges et acrimonie

M. van Dam avait reçu, la veille, un doctorat honoris causa de l’Université de Montréal et avait donné un récital avec le pianiste polonais Maciej Pikulski. Ce concert, marquant le premier événement d’importance des célébrations du 50e anniversaire de la Faculté, a été accueilli avec des éloges par le critique du Devoir, François Tousignant, et avec acrimonie par celui de La Presse, Claude Gingras. Le premier évoque le génie, alors que le second estime au contraire que «M. van Dam passe toujours à côté».

Quoi qu’il en soit, la salle Claude-Champagne était comble (et comblée, à en juger par les trois rappels) pour ce concert produit en collaboration avec la société Pro-musica. On avait laissé le balcon aux étudiants, qui bénéficiaient d’un prix réduit.

«Le passage de José van Dam était le premier événement majeur de l’année du cinquantième. Il y en aura d’autres», a expliqué le directeur artistique des célébrations, Jean-Jacques Nattiez. Ce dernier est très satisfait du succès obtenu jusqu’à maintenant par les activités. La qualité est au rendez-vous, et la visibilité pour la Faculté et l’Université est exceptionnelle.

Mathieu-Robert Sauvé