Volume 35 numéro 9
30 octobre
2000


 


Apprendre la géographie à ciel ouvert
Les étudiants du Département de géographie participent volontiers aux cours de terrain obligatoires.

Les sables cimentés par des processus chimiques naturels ont l’apparence et la dureté des roches. Mais ce sont de «fausses roches» formées de grains de quartz cimentés par le sel de mer et d’oxyde de fer, explique le directeur du Département de géographie, François Courchesne.

Au début de l’automne, une quinzaine d’étudiants du cours GÉO 3282 du programme de géographie ont fait une expédition. Leur destination? Montréal. «C’est une ville cosmopolite à l’origine de nombreuses études universitaires, affirme François Courchesne, directeur du Département de géographie. Les recherches portent notamment sur l’observation des paysages métropolitains, la construction de l’espace urbain et les transformations par les acteurs du milieu.»

L’exploration des différents secteurs de la métropole n’est pas l’expérience la plus exotique, mais elle permet un contact direct avec l’objet d’étude. C’est la particularité des cours sur le terrain qui, même s’ils sont obligatoires, connaissent beaucoup de succès chez les étudiants comme chez les professeurs. Ils font partie du programme de géographie depuis près de 50 ans.

Un autre groupe d’étudiants s’est rendu, du 5 au 15 octobre derniers, dans un village colonial à l’extrémité du cap Cod, non loin de Provincetown, dans l’État du Massachusetts. Un lieu renommé pour ses superbes plages bordées de dunes et ses petites maisons à volets, dont le charme paisible fait le bonheur des vacanciers.

Mais ce ne sont pas les raisons qui ont motivé le choix de cette destination. Dans ce paysage, les étudiants ont l’occasion de voir une grande variété de sols. «Cette région n’est pas sous l’emprise des phénomènes liés à la période glaciaire, signale M. Courchesne. Elle est cependant modelée par les vagues et marées qui sculptent un paysage fragile, colonisé par une végétation adaptée aux conditions rigoureuses du littoral.»

Les paysages de l’Ouest canadien, des Prairies, de l’Ontario et du Québec ont été façonnés par les glaciations, un événement majeur dans l’histoire des paysages naturels. C’est comme si le compteur pédologique avait été mis à zéro, indique le géographe. À la limite d’action des glaciers, on retrouve un environnement façonné par l’activité et les sédiments fluviatiles.

La Pennsylvanie figure aussi parmi les sites régulièrement visités par François Courchesne et ses étudiants. C’est que le berceau des États-Unis se trouve à la frontière de l’influence exercée par les glaciations. «Les sols ont des centaines de milliers d’années contrairement à ceux du territoire canadien, qui n’ont approximativement que 10 000 ans. On peut presque avoir le pied gauche sur un sol qui n’a pas subi les glaciations et le droit sur un terrain transporté par les glaciers, dit le professeur à la blague. C’est l’endroit le plus près d’ici pour observer ce genre de phénomène.»


Sentiment d’appartenance

Les quatre cours sur le terrain occupent une place importante dans le programme de géographie. Ils permettent entre autres aux étudiants de mieux comprendre les processus naturels et humains qui façonnent les paysages. «On se sert du terrain comme d’un laboratoire naturel», déclare le directeur.

L’approche n’est pas nouvelle; elle s’inscrit dans la tradition établie, il y a plusieurs dizaines d’années, par le Département. Déjà, lorsque la vice-rectrice à l’enseignement de premier cycle et à la formation continue, Claire McNicoll, y faisait ses études, ce type de cours était en vigueur. Elle s’en rappelle comme d’une belle et riche expérience. «En offrant aux étudiants des cours de terrain, non seulement on répond à leur besoin de formation, mais aussi on favorise le développement d’un plus grand sentiment d’appartenance à la discipline et au Département, fait valoir Mme McNicoll. Et cela est un facteur important de rétention.»

François Courchesne partage cet avis. Depuis 1988, moment de son arrivée à l’Université, il a souvent constaté la valeur ajoutée de ce type de cours. Les cours sur le terrain sont propices à la création d’un rapport privilégié entre les étudiants et les professeurs, observe-t-il.


Frais de voyage

Les futurs géographes ne sont pas les seuls à apprécier l’expérience. Chaque année, dit-on, les responsables des cours sur le terrain anticipent avec optimisme les départs en excursion. Pour eux, il s’agit d’un moyen de garder contact avec l’objet d’étude. Les professeurs Pierre J. H. Richard et André G. Roy ont aussi pris part à l’aventure au cap Cod. Quant à James Gray et à Peter Foggin, ils se sont respectivement rendus avec leurs étudiants, au début de septembre, en Gaspésie et au Saguenay–Lac-Saint-Jean.

L’apprentissage à ciel ouvert a toutefois un prix. Outre le travail de préparation, chaque équipe doit prendre à sa charge des responsabilités. Certains étudiants ont, par exemple, pour mandat de voir au matériel scientifique; d’autres sont responsables de la nourriture ou encore de la navigation. Et c’est sans compter les frais inhérents au voyage qu’ils doivent supporter, en plus de leurs droits de scolarité.

«Les frais sont réduits au minimum, assure-t-il. On loge dans des installations modestes où l’on peut préparer des repas et le transport est payé par l’Université. Le plaisir et la somme des connaissances qu’apportent ces voyages de formation valent leur pesant d’or.»

Dominique Nancy