Volume 35 numéro 9
30 octobre
2000


 


Animateur à la chaîne culturelle et étudiant au doctorat
Pierre Vachon rédige une thèse sur Schumann.

Lorsqu’on a cherché une voix pour le message d’accueil de l’Université de Montréal, c’est à Pierre Vachon, étudiant au doctorat en musicologie et animateur à la radio, qu’on s’est adressé. C’est sa voix qui souhaite la bienvenue aux personnes qui composent le 343-6111.

À 32 ans, Pierre Vachon avait déjà connu deux vies (violoniste et traducteur) lorsqu’il a appris qu’on cherchait un animateur à la chaîne culturelle de Radio-Canada. Avec sa voix de baryton, très «radio-canadienne», le jeune homme avait peut-être un avantage sur les autres candidats, mais ce n’était pas gagné d’avance. Après un test écrit sur les connaissances générales, il a dû réaliser une émission pilote incluant une interview avec une personnalité du monde culturel.

Tout s’est bien passé, et Pierre Vachon a eu sa chance dès 1995, dans le cadre d’une émission quotidienne nocturne… «J’ai toujours adoré la radio. Je suis attiré par le métier d’animateur depuis mon adolescence. Quand on me demandait ce que je voulais faire dans la vie, c’était ce que je répondais.»

Aujourd’hui, Pierre Vachon tient l’antenne tout l’été (Un été en musique, puis Parce que c’est l’été) à raison de trois heures par jour, en plus d’animer des séries radiophoniques durant les autres saisons et de remplacer à l’occasion les animateurs habituels. Et il poursuit actuellement à la Faculté de musique des études de doctorat sur le compositeur allemand Robert Schumann.

«Après avoir été traducteur pendant 10 ans, je voulais revenir dans le monde musical. Ça me manquait beaucoup. Mais l’interprétation, il ne fallait pas y penser. Après avoir étudié le violon au conservatoire, je n’y ai plus touché. Quand on met son instrument de côté, on perd beaucoup trop sa technique. Il me restait la musicologie. J’ai donc entrepris des études aux cycles supérieurs sur Schumann. Je n’ai jamais regretté mon choix.»


La quintessence du romantisme

Une bourse du Fonds pour la formation des chercheurs et l’aide à la recherche lui a permis d’aller mener des recherches à Düsseldorf, où se trouve l’essentiel des archives de Robert Schumann. Son doctorat, sous la direction de Marcelle Guertin, porte sur les liens entre la musique et les autres arts dans l’oeuvre du compositeur.

«Je travaille particulièrement sur la symbolique des titres d’oeuvres pour piano. Une de ses suites les plus connues, par exemple, s’intitule Carnaval. Lorsqu’on étudie l’histoire culturelle, on se rend compte que Schumann n’a pas choisi ce titre par hasard. Il y a à cette époque un dérèglement du système, de l’ordre social qui inspire bien des artistes. C’est le temps des masques.»

Autre exemple, Kreisleriana, une oeuvre maîtresse basée sur un conte d’Hoffmann. «Schumann, c’est la quintessence du romantisme, dit Pierre Vachon. Il est exalté, passionné. Il mourra dans un asile après deux ans d’internement. Mais c’est surtout un génie; dans ses oeuvres, on sent une cohérence, une logique indiscutable.»

Pierre Vachon, qui est né un 8 juin comme Schumann, a connu une vive émotion quand, au cours de son voyage en Allemagne, il a examiné des partitions du musicien où il pouvait apercevoir les ratures, les notes de la main du maître. «Quand on regarde ses manuscrits, on constate qu’il était un être extrêmement complexe.»

Les historiens rapportent que Robert Schumann aurait contracté la syphilis dans son jeune âge et aurait souffert de ce qu’on appelle aujourd’hui la maniacodépression. Après avoir attenté à ses jours, il a lui-même demandé à sa femme, Clara, de le faire interner dans un asile. Mais il a laissé une oeuvre unique. «Maître du lied où la partie pianistique est traitée en une polyphonie pleine de nuances, véritable commentaire du poème chanté, Schumann exprima aussi, dans son oeuvre pour piano, tous les aspects de la sensibilité romantique, de la gaieté populaire à l’angoisse onirique», peut-on lire dans le Robert.


Entre la radio et la thèse

Actuellement, Pierre Vachon est un peu tiraillé entre ses occupations d’étudiant et d’animateur. En principe, il devrait déposer sa thèse d’ici la fin de l’année, mais son travail au micro l’accapare. «Un emploi permanent à Radio-Canada, il ne faut pas y penser parce que la Société ne crée plus de postes, résume-t-il. Mais j’aimerais bien obtenir un contrat pour une émission régulière, à l’année. Je dois donc être très disponible. Toutefois, pour terminer ma rédaction, je devrai mettre les bouchées doubles.»

Le matin de la rencontre avec Forum, l’étudiant et animateur enregistrait la présentation d’un concert de l’ensemble I Musici de Montréal. Un travail qui exige de lui une excellente diction, mais qui ne fait pas appel à ses plus grandes forces. «Ce que j’aime, c’est rendre l’histoire vivante. La radio nous permet de faire un travail pédagogique formidable. J’ai animé l’an dernier une série d’émissions avec des grands interprètes comme Jean-Pierre Rampal, Renata Scoto et Carlo Maria Giulini. Des entrevues en profondeur d’une durée d’une heure et demie. Ces documents sonores témoignent de la vie de ces artistes. J’ai aussi plusieurs idées de thèmes pour des documentaires radiophoniques.»

Très intéressé par les musiciens canadiens, Pierre Vachon a publié au début de l’année une biographie de la cantatrice Emma Albany dans la collection Célébrités canadiennes (Lidec). Il a bien d’autres projets… s’il parvient à finir sa thèse.

Mathieu-Robert Sauvé