Une
odeur de découverte
Le
dermatologue Antranik Benohanian a mis au point un produit contre
la sudation abondante.
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Le
pharmacien Yetvart Paylan tient dans sa main un pot de 50
gr du produit contre la sudation excessive mis au point
par le Dr Antranik Benohanian, dermatologue à lhôpital
Saint-Luc du CHUM. |
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À la veille
de subir une chirurgie pour éliminer son problème de
transpiration excessive (phénomène appelé «hyperhidrose»),
une jeune femme de 28 ans consulte en dernier recours le Dr Antranik
Benohanian. Le dermatologue de lhôpital Saint-Luc du CHUM
a alors lidée de lui prescrire du chlorure daluminium
dans un gel hydroalcoolique salicylé. Quelques jours plus tard,
la sudation de la patiente est sous contrôle et lintervention
chirurgicale est annulée.
«Le chlorure daluminium, généralement associé
à une solution déthanol dans les produits antihyperhidrose,
est très asséchant et peut parfois causer des irritations
intolérables, souligne le Dr Benohanian. Quant à lacide
salicylique en gel, plus doux et mieux toléré, il était
utilisé dans le traitement de lacné du thorax
il y a 20 ans. Jai simplement eu lintuition de mettre
le chlorure daluminium dans ce gel plutôt que dans lalcool.
Ces deux produits navaient jamais été combinés.
Il ne restait plus quà modifier les concentrations selon
la région affectée, la gravité du cas et la tolérance
de la patiente.»
Ce quil ne dit pas, cest que sa découverte fait
de plus en plus parler delle. Un article paru lannée
dernière à la une du Medical Post rapportait
le taux de succès élevé de la formule élaborée
par le dermatologue: 90% pour lhyperhidrose aux aisselles, 80%
pour celle aux pieds et 60% pour la sudation excessive des mains.
Depuis, des confrères médecins lui envoient chaque semaine
des dizaines de cas similaires. Mais comment sexplique un si
bon résultat?
«Le chlorure daluminium a des propriétés
antisudorifiques bien connues, mais il est trop acide pour un usage
général. Cest pourquoi il nest pas utilisé
dans la fabrication des antisudorifiques habituels, explique le Dr
Benohanian. Le gel dalcool, moins irritant quune solution
hydroalcoolique, est un produit idéal pour contenir le chlorure
daluminium. Combiné à lacide salicylique,
il facilite labsorption du chlorure daluminium par la
peau, même dans les régions des mains et des pieds où
la couche cornée empêche normalement laccès
aux glandes eccrines. Lhyperhidrose est mieux contrôlée
parce que lacide salicylique est aussi un agent qui atténue
la sécrétion de la sueur.»
Comme un thermostat
La transpiration est un phénomène naturel qui permet
à notre corps de maintenir une température au-dessous
de 37,4 ¼C. Lorsque la température corporelle dépasse
un certain degré, lhypothalamus, siège des récepteurs
thermosensibles, envoie linformation au cortex. Le cerveau ordonne
alors au système nerveux sympathique dactiver les trois
millions de glandes eccrines situées un peu partout sur le
corps.
«On parle dhyperhidrose lorsque la quantité de
sueur produite par les glandes eccrines sélève
au-delà du volume requis pour la thermorégulation, affirme
le dermatologue. Ce dérèglement affecte environ 1% de
la population. Dans 90% des cas, laffection est située
aux aisselles, dans la paume des mains et sur la plante des pieds.
Lhyperhidrose plantaire saccompagne souvent de bromidrose,
caractérisée par la présence de bactéries
qui agissent sur la sueur et provoquent la mauvaise odeur.»
La sudation abondante à ces endroits est appelée «hyperhidrose
primaire», localisée ou parfois même émotionnelle,
car elle est plus souvent déclenchée par lanxiété
et la peur que par une élévation de la température
ambiante, ajoute le Dr Antranik Benohanian. Lhyperhidrose généralisée,
beaucoup plus rare, est habituellement le signe dune maladie
sous-jacente: diabète sucré, cancer, défaillance
cardiaque, etc.
Pour linstant, on ne connaît pas encore très bien
la physiopathologie de la transpiration abondante. Lhyperhidrose
est un domaine encore peu étudié et beaucoup de questions
demeurent sans réponses. Selon le dermatologue, il pourrait
sagir dun problème génétique, car
la majorité des personnes qui en souffrent font état
dantécédents familiaux.
La gratitude lui suffit
«Il nexiste aucun mot pour décrire comment je me
sens. Le produit du Dr Benohanian ma transformée. Après
seulement deux applications, le miracle sest produit: ma transpiration
abondante aux aisselles a cessé. Une nouvelle vie commence
pour moi, car maintenant je suis bien dans ma peau», confie
à Forum Jeanne Bélanger.
Des témoignages comme celui-là, le Dr Benohanian en
reçoit chaque semaine. Cest que lhyperhidrose est
un handicap gênant, parfois invalidant, qui peut causer préjudice
et inconfort à lindividu. Sans compter les coûts
liés à lusure accélérée des
vêtements par la sueur acide et les risques dengelures
aux pieds en hiver.
Pourtant, les gens qui en sont atteints hésitent souvent à
consulter un médecin. Seules les personnes souffrant dune
forme grave dhyperhidrose cherchent une solution à leur
problème. Mais les traitements reconnus sont peu nombreux et
parfois très coûteux.
Mme Bélanger en sait quelque chose. Cette dame âgée
de 53 ans, qui utilise depuis quelques mois la formule mise au point
par le Dr Benohanian, a essayé au cours des 12 dernières
années divers produits sur le marché. «Jétais
moi-même crédule devant les bienfaits de ce gel
miracle. Mais au bout de quelques semaines, jai dû
me rendre à lévidence: le gel est de beaucoup
supérieur à tous les autres produits, notamment pour
ce qui est de lefficacité, de léconomie
de temps et du prix.»
Le dermatologue a-t-il pensé à faire breveter sa découverte?
«Jy ai déjà songé, mais, étant
donné la faible prévalence de lhyperhidrose, je
ne sais pas si cela serait rentable pour une compagnie pharmaceutique.
De toute façon, je ne suis pas un entrepreneur. Limportant,
cest le bien-être de mes patients. Leur gratitude est
plus que suffisante!»
Le Dr Benohanian a tout de même demandé au fabricant
du gel de produire la préparation à grande échelle,
mais la commercialisation na pas été autorisée
par Santé Canada, car le produit navait pas fait lobjet
dune étude clinique. Depuis, les résultats concluants
dune recherche scientifique ont été publiés
dans læ
Une société pharmaceutique américaine sintéresse
à la découverte et tente de commercialiser le produit.
Dominique
Nancy
Faut-il
cacher ou éliminer les odeurs?
«Quatre-vingt-dix pour cent des adultes se servent quotidiennement
dun produit cosmétique sous leurs aisselles. Aux États-Unis,
les antisudorifiques et les déodorants constituent la troisième
classe en importance parmi les produits destinés aux soins
personnels, après les savons et les shampoings. La vente de
ces produits atteint plusieurs milliards de dollars.»
Pour le Dr Antranik Benohanian, dermatologue à lhôpital
Saint-Luc du CHUM, le marketing des odeurs mène la population
par le bout du nez. En témoigne lutilisation abusive
des déodorants et antisudorifiques. Avec une bonne hygiène,
dit-il, on na pas besoin de ces produits. En tout cas, pas plus
dune fois par semaine. Cest que la sueur, activée
par les glandes eccrines situées un peu partout sur le corps,
ne sent rien! Lodeur fétide qui, parfois, peut se dégager
sous les aisselles et les pieds est causée par laction
des bactéries sur la sueur. Un problème qui est facilement
enrayé avec du savon.
Mais la société actuelle tolère de moins en moins
les mauvaises odeurs pas plus que linconfort et la laideur
dailleurs. Doù la vogue des antisudorifiques et
déodorants. Comment agissent ces produits? «Les déodorants
sont des produits conçus pour diminuer ou supprimer lodeur.
On utilise un agent antimicrobien pour combattre lodeur ou encore
un parfum pour la masquer, explique le dermatologue. Les antisudorifiques
atténuent la sécrétion de la sueur en créant
un bouchon qui bloque le processus de transpiration. Ce bouchon est
essentiellement composé de sels à base daluminium.»
Le chlorhydrate daluminium existe dans la plupart des antisudorifiques
vendus sur le marché, ajoute le Dr Benohanian. Sa concentration
est plus élevée dans les antisudorifiques que dans les
déodorants.
D.N.