La
géographie des cancers chez lenfant révèle
une distribution aléatoire
Les
bassins de la Chaudière et de la Saint-François paraissent
par contre suspects.
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La
pollution de leau et les pesticides pourraient être
en cause dans létiologie du cancer de lencéphale
et de la leucémie, estime Jean-François Émard. |
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Une équipe
de chercheurs du CHUM, subventionnée par le Centre de recherche
de lhôpital Sainte-Justine, vient de réaliser le
premier atlas québécois de géographie médicale
spécialement consacré aux maladies chez les enfants.
Dirigé par le Dr Parviz Ghadirian, de lUnité de
recherche en épidémiologie du CHUMHôtel-Dieu,
louvrage présente la distribution géographique
des cancers les plus fréquemment observés chez les enfants
de moins de 15 ans selon les données recueillies entre 1984
et 1993.
«Le but de cette méthode nest pas de trouver des
explications, mais de décrire la situation, de faire émerger
des schémas géographiques permettant de formuler des
hypothèses étiologiques», explique Jean-François
Émard, chercheur au CHUMHôtel-Dieu et principal
auteur de létude.
Sept formes de tumeurs malignes ont ainsi été cartographiées:
les cancers des os, du rein, de lencéphale, des ganglions
(lymphomes de Hodgkin et non Hodgkin) et du sang (leucémies
lymphoïde et non lymphoïde). Ces cancers représentent
70 % de tous les cancers qui affectent les enfants.
Distribution aléatoire
Au total, 1570 cas (toutes formes confondues) ont été
enregistrés au cours de la période étudiée.
De ce total, les deux formes de leucémie comptent pour 725
cas, ce qui en fait la forme de cancer de loin la plus fréquente.
Lanalyse de la distribution géographique de lensemble
des cancers montre une répartition aléatoire. Quant
à la distribution particulière de chacun, le faible
nombre de cas ne permet pas dobserver de différences
statistiquement significatives entre les régions.
Toutefois, deux dentre elles se démarquent sur lune
des cartes et deux facteurs environnementaux sont montrés du
doigt. Le bassin de la Saint-François, en Montérégie
et au centre du Québec, ainsi que celui de la Chaudière
présentent une incidence de cancers de lencéphale
proportionnellement plus élevée que celle de lensemble
du territoire québécois.
Jean-François Émard insiste pour souligner que, selon
les chiffres, il sagit là dun effet du hasard.
Géographe de formation, il ne peut toutefois sempêcher
de se questionner sur les liens possibles avec lenvironnement.
«La carte de distribution du cancer de lencéphale
montre que les régions les plus touchées suivent le
parcours de ces deux rivières, ce qui indique un lien possible
entre ce cancer et la pollution de leau.»
Le bassin de la Saint-François compte plusieurs usines agroalimentaires,
des manufactures et des usines de pâtes et papiers qui ont été
à lorigine de déversements de matières
organiques et toxiques avant et pendant les années de la collecte
des données. Des mesures correctives auraient été
apportées depuis.
La Chaudière, qui coule sur des terres agricoles, pourrait
être polluée dune façon comparable.
Par ailleurs, la distribution spatiale des cas de leucémie
montre une incidence proportionnelle élevée dans les
régions rurales, notamment en Montérégie, dans
les Laurentides et dans Lanaudière, bien que là encore
les données soient non statistiquement significatives. Les
auteurs de létude attirent lattention sur le lien
que dautres travaux ont déjà établi entre
pesticides et cancer dans les zones rurales. Lépandage
ne serait pas le seul facteur; le travail dun parent dans une
usine de produits servant à la fabrication de pesticides pourrait
mettre lenfant ou le ftus en contact avec certains antigènes
cancérigènes.
Que les corrélations ne soient pas statistiquement significatives
peut avoir un certain côté sécurisant. «On
sattendait à une incidence plus forte en Montérégie
à cause de limportance des pesticides, mais il est rassurant
de constater que le taux est plus faible que prévu. Il faut
toutefois veiller à ce que le taux de leucémie soit
encore abaissé.»
Selon M. Émard, les pronostics sont encourageants: «Avec
le temps, la situation saméliore; lincidence est
relativement stable pour lensemble des cancers, et le taux de
mortalité diminue.»
Les garçons plus que les filles
Cette étude de géocancérologie a aussi fait ressortir
dautres corrélations plus fortes. Par exemple, le taux
de cancer plus élevé chez les garçons que chez
les filles:
des 1570 cas inclus dans létude, 898 (57 %) concernent
les garçons et 672 (43 %) les filles.
Ce sont les deux formes de leucémie et les deux formes de lymphome
qui sont les principaux responsables de cette fréquence plus
élevée. Les garçons représentent en effet
56 % des cas de leucémie lymphoïde, 66 % des cas de lymphome
de Hodgkin et 75 % des lymphomes non Hodgkin. Le facteur aggravant
pour les garçons pourrait être de nature génétique,
mais rien ne permet pour linstant de laffirmer.
Létude confirme également une autre corrélation
déjà connue mais tout aussi mystérieuse: il y
a plus de cas de leucémie dans les milieux socioéconomiquement
forts. Aux yeux de Jean-François Émard, ce fait nest
pas facile à comprendre et plusieurs hypothèses seraient
à explorer, comme lallaitement, lalimentation ou
des causes virales.
Les chercheurs proposent de poursuivre les recherches en géocancérologie,
notamment à laide de méthodes de modélisation
des risques.
Daniel
Baril