Volume 35 numéro 8
23 octobre
2000


 


Une grosse bille roule-t-elle plus vite qu’une petite?
Le professeur Marcel Thouin apporte sa contribution à l’enseignement des sciences.

Selon Marcel Thouin, professeur de didactique des sciences à la Faculté des sciences de l’éducation, le manque de formation et de culture scientifiques chez les étudiants en formation des maîtres est le résultat d’un enseignement déficient au secondaire et au collégial.

«Peut-on retourner un verre qui contient de l’eau sans que celle-ci se renverse? L’air chaud prend-il plus de place que l’air froid? Les roches sont-elles toutes aussi dures?» On peut facilement répondre par oui ou par non à ces questions. Mais comment expliquer à des enfants les phénomènes qui s’y rattachent?

C’est à ce défi que s’attaque Marcel Thouin, professeur de didactique des sciences à la Faculté des sciences de l’éducation, dans Problèmes de sciences et de technologie pour le préscolaire et le primaire. Publié aux Éditions MultiMondes, l’ouvrage s’adresse d’abord aux étudiants de ces programmes d’enseignement, mais aussi aux enseignants et parents qui cherchent des activités faciles à réaliser pour aborder les concepts de base des sciences et de la technologie. Quelque 300 questions liées à 12 thèmes, dont la matière, les forces et les mouvements, la lumière et le son, la chaleur et la température, sont traitées dans ce livre.

«Il s’agit d’un recueil d’exercices, à faire seul ou en équipe, qui visent la résolution de problèmes par les enfants, signale le professeur. Il se distingue des nombreuses publications qui proposent aux petits des jeux et des énigmes scientifiques par son approche à la fois ludique et pédagogique. Par différents types d’activités, l’élève parvient ainsi à une meilleure compréhension du travail scientifique.»

Par exemple, pour la question «Une grosse bille roule-t-elle plus vite vers le bas d’une pente qu’une autre plus petite?» l’adulte mettra à la disposition du jeune quelques billes en verre de différentes grosseurs, une planche en bois, une montre et un rapporteur d’angles. Un des exercices suggérés consiste à incliner la planche à 10° et à laisser rouler, chacune leur tour, une grosse et une petite bille en calculant le temps qu’elles prennent pour aller d’une extrémité à l’autre. L’expérience est ensuite répétée avec des plans inclinés de 20°, 30° et 40°.

«L’objectif est d’amener l’élève à réaliser que la vitesse avec laquelle une bille roule vers le bas d’une pente ne dépend pas de son poids, mais de l’attraction gravitationnelle de la Terre, indique M. Thouin. Pour chacun des problèmes, des indications sont données au sujet du degré de difficulté de l’activité, de la durée prévue, du matériel requis, de la sécurité et de l’évaluation des apprentissages.»


Améliorer l’enseignement

Pour Marcel Thouin, il est essentiel de tenir compte des conceptions des élèves, sinon l’enseignement des sciences conduit à des connaissances superficielles et vites oubliées. On doit, dit-il, d’abord vérifier ce que l’élève pense et, ensuite, susciter chez lui l’envie de trouver la réponse au problème. Comment? En mettant l’enfant dans des situations concrètes qui exigent une plus grande créativité et davantage d’initiative de sa part, répond le professeur. Les idées, erronées ou incomplètes, se mesurent alors à la réalité observée, qui elle fait surgir un doute. C’est cette insatisfaction qui enclenche le processus de recherche.

«Malheureusement, l’enseignement des sciences se fait souvent de façon dogmatique, affirme M. Thouin. On apprend aux élèves des recettes sans même tenter de leur faire comprendre les phénomènes. Cette méthode a pour effet d’entraîner une perte d’intérêt pour les disciplines comme la biologie, la géologie, la physique, l’astronomie et la chimie. D’ailleurs, plusieurs étudiants en formation des maîtres ont un profil en sciences humaines et manquent de connaissances scientifiques, déplore-t-il. Et pourtant, ils devront consacrer environ deux heures par semaine à l’enseignement des sciences!»

Ces lacunes ne touchent pas que les futurs enseignants: le niveau des connaissances scientifiques est relativement bas dans l’ensemble de la population. Selon le professeur Thouin, il faut améliorer la transmission des savoirs en sciences dès le préscolaire et le primaire si l’on veut bonifier la culture scientifique. La situation devient urgente: environ 50% de la population canadienne croit que le Soleil tourne autour de la Terre! Un grand nombre de personnes pensent aussi que les aurores boréales sont la conséquence de la réflexion de la lumière sur les glaciers alors qu’il s’agit en fait d’un phénomène électrique.

«Et c’est sans compter les mythes dans le domaine de la santé: essayez de convaincre un parent qu’un refroidissement n’a rien à voir avec le fait d’attraper un rhume!»

D’après Marcel Thouin, le grand public ne considère pas les sciences et la technologie comme faisant partie de la culture au sens traditionnel du terme. Cela a des répercussions fâcheuses, car la compréhension d’une foule de problèmes sociaux, comme la conservation de l’environnement et les manipulations génétiques, nécessite un certain bagage scientifique. La conception de la culture ne peut plus être uniquement axée sur les arts; plusieurs problèmes impliquent des décisions politiques.»


Internet: peu formateur

Par son ouvrage de démystification, Marcel Thouin fait oeuvre utile: il apporte notamment sa contribution à une meilleure démocratisation du savoir scientifique. Problèmes de sciences et de technologie pour le préscolaire et le primaire est rempli d’idées amusantes et originales qui susciteront l’intérêt et la curiosité des petits comme des grands.

«Tous les modules comportent des problèmes de divers niveaux et n’exigent que du matériel très simple, peu coûteux et facile à trouver, fait valoir l’auteur. Ce n’est pas un livre de trucs qui se limite à révéler des “vérités”. Il démontre plutôt qu’il existe plusieurs approches ou solutions possibles pour expliquer les phénomènes.»

Même si M. Thouin n’est pas en faveur d’un enseignement basé sur la science-spectacle, il estime nécessaire de faire intervenir l’humour à l’occasion. Par contre, il déplore l’importance accordée à l’ordinateur et à Internet, outils peu formateurs pour l’enseignement des sciences, selon lui. «Le ministre de l’Éducation a dépensé des centaines de millions pour équiper les écoles et les brancher sur le Web, alors qu’il existe des lacunes majeures dans la formation des enseignants.»

D’autres priorités discutables attisent aussi la frustration. Il en va ainsi du matériel de base nécessaire aux expériences et manipulations, encore insuffisant dans de nombreux établissements scolaires. «Certaines écoles n’ont même pas de loupe ni d’aimant, s’insurge M. Thouin. Et pourtant, on n’arrête pas de parler de sciences et de technologie dans le discours officiel!»

Dominique Nancy


Marcel Thouin, Problèmes de sciences et de technologie pour le préscolaire et le primaire, Montréal, Éditions MultiMondes, 1999, 664 pages.