Une
grosse bille roule-t-elle plus vite quune petite?
Le
professeur Marcel Thouin apporte sa contribution à lenseignement
des sciences.
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Selon
Marcel Thouin, professeur de didactique des sciences à
la Faculté des sciences de léducation,
le manque de formation et de culture scientifiques chez
les étudiants en formation des maîtres est
le résultat dun enseignement déficient
au secondaire et au collégial. |
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«Peut-on
retourner un verre qui contient de leau sans que celle-ci se
renverse? Lair chaud prend-il plus de place que lair froid?
Les roches sont-elles toutes aussi dures?» On peut facilement
répondre par oui ou par non à ces questions. Mais comment
expliquer à des enfants les phénomènes qui sy
rattachent?
Cest à ce défi que sattaque Marcel Thouin,
professeur de didactique des sciences à la Faculté des
sciences de léducation, dans Problèmes de sciences
et de technologie pour le préscolaire et le primaire. Publié
aux Éditions MultiMondes, louvrage sadresse dabord
aux étudiants de ces programmes denseignement, mais aussi
aux enseignants et parents qui cherchent des activités faciles
à réaliser pour aborder les concepts de base des sciences
et de la technologie. Quelque 300 questions liées à
12 thèmes, dont la matière, les forces et les mouvements,
la lumière et le son, la chaleur et la température,
sont traitées dans ce livre.
«Il sagit dun recueil dexercices, à
faire seul ou en équipe, qui visent la résolution de
problèmes par les enfants, signale le professeur. Il se distingue
des nombreuses publications qui proposent aux petits des jeux et des
énigmes scientifiques par son approche à la fois ludique
et pédagogique. Par différents types dactivités,
lélève parvient ainsi à une meilleure compréhension
du travail scientifique.»
Par exemple, pour la question «Une grosse bille roule-t-elle
plus vite vers le bas dune pente quune autre plus petite?»
ladulte mettra à la disposition du jeune quelques billes
en verre de différentes grosseurs, une planche en bois, une
montre et un rapporteur dangles. Un des exercices suggérés
consiste à incliner la planche à 10° et à laisser
rouler, chacune leur tour, une grosse et une petite bille en calculant
le temps quelles prennent pour aller dune extrémité
à lautre. Lexpérience est ensuite répétée
avec des plans inclinés de 20°, 30° et 40°.
«Lobjectif est damener lélève
à réaliser que la vitesse avec laquelle une bille roule
vers le bas dune pente ne dépend pas de son poids, mais
de lattraction gravitationnelle de la Terre, indique M. Thouin.
Pour chacun des problèmes, des indications sont données
au sujet du degré de difficulté de lactivité,
de la durée prévue, du matériel requis, de la
sécurité et de lévaluation des apprentissages.»
Améliorer lenseignement
Pour Marcel Thouin, il est essentiel de tenir compte des conceptions
des élèves, sinon lenseignement des sciences conduit
à des connaissances superficielles et vites oubliées.
On doit, dit-il, dabord vérifier ce que lélève
pense et, ensuite, susciter chez lui lenvie de trouver la réponse
au problème. Comment? En mettant lenfant dans des situations
concrètes qui exigent une plus grande créativité
et davantage dinitiative de sa part, répond le professeur.
Les idées, erronées ou incomplètes, se mesurent
alors à la réalité observée, qui elle
fait surgir un doute. Cest cette insatisfaction qui enclenche
le processus de recherche.
«Malheureusement, lenseignement des sciences se fait souvent
de façon dogmatique, affirme M. Thouin. On apprend aux élèves
des recettes sans même tenter de leur faire comprendre les phénomènes.
Cette méthode a pour effet dentraîner une perte
dintérêt pour les disciplines comme la biologie,
la géologie, la physique, lastronomie et la chimie. Dailleurs,
plusieurs étudiants en formation des maîtres ont un profil
en sciences humaines et manquent de connaissances scientifiques, déplore-t-il.
Et pourtant, ils devront consacrer environ deux heures par semaine
à lenseignement des sciences!»
Ces lacunes ne touchent pas que les futurs enseignants: le niveau
des connaissances scientifiques est relativement bas dans lensemble
de la population. Selon le professeur Thouin, il faut améliorer
la transmission des savoirs en sciences dès le préscolaire
et le primaire si lon veut bonifier la culture scientifique.
La situation devient urgente: environ 50% de la population canadienne
croit que le Soleil tourne autour de la Terre! Un grand nombre de
personnes pensent aussi que les aurores boréales sont la conséquence
de la réflexion de la lumière sur les glaciers alors
quil sagit en fait dun phénomène électrique.
«Et cest sans compter les mythes dans le domaine de la
santé: essayez de convaincre un parent quun refroidissement
na rien à voir avec le fait dattraper un rhume!»
Daprès Marcel Thouin, le grand public ne considère
pas les sciences et la technologie comme faisant partie de la culture
au sens traditionnel du terme. Cela a des répercussions fâcheuses,
car la compréhension dune foule de problèmes sociaux,
comme la conservation de lenvironnement et les manipulations
génétiques, nécessite un certain bagage scientifique.
La conception de la culture ne peut plus être uniquement axée
sur les arts; plusieurs problèmes impliquent des décisions
politiques.»
Internet: peu formateur
Par son ouvrage de démystification, Marcel Thouin fait oeuvre
utile: il apporte notamment sa contribution à une meilleure
démocratisation du savoir scientifique. Problèmes
de sciences et de technologie pour le préscolaire et le primaire
est rempli didées amusantes et originales qui susciteront
lintérêt et la curiosité des petits comme
des grands.
«Tous les modules comportent des problèmes de divers
niveaux et nexigent que du matériel très simple,
peu coûteux et facile à trouver, fait valoir lauteur.
Ce nest pas un livre de trucs qui se limite à révéler
des vérités. Il démontre plutôt
quil existe plusieurs approches ou solutions possibles pour
expliquer les phénomènes.»
Même si M. Thouin nest pas en faveur dun enseignement
basé sur la science-spectacle, il estime nécessaire
de faire intervenir lhumour à loccasion. Par contre,
il déplore limportance accordée à lordinateur
et à Internet, outils peu formateurs pour lenseignement
des sciences, selon lui. «Le ministre de lÉducation
a dépensé des centaines de millions pour équiper
les écoles et les brancher sur le Web, alors quil existe
des lacunes majeures dans la formation des enseignants.»
Dautres priorités discutables attisent aussi la frustration.
Il en va ainsi du matériel de base nécessaire aux expériences
et manipulations, encore insuffisant dans de nombreux établissements
scolaires. «Certaines écoles nont même pas
de loupe ni daimant, sinsurge M. Thouin. Et pourtant,
on narrête pas de parler de sciences et de technologie
dans le discours officiel!»
Dominique
Nancy
Marcel Thouin, Problèmes de sciences et de technologie
pour le préscolaire et le primaire, Montréal, Éditions
MultiMondes, 1999, 664 pages.