Comme
le disait si bien Wen zi
Spécialiste
de la philosophie chinoise ancienne, Charles Le Blanc vient de traduire
un texte important du taoïsme tout en éclairant le mystère
de ses origines.
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Lanalyse
du Wen zi proposée par Charles Le Blanc a été
très bien reçue par les spécialistes
de la question au récent congrès international
des études asiatiques et nord-africaines. |
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Pour la plupart
dentre nous, la philosophie chinoise ancienne se résume
à un nom, Confucius. Pour quelques-uns, Lao zi (ou Lao-tseu)
est associé à lorigine du taoïsme. Mais qui
a jamais entendu parler de Wen zi?
Wen zi, ou le maître raffiné, était un contemporain
de Confucius et probablement un disciple de Lao zi, le vieux maître.
Loeuvre qui porte son nom a marqué le taoïsme tardif
et se trouve au centre dune polémique chez les spécialistes
de cette philosophie. Toutefois, cette oeuvre est demeurée
jusquici inédite en Occident.
Mais comme on trouve de tout dans une université, même
des gens pour traduire dobscurs textes chinois, nous avons à
lUniversité de Montréal notre spécialiste
de la question, Charles Le Blanc, qui a été le premier
à traduire le Wen zi en langue occidentale en plus deffectuer
une analyse philologique et philosophique de textes modernes et anciens.
Le taoïsme
On a toujours suspecté le Wen zi moderne dêtre
un faux. Des doutes sérieux subsistent à propos de son
auteur, de sa date et des idées quil contient.
«Pour la philosophie taoïste, explique Charles Le Blanc,
la nature et lunivers sont gouvernés par des principes
métaphysiques invisibles qui sont les seules sources de création
reconnues. Laction humaine est alors dépréciée;
ce qui importe, cest datteindre le non-être, qui
est la source de tout. Ce nest que parvenu à ce point
quon devient véritablement créateur, quon
peut ne rien faire et ne rien laisser qui ne soit fait.
Le chef doit ainsi donner limpression au peuple que cest
la nature qui agit à travers lui.»
Devant ce principe fondamental, le Wen zi apparaît réformateur:
«Il délaisse les principes métaphysiques pour
la sagesse appliquée et réhabilite laction humaine,
souligne le professeur. Les philosophes de lépoque étaient
en fait des conseillers des rois; ils se basaient sur leurs principes
philosophiques pour guider les programmes politiques et militaires
des souverains.»
Mais le Wen zi moderne est écrit sous forme de dialogue
non pas entre un philosophe et un roi mais entre deux philosophes,
Wen zi lui-même et Lao zi. Ces personnages ont vécu au
6e siècle avant notre ère alors que les experts chinois
estiment que le Wen zi a été écrit entre
le 2e et le 7e siècle de notre ère.
En 1973, une découverte archéologique a apporté
de nouvelles données. Quelque 277 tiges de bambou, marquées
de 2790 caractères, ont été mises au jour dans
un tombeau à Dingxian, à 200 km à lest
de Beijing. Ces artéfacts, datant du 4e siècle avant
notre ère, savèrent être des passages du
Wen zi moderne.
Plusieurs rouleaux de ces tiges de bambou reliées comme des
clôtures à neige ont servi de combustible à des
pillards. «Heureusement, ce qui reste est bien préservé,
mentionne Charles Le Blanc. Le bambou se conserve bien et les caractères
sont non seulement inscrits à lencre noire mais gravés
sur le bois.» Il a tout de même fallu 22 ans à
12 chercheurs pour reconstituer le texte, qui na été
publié quen 1995.
Un gouvernement efficace
La contribution de Charles Le Blanc est davoir effectué
une étude comparative du texte commun avec le Wen zi moderne
et celui sur bambou, et davoir traduit en français ces
deux textes qui ne lavaient jamais été dans une
langue occidentale.
«Nous sommes en présence de deux oeuvres différentes,
estime-t-il. Sur le texte de bambou, le dialogue se tient entre Wen
zi et le roi Ping; le roi pose des questions et Wen zi y répond
à la lumière des principes taoïstes. Le Wen
zi moderne apparaît comme une oeuvre syncrétique
dont seulement le tiers serait emprunté au Wen zi ancien.
Un autre tiers aurait été emprunté à un
autre courant taoïste du 2e siècle avant notre ère,
le Huainan zi, alors que le reste pourrait provenir de diverses
sources ou de lauteur lui-même.»
Le dialogue entre le philosophe et son roi révèle des
préoccupations aussi contemporaines quéternelles:
comment assurer un gouvernement efficace, comment garder le pouvoir
politique et militaire, comment gagner le coeur du peuple. Si nos
politiciens se mettaient au taoïsme, ils pourraient peut-être
y trouver des trucs pour la prochaine élection.
Les amateurs de philosophie chinoise qui veulent tout savoir sur le
Wen zi pourront prendre connaissance de lanalyse de Charles
Le Blanc dans un volume quil vient de publier aux PUM, Le
Wen zi à la lumière de lhistoire et de larchéologie.
Selon lauteur, les parties synthétiques sont accessibles
à tout néophyte intéressé par le taoïsme
alors que les parties analytiques sadressent à une clientèle
plus érudite.
Daniel
Baril