La
lourde mission des enseignants en science
40%
de la population ne posséderait pas les préalables pour
maîtriser la pensée scientifique.
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«Les
enseignants en science doivent faire quelque chose pour
combattre le fléau des pseudosciences», soutient
Serge Larivée. |
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Les enseignants
en science au primaire et au secondaire ne luttent pas à armes
égales contre les tenants des pseudosciences qui séduisent
leurs élèves et court-circuitent leurs efforts. Leur
vigilance doit donc être dautant plus grande.
Cest le message que lançait Serge Larivée, professeur
à lÉcole de psychoéducation, aux membres
de lAssociation des professeurs de sciences à leur congrès
tenu les 12, 13 et 14 octobre à la Faculté des sciences
de léducation.
Ces enseignants ont fort à faire puisque, de tous les groupes
de professionnels, il semble que ce soit parmi les enseignants du
primaire et du secondaire quon retrouve le plus haut taux de
croyance aux pseudosciences. Une étude française montre
par exemple que 65 % des instituteurs croient au paranormal, contre
20 % chez les agriculteurs. Selon Serge Larivée, le phénomène
serait le même au Québec. «Les enseignants agissent
comme des courroies de transmission de ces croyances», affirme-t-il.
Un fait social entretenu
Mais ils ne sont pas les seuls: une étude effectuée
auprès des étudiants en sciences à lUniversité
de Nice montre que 68 % dentre eux croient à la torsion
de fourchettes par la pensée, alors que seulement 18 % croient
à la théorie dEinstein sur la dilatation du temps.
Même les membres du Mensa, ce club sélect de gros QI,
ny échappent pas: 51 % dentre eux croient à
la divination et 73 % à la télépathie.
Serge Larivée a dailleurs rappelé la présence
de contenus pseudo-scientifiques, comme le balancement des chakras
et linconscient collectif jungien soumis à linfluence
des planètes, dans certains programmes universitaires.
«La croyance au paranormal est un fait social et léducation
ny change rien», constate-t-il. Il a même recensé
pas moins de 307 approches proposant autant dexplications pseudoscientifiques
toutes plus séduisantes les unes que les autres, allant de
la numérologie à lhoméopathie en passant
par le port de casquettes doublées de papier daluminium
pour éviter que les extraterrestres lisent nos pensées!
Sil ne sagissait que dun fait social, cela pourrait
ne pas être très grave en soi. Mais le professeur sindigne
lorsquil constate que linclusion du paranormal dans les
manuels scolaires a été, entre 1988 et 1995, une consigne
donnée par le ministère de lÉducation aux
producteurs de manuels.
«Les enfants sont sans défense devant le merveilleux,
souligne-t-il. Si lon met sur le même pied science et
pseudoscience, on les empêche de tracer la ligne entre les deux
et lon alimente la pensée magique. Comme disait Pierre
Foglia, on en fait de futurs clients de Jojo Savard. Vous devez faire
quelque chose pour combattre ce fléau», a-t-il lancé
à son auditoire.
Dispositions naturelles et pensée formelle
Pour lutter contre un tel ennemi, les enseignants en science nont
que la méthode scientifique comme arme. Le combat nest
pas facile puisque cette méthode, contrairement au paranormal,
est difficile à acquérir, peu emballante et demande
des efforts constants. Pour Serge Larivée, elle nest
dailleurs pas quelque chose de naturel ou de spontané
chez lhumanoïde bipède qui a très bien vécu
sans cet outil jusquà il y a à peine 500 ans.
Comme autres embûches, il y a le fait que lêtre
humain se satisfait de ses propres croyances, puisquelles sont
le produit de son cerveau, plutôt que de chercher à saisir
les lois de la nature. Les croyances lui fournissent également
le sens dont il a besoin pour vivre en équilibre. De plus,
dans la perception du réel, les émotions priment sur
la raison. «Cest pourquoi les faits opposés aux
croyances paranormales ne parviennent pas à renverser ces croyances»,
constate Serge Larivée.
La méthode scientifique sapprend donc au prix de gros
efforts. «Pour maîtriser cette approche, il faut contrôler
les instruments cognitifs de la pensée formelle qui permettent
détablir des schèmes de proportion, de probabilité,
de corrélation, de même que lanalyse combinatoire
et le raisonnement hypothétique et déductif»,
explique le professeur.
Ces habiletés cognitives sont nécessaires pour comprendre,
par exemple, le fonctionnement dun circuit électrique,
la mécanique de Newton ou le tableau des éléments
chimiques. Mais selon les travaux de Serge Larivée, conformes
à dautres études américaines, chez 40 %
de la population ces structures cognitives sont insuffisamment développées
pour permettre daccueillir les contenus scientifiques.
Loin de vouloir décourager son auditoire en présentant
la mission comme impossible, Serge Larivée a surtout voulu
démontrer limportance dêtre proactif pour
résister à lattraction naturelle du paranormal
et à son envahissement dans lenseignement primaire et
secondaire. Les prétentions des pseudosciences doivent être
déconstruites par la confrontation avec les faits; ce rôle
de chien de garde revient, à son avis, aux enseignants en science
puisque cest surtout dans cet enseignement que les schèmes
de la pensée formelle peuvent être développés.
Daniel
Baril
Formation
des enseignants en science et Maison des technologies
Cest le vice-recteur à la recherche, Alain Caillé,
qui est également président de lACFAS, qui a prononcé
le mot douverture au congrès de lAssociation des
professeurs de sciences.
M. Caillé en a profité pour présenter la position
de lUniversité de Montréal concernant le projet
de politique scientifique du ministre Rochon, projet qui aborde notamment
la question de la formation des enseignants en science. LUniversité,
de même que lACFAS, souhaiterait revenir à la formule
davant 1990, cest-à-dire que la formation de ces
enseignants comprenne un baccalauréat dans une discipline scientifique,
complété par une année de pédagogie pouvant
être une année de maîtrise.
Actuellement, la formation universitaire en enseignement couvre deux
disciplines en deux ans, terminée par une année de pédagogie
et une année de stage.
«Notre position ne correspond pas aux orientations du ministère
de lÉducation, mais elle a été bien reçue
par le ministre Rochon», a fait savoir M. Caillé.
Le vice-recteur a également annoncé la création
prochaine, dans le cadre du projet de Technopole-Montréal,
de la Maison des technologies de formation et dapprentissage.
«Il sagira dun lieu délaboration doutils
informatiques destinés à lenseignement et à
lapprentissage des sciences, des mathématiques et du
génie. La Maison verra également au transfert technologique
de ces outils vers les utilisateurs et servira de lieu de rencontre
et de partage entre la communauté universitaire et les autres
ordres denseignement.»
Déjà 10 M$ ont été consentis par la fondation
DeSève à ce projet.
D.B.