La
mondialisation ne rend pas la nation inutile
La
question canado-québécoise a dominé le débat
douverture des 13es Entretiens Jacques-Cartier.
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Bernard
Landry, Raymond Barre, Bob Rae et Philippe Séguin
sont daccord: les politiciens ont encore un rôle
à jouer malgré la mondialisation. |
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Événement
plutôt rare, quatre politiciens se sont montrés unanimes
au débat douverture des 13es Entretiens Jacques-Cartier
le 3 octobre dernier. Bernard Landry, vice-premier ministre du Québec,
Bob Rae, ex-premier ministre de lOntario, Raymond Barre, maire
de Lyon et ancien premier ministre de France, et Philippe Séguin,
député et ancien président de lAssemblée
nationale française, sont daccord pour dire que la mondialisation
des marchés ne rend pas lidée de nation dépassée
ni son rôle inutile.
Pour Bob Rae, loin de rendre lÉtat caduc, la mondialisation
montre limportance de mesures sociales fortes, dun État
plus efficace et plus ouvert, laissant davantage de pouvoir aux citoyens.
Par contre, il est tout aussi illusoire, à son avis, de penser
quil faut résister de toutes ses forces à ce courant
parfois décrit comme le triomphe du capitalisme et de lhomogénéité.
Linterdépendance des nations lui apparaît plus
importante que la souveraineté et les sociétés
fondées sur le nationalisme auraient plus de difficultés
à sadapter aux changements actuellement en cours que
les sociétés multiculturelles.
Le vice-premier ministre du Québec, Bernard Landry, a pour
sa part mis laccent sur le sentiment dappartenance et
la notion didentité qui passent nécessairement
par la nation. «La solidarité a besoin du repère
de la nation pour sexprimer, a-t-il soutenu. Même dans
lEurope intégrée, la démocratie sexerce
dabord et surtout à léchelle nationale.
Sans institution nationale, la mondialisation risque de conduire à
lanarchie.»
Une idée sur laquelle a renchéri Philippe Séguin:
«La démocratie et la solidarité nécessitent
un sentiment communautaire fort pour accepter la volonté de
la majorité et la lutte contre la pauvreté; ce sentiment
est assuré par la nation. La nation nest pas la victime
obligée de la mondialisation, mais le passage obligé.»
Contrairement au discours dominant, lidée de nation lui
semble même porteuse de valeurs progressistes.
Raymond Barre, qui a déjà présidé le Conseil
de lUnion européenne, a souligné que cette institution
supranationale, avec ses lois antitrusts et sa monnaie commune, se
veut une réplique à la mondialisation, à lhomogénéité
et à la monnaie unique, qui serait le dollar américain.
Aux États-Unis, le procès contre Microsoft est un exemple
qui montre, à ses yeux, que lÉtat continue davoir
un rôle important à jouer malgré la mondialisation.
Bref, les politiciens sont daccord pour dire que la mondialisation
ne les rendra pas inutiles. Mais personne na souligné
que leurs pouvoirs se rétrécissent au fur et à
mesure quaugmente le pouvoir de ceux qui dirigent le marché.
Landry contre Rae
Le consensus sest arrêté à lutilité
de la nation alors que le débat a rapidement glissé
sur la question constitutionnelle canadienne. En critiquant lapproche
nationaliste, Bob Rae avait en fait tendu une perche à Bernard
Landry, perche que celui-ci sest empressé de saisir.
«Le Canada manque de vision lorsquil considère
le Québec comme une simple province, a déclaré
M. Landry. Contrairement à lOntario, qui nest pas
une nation et qui ne revendique pas dÉtat, le Québec
est une nation qui réclame son État.» Le vice-premier
ministre ne voit pas comment une Sheila Copps, même bien intentionnée,
pourrait défendre, au Sommet des Amériques, la culture
de Gilles Vigneault.
Bob Rae a dit quil reconnaissait le caractère distinct
du Québec, tel que le définissait le projet du lac Meech,
mais que la souveraineté nétait jamais quelque
chose dabsolu et quelle ne lui paraissait pas un enjeu
fondamental dans le contexte de la mondialisation.
Le ping-pong constitutionnel a duré un bon moment sans que
les invités français puissent vraiment intervenir dans
ce sport national, pas plus que le public dailleurs. Alors que
les files sétiraient devant les micros, seulement deux
interventions ont été acceptées de la salle,
dont lune venant dun autre politicien, Daniel Turp, qui
a ramené le débat sur la querelle Canada-Québec.
Professeur en congé de la Faculté de droit, M. Turp
a souligné que, selon Bob Rae, «la souveraineté
est une notion dépassée lorsquon la revendique,
mais essentielle lorsquon la».
«Le Québec est souverain dans ses domaines de compétence»,
a répondu M. Rae tout en soulignant, de concert avec Bernard
Landry, que leurs positions respectives sur cette question ne risquaient
pas de changer en un après-midi.
Daniel
Baril