Les
neiges du Kilimandjaro
avec un mal de dos
En
2000, Micheline Gagnon remporte le prix de lAssociation canadienne
de biomécanique et atteint le plus haut sommet dAfrique.
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On
aperçoit la plateforme mise au point par léquipe
de Micheline Gagnon. «Cest la grande force de
notre laboratoire», dit-elle. Des capteurs y enregistrent
la moindre pression des pieds, et les volontaires portent
jusquà 35 marqueurs enregistrés sur
vidéo. |
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Cinq ans après
avoir connu des problèmes de dos majeurs qui lont forcée
à être traitée durgence à lhôpital,
Micheline Gagnon a atteint, le 11 août dernier, le sommet du
Kilimandjaro, en Tanzanie. «Jai encore mal au dos, dit
cette professeure du Département de kinésiologie. Mais
je nai jamais plus ressenti de douleurs comme durant mes crises
de 1995.»
Le traitement-choc que cette spécialiste de la biomécanique
sest imposé a de quoi surprendre: la salle de musculation
cinq fois par semaine et la marche en montagne presque chaque week-end
en compagnie de randonneurs expérimentés. Les Adirondacks
et la plupart des hauts sommets de la Nouvelle-Angleterre nont
plus de secrets pour elle. Cest à lâge de
57 ans quelle a décidé daffronter lun
des plus hauts sommets «non techniques» du monde, à
5895 m daltitude. «On dit non technique parce
que lascension ne nécessite pas déquipement
dalpinisme.»
Même si elle a pu compter sur laide de porteurs pour le
transport du matériel, lexpédition na pas
été du gâteau. Dailleurs, seules 7 personnes
parmi les 14 ayant pris le départ ont atteint le sommet. Le
manque doxygène et, surtout, le froid lont fait
souffrir. «Jai souffert dengelures. Je commence
tout juste à récupérer la sensibilité
aux orteils.»
Des souvenirs du sommet? Presque aucun. «Nous avons pris quelques
photos et nous sommes redescendus, car une longue route nous attendait.»
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Le 11 août dernier, Micheline Gagnon a atteint le
sommet du plus haut volcan au monde, le Kilimandjaro. Seuls
7 des 14 marcheurs du groupe ont atteint le sommet. La poussée
finale sest faite en pleine nuit en vue de rallier
lobjectif à laube. |
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Second sommet
Pour luniversitaire, ce nétait pas le premier sommet
de lannée puisquelle avait obtenu, quelques semaines
plus tôt, le prix de lAssociation canadienne de biomécanique
pour lensemble de sa carrière, en reconnaissance de sa
contribution à la discipline. «Cest un prix qui
me fait énormément plaisir, mais javoue que je
me suis demandé en le recevant si cétait le temps
de prendre ma retraite», lance-t-elle en riant.
Plus sérieusement, la fondatrice du Laboratoire de biomécanique
occupationnelle savait que les travaux quelle mène au
sixième étage du CEPSUM jouissaient dune réputation
internationale dans le monde de lergonomie et de la biomécanique,
mais elle nétait pas convaincue dêtre reconnue
parmi ses collègues immédiats. Le prix qui lui a été
présenté au dernier congrès de lAssociation
lui a apporté cette reconnaissance.
Depuis 30 ans, Mme Gagnon fait en sorte que lon connaisse mieux
certains problèmes musculo-squelettiques liés au déplacement
dobjets lourds. Durant les années 80, ses recherches
portaient sur les préposés aux malades qui doivent occasionnellement
soulever des patients. Les efforts déployés causent
très souvent des maux de dos. LInstitut de recherche
en santé et en sécurité du travail (IRSST) a
financé les premières études de Mme Gagnon dès
cette époque et la fait sans interruption depuis. «Nous
avons alors découvert que le seul fait de fractionner une tâche
introduire une pause entre la traction et la poussée,
lorsquune personne retourne un patient alité pouvait
réduire la fréquence des pressions sur la région
lombaire.»
Un laboratoire unique
Tout en élaborant une «banque doutils pour mesurer
les facteurs mécaniques de risque associés au travail»,
Mme Gagnon a mis au point, en collaboration avec lingénieur
Pierre Desjardins, une plateforme munie de capteurs et reliée
à des caméras vidéo. Elle peut ainsi étudier
avec une grande précision les gestes de volontaires placés
en situation de travail. Après létude des préposés
aux malades, son intérêt sest alors porté
sur les manutentionnaires. «Mieux comprendre les problèmes
de dos a toujours constitué un objectif important pour lIRSST,
et les manutentionnaires sont un groupe cible, explique-t-elle. Nous
essayons de dégager les grands principes de la manutention
sécuritaire pour guider les manutentionnaires dans lexercice
de leurs fonctions», résume la biomécanicienne.
Elle a privilégié une approche permettant de comparer
les «experts» et les novices. Plusieurs éléments
les distinguent, dont la façon dincliner les boîtes,
leurs déplacements et la position des épaules. «Lorsquon
observe attentivement les experts manipuler des boîtes de 16
kg par exemple, on constate quils jonglent avec leurs boîtes.
Ils font corps avec elles en quelque sorte. Le novice va plutôt
les manipuler comme un élément étranger. De plus,
le novice garde très souvent le fond parallèle au sol,
contrairement à lexpert.»
Lanalyse fine montre aussi que la façon de se déplacer
joue un rôle dans la réalisation de la tâche; les
experts adoptent des patrons de déplacement différents
des novices, qui conduisent moins à lasymétrie
des postures. La position des épaules est déterminante
pour améliorer la posture: il vaut mieux les garder parallèles
au sol.
«Cette plateforme est réellement la force de notre laboratoire,
signale Mme Gagnon. Si lon mettait bout à bout les heures
que des gens ont passées à perfectionner nos systèmes
de collecte de données, on aurait un siècle de programmation.
Des étudiants ont effectué ici des travaux de maîtrise
et de doctorat qui leur ont valu des prix; nous avons mené
des recherches sur une période de 20 ans. Lexpertise
que nous y avons acquise est unique au monde.»
En tout cas, Mme Gagnon ne parle pas de prendre sa retraite. Et puis,
elle a un autre sommet en tête: lAconcagua, dans les Andes
argentines.
Mathieu-Robert
Sauvé