LAlliance
canadienne et la représentation électorale
Selon
Louis Massicotte, il faut être prudent dans lévaluation
de la popularité du leader Stockwell Day.
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Selon
Louis Massicotte, professeur au Département de science
politique, le vote demeure très régionalisé
au Canada. |
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La venue en scène
de lAlliance canadienne et la disparition, en quelques semaines,
de son prédécesseur, le Parti réformiste, constituent
un changement important du contexte politique au Canada. Mais quen
est-il sur le plan de la représentation électorale?
Louis Massicotte, professeur au Département de science politique
de lUniversité de Montréal, ny voit aucun
écart par rapport au système fédéral.
«Les partis ont le droit de se former librement. Ce nest
pas du tout illégitime», dit-il. Il situe actuellement
à 25% le taux de popularité de la formation de Stockwell
Day; les opposants à lAlliance ne lui accorderaient que
19% dappuis de la part de lélectorat canadien.
Représentation électorale
Sur le plan sociologique, la représentation électorale
se définit comme un résultat électoral offrant
un nombre de sièges proportionnel au vote populaire. On se
préoccupe aussi de savoir si le parti élu compte autant
de femmes que dhommes, si tous les groupes dâge
de même que les minorités ethniques sont bien représentés.
Au point de vue politique, la représentation électorale
sappuie sur le fait que, peu importe quil y ait une représentation
féminine parmi les députés, ceux-ci doivent avoir
été élus par lensemble de la population.
«Une vision de plus en plus battue en brèche»,
signale cependant le politologue.
La Chambre des communes compte actuellement 301 députés.
Ils doivent avoir été élus, suivant le nombre
de voix le plus élevé, indépendamment du nombre
délecteurs dans chaque circonscription. À titre
dexemple, au scrutin de 1997, on comptait 91 867 électeurs
dans la seule circonscription de Berthier-Montcalm, dans la région
de Lanaudière, alors que celle du Nunavut ne regroupait que
12 114 électeurs.
La représentation électorale peut parfois donner lieu
à des surprises. Au Québec, au scrutin de 1998, le chef
libéral Jean Charest a recueilli plus de voix que le premier
ministre Lucien Bouchard. Par contre, le vote libéral trop
concentré dans les circonscriptions anglophones a mené
à la défaite du PLQ qui, en bout de ligne, a raflé
moins de sièges. Même chose en 1966, lorsque le chef
du Parti libéral, Jean Lesage, avait dû concéder
la victoire à son adversaire unioniste Daniel Johnson, à
la surprise générale. «Nous sommes la société
occidentale où ce fait sest produit le plus souvent»,
indique Louis Massicotte.
La carte électorale restera inchangée aux prochaines
élections fédérales. Le site Internet dÉlections
Canada indique que près de 60 circonscriptions ont changé
de nom depuis avril 1997. Cest plutôt lélecteur
qui devra revoir ses choix. «Il ne pourra pas reprendre mécaniquement
son vote des dernières élections. Ça lobligera
à sinformer», soutient le professeur.
La montée de lAlliance canadienne
Pour Louis Massicotte, la capacité, pour lAlliance canadienne,
de rogner sur la majorité du Bloc québécois ou
du Parti libéral pourrait changer la donne. «Cest
la grande question. Pour linstant, les libéraux semblent
avoir résisté au choc, puisquils recueillent toujours
43% des intentions de vote des Canadiens. Mais il ne faudrait pas
que le pourcentage glisse sous cette barre.»
Une fois leffet de surprise passé, le chef de lAlliance,
Stockwell Day, devra faire ses preuves. «Il est vulnérable
à ce chapitre. Je crois que les libéraux vont insister
là-dessus. Si M. Day propose des idées nouvelles sur
le plan fiscal, sa position sur lavortement risque de faire
plus de flammèches. Mais à mon avis, ce
nest pas un homme dextrême droite.» Néanmoins,
Louis Massicotte ne croit pas que lAlliance canadienne effectuera
une percée significative au Québec.
Échiquier politique inchangé
En fait, rappelle le professeur, le vote demeure très régionalisé
au pays. «Jai recommandé le vote proportionnel
parce quau sein du système actuel il se crée une
polarisation officielle. Le mode de scrutin donne limpression
que le pays est divisé. En réalité, il lest
moins quil ny paraît. Le contexte politique est
gelé depuis 1993. Depuis que Jean Chrétien
est au pouvoir, le PLC se maintient en avance dans les sondages. Cest
exceptionnel sur le plan historique.»
Est-ce que le remplacement de Jean Chrétien par Paul Martin
renforcerait le suffrage libéral? «Ça ferait grand
plaisir à un tas de gens», répond le politologue,
tout en émettant une réserve. Hypothétiquement,
la perspective est invitante, mais dans les faits les observateurs
pourraient commencer à trouver des défauts au ministre
des Finances. Il rappelle lexemple de la première ministre
Kim Campbell, portée aux nues après la démission
de lancien premier ministre Brian Mulroney, en 1993, mais qui
a mené le Parti conservateur à lune des plus cuisantes
défaites de son histoire.
Les campagnes électorales du 21e siècle
À la différence des campagnes électorales dautrefois,
où le contact direct et personnel prédominait, les campagnes
daujourdhui se fondent grandement sur les moyens de communication.
«Elles se font à la télévision par le biais
de messages publicitaires. Cest une politique de limage,
basée souvent sur la couleur de la chemise du chef. De plus,
les débats des chefs sont importants parce que les enjeux sont
considérables. Si lun des hommes politiques réalise
une mauvaise performance, la tension est grande. Enfin, les journalistes
sont plus nombreux et plus critiques quauparavant. La relation
entre eux et les hommes politiques est plus hostile; la presse est
un adversaire coriace.»
À la décharge des journalistes, Louis Massicotte souligne
que les partis politiques doivent rendre des comptes à la population
beaucoup plus que par le passé. Dans certains cas, une image
écorchée peut aussi révéler de profondes
lacunes. La presse a abondamment commenté le bonnet qua
coiffé Gilles Duceppe au cours de la campagne électorale
de 1997. Mais de lavis du politologue, elle a aussi levé
le voile sur une tournée qui «navait pas été
préparée de façon experte», sans oublier
le fait que Lucien Bouchard nétait plus à la tête
du parti. Outre la personnalité du chef, le politologue précise
que la victoire dun parti repose sur la plateforme électorale
et sur les candidats locaux.
Enjeux de la prochaine campagne
Selon M. Massicotte, il faudra surveiller lintervention des
tiers partis au prochain scrutin, prévu vraisemblablement au
printemps 2001. «Ces groupes de pression profitent dun
trou dans la loi électorale pour faire entendre leur voix.»
Au cours de la campagne de 1988, le milieu des affaires dans tout
le pays avait diffusé des messages pour inciter la population
à voter en faveur du libre-échange. «La législation
stipule que ces groupes ont le droit dagir ainsi, mais quils
sont soumis à une limite. Cette restriction est justifiée.
Il se pourrait que la Cour suprême, qui ne sest pas encore
prononcée sur la question, tranche en faveur du gouvernement
fédéral.»
Le prochain scrutin fédéral sappuiera par ailleurs
sur le programme des partis et sur la performance de Stockwell Day.
«Jean Chrétien pourrait sen tirer un peu mieux
quon pense», estime le professeur. À ses yeux,
le vote régionalisé profite actuellement au Parti libéral.
La disparition possible du Parti conservateur pourrait aussi réserver
des surprises. «Mon collègue André Blais est formel
sur ce point: le second choix des conservateurs va aux libéraux
en raison de leur vision de lensemble du pays et non à
lAlliance canadienne, dont les préoccupations sont beaucoup
plus liées à celles de lOuest canadien»,
conclut le politologue.
Marie-Josée
Boucher
Collaboration spéciale