Portrait
de la violence chez les adolescents
Le
nombre dagressions a augmenté, mais pas le nombre de
délinquants.
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Labaissement
du seuil de tolérance de la population et la dégradation
des conditions de vie des adolescents judiciarisés
expliqueraient
laugmentation des crimes contre la personne, estime
Marc LeBlanc. |
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Si vous avez limpression
quil y a plus de violence chez les adolescents daujourdhui
que chez ceux dil y a 15 ans, vous navez pas complètement
tort. Mais pour obtenir un tableau plus juste de la réalité,
plusieurs distinctions simposent; laugmentation de la
délinquance ne sobserve pas dans toutes les formes de
violence et le nombre dadolescents violents nest pas nécessairement
plus élevé quauparavant.
Cest ce qui ressort des données sur les adolescents délinquants
recueillies au cours des quatre dernières décennies
et analysées par Marc LeBlanc, de lÉcole de psychoéducation.
Ces données indiquent que, dans les années 1960 et 1970,
les crimes contre la personne représentaient entre 6 et 10%
de lensemble des délits commis par les adolescents. À
partir de 1982, cette proportion est montée en flèche
pour atteindre 21% en 1995. Les voies de fait, qui constituaient 60%
de lensemble des crimes contre la personne en 1980, étaient
passées à 80% en 1995.
Toutefois, les enquêtes et les sondages (statistiques policières
et données autorapportées) effectués auprès
de ces jeunes délinquants montrent quils nétaient
pas plus nombreux à commettre des délits dans les années
1990 que 20 ans plus tôt. De plus, ces enquêtes révèlent
que la fréquence du vandalisme, des vols mineurs et de la rébellion
familiale diminue.
Détérioration des conditions de vie
«Les adolescents violents ne seraient pas plus nombreux aujourdhui
quhier, mais ils agiraient plus souvent aujourdhui»,
en conclut Marc LeBlanc. Le chercheur a voulu cerner les causes de
laugmentation de cette fréquence. À son avis,
la situation économique nen serait pas responsable: «Lappauvrissement
aurait dû occasionner une augmentation des crimes contre les
biens, et ce nest pas ce qui est observé», note-t-il.
Le caractère moins punitif de notre système judiciaire
ne serait pas non plus en cause. «Dans lOuest canadien
et aux États-Unis, le système est plus punitif, mais
on note la même augmentation de la violence. Le phénomène
est mondial.»
Pour le professeur, ce serait plutôt un ensemble de facteurs
liésà la détérioration des conditions
psychologiques des adolescents délinquants, notamment lappauvrissement
de leurs relations interpersonnelles, et laugmentation de la
consommation de drogues quil faudrait montrer du doigt.
«Dans les années 1970, autour de 60% des adolescents
judiciarisés provenaient de familles séparées
et ils sont maintenant 80%. Ceci veut dire moins de discipline, moins
de communication, moins de modèles, plus dimpulsivité
et plus de conflits, souligne M. LeBlanc. De plus, chaque époque
a ses modes de délinquance; celle des années 1990 est
la violence.» La proportion plus grande de néo-Québécois
provenant de pays marqués par une culture plus violente ne
serait pas étrangère à cette mode, avance-t-il.
Un autre facteur majeur serait labaissement du seuil de tolérance
de la population, qui rapporte davantage de délits.
Si laugmentation de la violence est liée à un
ensemble de facteurs conjoncturels, sa prévention passe donc
par des interventions sur plusieurs plans. «Les adolescents
violents sont des délinquants chroniques qui présentent
plusieurs comportements dinadaptation comme le décrochage
scolaire, le vol, la consommation de drogues et la prostitution. La
seule intervention sur le comportement violent au moyen dune
thérapie est insuffisante si, en bout de ligne, ces jeunes
nont pas de travail.»
Dans un article quil publiait dans la revue Criminologie1,
Marc LeBlanc développe davantage cet aspect de la prévention
en définissant divers types dactions dirigées
vers lindividu, le groupe et le milieu.
Les données du professeur permettent de terminer sur une note
optimiste; depuis 1995, la courbe de la violence chez les adolescents
a commencé à piquer du nez et Marc LeBlanc croit quelle
va se stabiliser autour de 14%. «Peut-être la mode est-elle
passée», conclut-il.
Daniel
Baril
1. «Lévolution
de la violence chez les adolescents québécois: phénomène
et prévention», Criminologie, vol. 32, no 1, 1999, p.
162-194. Voir aussi http://www.erudit.org/