Le
taxeur, un délinquant comme les autres
Contrairement
à certaines idées, le taxage nest ni nouveau,
ni particulier au milieu scolaire, ni lapanage dun sous-groupe.
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Selon
les données dAnne-Élyse Deguire, 22%
des adolescents ont été taxés!
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Les médias
relatent régulièrement des histoires de taxage à
lécole, mais le phénomène demeure relativement
méconnu des spécialis-tes et peu documenté. Anne-Élyse
Deguire, étudiante à la maîtrise à lÉcole
de psychoéducation, est en voie de renverser certaines idées
reçues sur ce comportement.
Jusquici, chercheurs et spécialistes avaient tendance
à considérer le taxage comme un geste se distinguant
des autres formes dintimidation, tel le caïdage, ou des
vols avec violence. Lacte a été surtout décrit
en fonction de lobjet volé, qui devait être un
objet de prestige, ou en fonction de son intention, cest-à-dire
daccorder un droit de passage contre lextorsion dune
somme dargent. Il paraissait aussi être la marque dune
sous-culture particulière chez les adolescents, à côté
des skins, des punks, des ravers, des alternatifs et autres sous-groupes.
Taxeurs et taxés
«Avec nos données, cette thèse sociétale
tombe», affirme Anne-Élyse Deguire. Dirigée par
le professeur Marc LeBlanc, létudiante a mené
lune des rares études empiriques sur le sujet et qui
tend à montrer que les taxeurs se distinguent peu de lensemble
des adolescents délinquants.
Les données recueillies auprès de 480 élèves
dune polyvalente et dune école pour adolescents
à troubles comportementaux indiquent que plus de 13% des adolescents
se sont livrés à une forme de taxage et que 22% des
adolescents ont été taxés! Le taxage est évidemment
effectué principalement par des garçons sur des garçons,
victimes et agresseurs âgés de 15 et 16 ans. Entre les
deux écoles ciblées, cest la polyvalente qui a
révélé le plus grand nombre de cas de taxage.
«Mais contrairement à ce que plusieurs pensent, précise
Mme Deguire, lécole est rarement le lieu où se
fait le taxage. Le geste est plus fréquemment commis dans la
rue ou dans les endroits publics où il ny a pas de supervision
dadultes.»
La victime nest pas non plus un malheureux souffre-douleur.
«Dans la moitié des cas, il sagit dun plus
faible dominé par un ou des plus forts, mais dans lautre
moitié des cas le taxé est lui-même un taxeur.
Ceci sexplique par le fait que victimes et agresseurs se tiennent
dans les mêmes lieux et se mettent dans des situations potentielles
dêtre victimes.»
Ce qui est exigé du taxeur est surtout une somme dargent,
des biens qui peuvent se revendre ou de la drogue. Il est très
rare que le taxage porte sur des vêtements de prestige ou de
marques célèbres.
Vol avec violence
Les caractéristiques psychosociales des taxeurs ne les distinguent
pas non plus des autres délinquants; ce sont des jeunes qui
manquent de supervision parentale et qui proviennent de tous les milieux
socioéconomiques. Le comportement sobserve autant chez
ceux qui ne se distinguent pas de la culture dominante que chez ceux
qui affichent clairement leurs couleurs, quils fassent partie
dun groupe ou non.
Lune des seules caractéristiques à distinguer
les délinquants taxeurs est la violence, qui accompagne plus
souvent leurs crimes, alors que les non-taxeurs présentent
une gamme plus étendue de gestes délinquants comme le
vandalisme, le vol par effraction, la rébellion scolaire ou
la consommation de drogues.
«Le taxage ne diffère donc pas des autres formes de vol
avec violence, en conclut létudiante. Le terme est apparu
dans les années 1990, inventé par les adolescents eux-mêmes,
mais ce type de comportement nest pas nouveau.» Lexpression
est dailleurs déjà démodée; les
adolescents ne parlent plus de se faire taxer mais de se faire freezer.
Pour Anne-Élyse Deguire, ceci dédramatise quelque peu
le tableau de la situation: «Le taxage demeure un vol avec violence
commis contre la personne et quil faut prévenir, mais
nous ne sommes pas en présence dun nouveau type de crime.»
Daniel
Baril