Volume 35 numéro 6
2 octobre 200
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Le taxeur, un délinquant comme les autres
Contrairement à certaines idées, le taxage n’est ni nouveau, ni particulier au milieu scolaire, ni l’apanage d’un sous-groupe.

Selon les données d’Anne-Élyse Deguire, 22% des adolescents ont été taxés!

Les médias relatent régulièrement des histoires de taxage à l’école, mais le phénomène demeure relativement méconnu des spécialis-tes et peu documenté. Anne-Élyse Deguire, étudiante à la maîtrise à l’École de psychoéducation, est en voie de renverser certaines idées reçues sur ce comportement.

Jusqu’ici, chercheurs et spécialistes avaient tendance à considérer le taxage comme un geste se distinguant des autres formes d’intimidation, tel le caïdage, ou des vols avec violence. L’acte a été surtout décrit en fonction de l’objet volé, qui devait être un objet de prestige, ou en fonction de son intention, c’est-à-dire d’accorder un droit de passage contre l’extorsion d’une somme d’argent. Il paraissait aussi être la marque d’une sous-culture particulière chez les adolescents, à côté des skins, des punks, des ravers, des alternatifs et autres sous-groupes.


Taxeurs et taxés

«Avec nos données, cette thèse sociétale tombe», affirme Anne-Élyse Deguire. Dirigée par le professeur Marc LeBlanc, l’étudiante a mené l’une des rares études empiriques sur le sujet et qui tend à montrer que les taxeurs se distinguent peu de l’ensemble des adolescents délinquants.

Les données recueillies auprès de 480 élèves d’une polyvalente et d’une école pour adolescents à troubles comportementaux indiquent que plus de 13% des adolescents se sont livrés à une forme de taxage et que 22% des adolescents ont été taxés! Le taxage est évidemment effectué principalement par des garçons sur des garçons, victimes et agresseurs âgés de 15 et 16 ans. Entre les deux écoles ciblées, c’est la polyvalente qui a révélé le plus grand nombre de cas de taxage.

«Mais contrairement à ce que plusieurs pensent, précise Mme Deguire, l’école est rarement le lieu où se fait le taxage. Le geste est plus fréquemment commis dans la rue ou dans les endroits publics où il n’y a pas de supervision d’adultes.»

La victime n’est pas non plus un malheureux souffre-douleur. «Dans la moitié des cas, il s’agit d’un plus faible dominé par un ou des plus forts, mais dans l’autre moitié des cas le taxé est lui-même un taxeur. Ceci s’explique par le fait que victimes et agresseurs se tiennent dans les mêmes lieux et se mettent dans des situations potentielles d’être victimes.»

Ce qui est exigé du taxeur est surtout une somme d’argent, des biens qui peuvent se revendre ou de la drogue. Il est très rare que le taxage porte sur des vêtements de prestige ou de marques célèbres.


Vol avec violence

Les caractéristiques psychosociales des taxeurs ne les distinguent pas non plus des autres délinquants; ce sont des jeunes qui manquent de supervision parentale et qui proviennent de tous les milieux socioéconomiques. Le comportement s’observe autant chez ceux qui ne se distinguent pas de la culture dominante que chez ceux qui affichent clairement leurs couleurs, qu’ils fassent partie d’un groupe ou non.

L’une des seules caractéristiques à distinguer les délinquants taxeurs est la violence, qui accompagne plus souvent leurs crimes, alors que les non-taxeurs présentent une gamme plus étendue de gestes délinquants comme le vandalisme, le vol par effraction, la rébellion scolaire ou la consommation de drogues.

«Le taxage ne diffère donc pas des autres formes de vol avec violence, en conclut l’étudiante. Le terme est apparu dans les années 1990, inventé par les adolescents eux-mêmes, mais ce type de comportement n’est pas nouveau.» L’expression est d’ailleurs déjà démodée; les adolescents ne parlent plus de se faire taxer mais de se faire freezer.

Pour Anne-Élyse Deguire, ceci dédramatise quelque peu le tableau de la situation: «Le taxage demeure un vol avec violence commis contre la personne et qu’il faut prévenir, mais nous ne sommes pas en présence d’un nouveau type de crime.»

Daniel Baril