Les
psychothérapeutes sont-ils des informateurs?
Des
experts internationaux sont attendus à un colloque sur la confidentialité.
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Dianne
Casoni est psychologue et criminologue. Son expérience
en cour lui a permis de publier aux Presses de lUniversité
du Québec un livre sur lexpertise psycholégale
(en collaboration).
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Un homme, dans
le cabinet dun psychologue, affirme quil déteste
son patron et déclare quil veut le tuer. Le thérapeute
doit-il passer outre au secret professionnel et révéler
à la personne visée, voire à la police, lintention
dont il est témoin?
«On a tous, dans un moment dégarement, dit des
choses qui dépassent notre pensée, signale la criminologue
et psychologue Dianne Casoni. Mais il y a généralement
un monde entre la parole et lacte. Le professionnel doit donc
apprendre à discerner laffirmation purement émotive
de la préméditation véritable. Je vous avoue
que ce nest pas facile. Dans tous les cas, il faut sattendre
à vivre avec des doutes.»
En plus de son activité de psychothérapeute, quelle
exerce depuis 1979, Mme Casoni est une experte régulièrement
citée à la cour pour éclairer les magistrats
dans les cas dagressions. Elle est parmi la cinquantaine de
conférenciers qui participeront à un important congrès
intitulé «Confidentialité et société:
psychothérapie, éthique et droit», qui se déroulera
à Montréal du 13 au 15 octobre. Parrainé par
la Société canadienne de psychanalyse, lAssociation
psychanalytique internationale, lAmerican Psychiatric Association
et lAssociation canadienne des psychiatres, ce congrès
multidisciplinaire fera le point sur la question en insistant sur
les moyens de baliser le respect du secret professionnel dans la pratique
de la psychothérapie et de la psychanalyse.
Des experts internationaux ont déjà confirmé
leur présence. Parmi eux le Britannique John Forrester, les
Américains Otto Kernberg, Jonathan Lear, Arnold Modell, Paul
Mosher et Robert Pyles, ainsi que les Canadiens Frederick Lowy, Claire
LHeureux-Dubé, Andrée Lajoie et David Weisstub.
Une confusion règne
«Les psychothérapeutes sont-ils en voie de devenir les
nouveaux informateurs de la société?» demande-t-on
dentrée de jeu dans le document de présentation
de la rencontre. On sait que psychologues et psychiatres sont de plus
en plus sollicités pour des vérifications de contrats
dassurance, dans les procédures de divorce ou de garde
denfants, dans les cas dagressions sexuelles, de poursuites
en déontologie, etc.
Le secret professionnel, par exemple, existe pour protéger
le client. Mais quand un client menace la vie dautrui, cette
protection nest pas absolue. «Dans les cas dagressions
contre les enfants, la loi 24 est très claire: le secret ne
tient plus», signale Mme Casoni.
Il peut arriver que la notion de protection de la vie privée
joue des tours aux intervenants. Ainsi les travailleurs sociaux ne
seront pas avisés quun couple qui a déjà
deux enfants victimes dagressions sexuelles et placés
en famille daccueil vient davoir un troisième enfant.
Sous prétexte de protéger la vie privée des enfants
placés, la Direction de la protection de la jeunesse ne dévoilera
pas ce genre dinformation. Certes, le fait que deux enfants
ont été maltraités ne signifie pas nécessairement
que le troisième le sera également, mais il faut reconnaître
quil sagit dune famille à risque
«Le respect de la confidentialité, cest bien, mais
il règne une confusion autour de certains aspects de ce concept.
Il est important den bien comprendre les enjeux, les tenants
et aboutissants», dit Dianne Casoni.
Pas une science exacte
Pour compliquer les choses, la mémoire est une faculté
qui transforme parfois la réalité. Mme Casoni, qui a
beaucoup étudié le phénomène des allégations
mensongères, relate les conclusions dune commission denquête,
présidée par un professeur de droit de lUniversité
de Montréal, Jean-Louis Gagnon, sur un centre jeunesse de la
région montréalaise où lon soupçonnait
plusieurs adultes davoir commis des agressions sexuelles sur
des mineurs.
Après un an et demi dinvestigations, dinterrogatoires
et de débats dexperts, les commissaires en sont venus
à la conclusion que les enfants navaient pas été
victimes de telles agressions. Il se serait agi dinventions
ou dallégations mensongères.
Un des thèmes du congrès doctobre portera dailleurs
sur les conceptions juridiques et psychanalytiques de la vie privée.
La conférence de Mme Casoni traitera de la mémoire objective
et de la vérité personnelle. «Une vérité
peut être construite à partir dun événement
fictif, dit-elle. Avec le temps, la personne vient à croire
sincèrement une chose qui nest pas vraie. Il est très
difficile dy voir clair. Mais des méthodes rigoureuses
existent.»
En tout cas, la psychologie nest pas une science exacte, conclut
Mme Casoni.
Mathieu-Robert
Sauvé
Colloque «Confidentialité et société: psychothérapie,
éthique et droit», du 13 au 15 octobre, hôtel Omni,
à Montréal. Lentrée est libre pour les
étudiants à temps plein. Information: (514) 288-6533.