Volume 35 numéro 4
18 septembre
2000


 


Certains fruits peuvent accroître le risque de cancer de la prostate
Le Dr Parviz Ghadirian recommande d’augmenter la consommation de légumes verts pour prévenir le cancer de la prostate.

Parviz Ghadirian

Il est généralement admis que la consommation de végétaux à haute teneur en antioxydants (carotène, vitamines C et E, fibre végétale) a un effet préventif sur le développement de différents cancers. Toutefois, les résultats des études concernant l’effet de ces nutriments sur le cancer de la prostate sont plutôt ambigus, certains montrant une diminution du risque et d’autres une augmentation.

Une recherche épidémiologique effectuée auprès de 1253 résidants de Montréal, Toronto et Vancouver (comprenant 617 cas de cancer de la prostate et un groupe contrôle de 636 personnes) vient débroussailler quelque peu la question. L’équipe de chercheurs, dont faisait partie le Dr Parviz Ghadirian, de l’Unité de recherche en épidémiologie du CHUM–Hôtel-Dieu, a étudié les habitudes alimentaires des patients et du groupe contrôle tout en prenant en considération d’autres facteurs de risque comme la vasectomie, le tabagisme et l’indice de masse corporelle. Il en ressort une corrélation inverse significative entre la consommation de légumes verts (pois, épinards, céleri, laitue, etc.), de tomates, de légumineuses et de crucifères (famille du chou et du brocoli) et le développement d’un cancer de la prostate.

C’est la consommation de légumes verts qui est accompagnée de l’effet le plus marqué, soit une diminution de 46% du risque. La diminution du risque associée à la consommation de tomates est de 36%, alors que celle associée aux fèves, lentilles et noix ainsi qu’aux crucifères est de 31%. Pour les légumes verts, l’effet serait probablement dû à la carotène, alors que dans le cas des fèves et des noix il serait attribuable aux phytoestrogènes.


Fruits et fibres: danger

Par ailleurs, la même étude a montré une augmentation du risque de cancer de la prostate associée à la consommation de fruits. Alors que les fruits sont généralement réputés pour diminuer les risques de cancer, ils auraient un effet aggravant de l’ordre de 51% sur le cancer de la prostate.

Cette donnée ne surprend pas le Dr Ghadirian. «Plusieurs autres études ont aussi montré un risque plus élevé associé aux fruits», souligne-t-il. Une étude hawaïenne a fait ressortir une telle association avec la consommation de papayes alors qu’une recherche menée aux Pays-Bas faisait de même avec la consommation d’oranges. Ces deux fruits sont à forte teneur en cryptoxanthine et c’est ce nutriment, pourtant antioxydant, qui serait la cause de l’augmentation du risque.

De plus, contre toute attente, l’étude épidémiologique a montré que la consommation de céréales à grains entiers est associée à une augmentation du risque alors que la consommation de pain de farine raffinée est corrélée avec un taux de risque plus faible.

Ces corrélations indiquent que l’interaction entre l’alimentation et le cancer de la prostate diffère de ce qui est observé dans les autres formes de cancer, soulignent les chercheurs.

Le Dr Ghadirian ne va toutefois pas jusqu’à recommander de s’abstenir de consommer des fruits ou des fibres puisqu’ils ont des effets préventifs sur les autres cancers. Il conseille plutôt d’augmenter la consommation de légumes verts.
Une autre hypothèse avancée par le chercheur met en cause les pesticides: «Il pourrait y avoir plus de pesticides utilisés dans la culture des fruits que dans celle des légumes et de futures recherches devraient prendre en considération ce facteur.»

Daniel Baril