Volume
35
numéro 4
18 septembre 2000
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Pharmacienne
sans frontières
Diane
Lamarre enseigne, dirige une pharmacie très spéciale
et assure la formation de spécialistes en Bosnie et au Kosovo.
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«Cette professeure
constitue pour nous un modèle à suivre.» «Cest
grâce à des personnes comme elle que la pharmacie est
ce quelle est aujourdhui.» «La professeure
ma beaucoup stimulée et incitée à vouloir
devenir une pharmacienne de qualité. À chaque cours,
jétais impressionnée par ses connaissances.»
Voilà ce que les étudiants disent de Diane Lamarre,
qui a gagné au printemps dernier le prix dexcellence
en enseignement de lUniversité de Montréal dans
la catégorie des chargés de cours. Une reconnaissance
que cette pharmacienne accepte avec plaisir, mais qui honore une seule
de ses multiples personnalités.
En réalité, Diane Lamarre a trois vies en plus de ses
fonctions denseignante: elle gère une mini-chaîne
de pharmacies quelle a fondée sur la rive sud de Montréal,
elle assure la formation de pharmaciens dans des pays ravagés
par la guerre comme la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo, et
elle fait de la télévision. En effet, à Canal
Vie, à TVA et à la station communautaire Vidéotron,
elle a participé à plus de 300 émissions à
titre de chroniqueuse au cours des dernières années.
«Jestime quil est de notre devoir de communiquer
nos connaissances, dit-elle. Le médicament nest pas un
bien de consommation ordinaire.»
Les 1400 pharmacies communautaires du Québec on les
appelle des «officines» en France sont appelées
à prendre de limportance dans la vie quotidienne de la
population. «Les gens y viennent avant daller voir leur
médecin et après leur consultation; ils y assurent leur
automédication. Chaque personne a une expérience à
raconter au sujet de son pharmacien.»
Pas
que des vendeurs
Malheureusement, les pharmaciens sont encore, trop souvent, perçus
comme des intermédiaires entre les médecins et leurs
clients, de simples vendeurs de pilules. Diane Lamarre se bat depuis
20 ans pour transformer cette image et lon peut penser quelle
y est parvenue, du moins dans son milieu. La pharmacie quelle
a ouverte aux Jardins intérieurs de Saint-Lambert, par exemple,
et qui a fait déjà plusieurs petits (voir lencadré),
est un modèle du genre. On y assure une garde 24 heures par
jour et l«opinion pharmaceutique» (un acte rémunéré
par le ministère de la Santé et des Services sociaux)
y est courante.
«Peu de gens le savent, mais un pharmacien peut faire parvenir
une note dexpert au médecin concernant la médication.
Elle peut porter sur les effets secondaires, les interactions médicamenteuses,
etc.»
Négociée en 1978 par lAssociation des pharmaciens
propriétaires et le ministère, lopinion pharmaceutique
est une particularité québécoise qui fait actuellement
lobjet détudes dans dautres pays. Cet acte,
qui permet aux pharmaciens de diversifier leurs sources de revenus,
était très peu popularisé avant 1992. Cette année-là,
tout juste 25 pharmaciens avaient réclamé leur dû
pour quelque 400 opinions. Le processus de réclamation a été
allégé depuis et, lan dernier, plus de 55% des
1400 pharmacies communautaires du Québec avaient produit une
opinion. On en a répertorié 15,343.
La population qui vieillit, la disponibilité croissante des
médicaments et notre mode de vie trépidant font en sorte
que les pharmaciens jouent de plus en plus un rôle dexpert.
«Avec le réseau Internet, la population est plus que
jamais inondée dinformation. Le pharmacien demeure pourtant
la personne la plus apte à aider les gens à sorienter.»
Pharmaciens dans laprès-guerre
Cest à la suite dun voyage dans les Balkans dune
de ses étudiantes, Chantal Saint-Arnaud, que Diane Lamarre
entend parler de lorganisation Pharmaciens sans frontières
(PSF). Elle décide de faire partie dune mission qui comprendra
quatre séjours en Bosnie-Herzégovine afin de former
les pharmaciens. «Tout est à refaire là-bas, même
les lois.»
À la première séance de formation, en juillet
1998, 25 pharmaciens étaient présents. Le groupe était
composé de Serbes, de Croates et de musulmans, comme lexige
lOrganisation mondiale de la santé, qui finance ces formations.
La dernière séance, en mars 1999, sest déroulée
devant 130 personnes, en pleine assemblée générale
des pharmaciens de Bosnie. La langue de communication? Langlais,
le langage des gestes et le serbo-croate. «Seule une partie
de lauditoire comprend langlais. Je fais donc traduire
mes transparents en serbo-croate et je me mets des points de repère
sur ma feuille. Si je les échappe, je suis fichue.»
«Le miracle sest produit, écrit Yves Chicoine,
vice-président de PSF Canada dans sa lettre de recommandation
pour le prix dexcellence en enseignement: faire collaborer ensemble
des pharmaciens ennemis au plus grand profit dune
population divisée et considérablement en retard dans
ses connaissances sur les soins et les technologies modernes de santé.»
M. Chicoine, qui a eu loccasion dassister à un
séminaire de Mme Lamarre à lautomne 1998, ne tarit
pas déloges sur cette «grande universitaire humanitaire».
Le 24 septembre, Mme Lamarre part pour une nouvelle mission au Kosovo.
Elle sattend à découvrir un pays moins bien organisé
que la Bosnie, mais elle croit quil y régnera une détermination
semblable de reconstruction. «Ce que cette expérience
ma apporté? La certitude quil ny a pas de
gagnants dans une guerre. Jai côtoyé des gens de
toutes les origines. Tous ont perdu quelque chose durant les conflits.
Un membre de leur famille, des amis, une jambe. La plupart ont compris,
je crois, limportance de la tolérance.»
Mathieu-Robert
Sauvé
Une
pharmacie plus proche des gens
Chez «Diane Lamarre, pharmacienne», dans les Jardins intérieurs
de Saint-Lambert, on trouve des salles de consultation éclairées
aux lampes halogène. Cest là que, lors du passage
de Forum, une cliente est venue déposer son sac contenant
15 boîtes de pilules et trois piluliers remplis de comprimés.
La pharmacienne a dabord écouté la personne, puis
a classé les médicaments selon leur famille et vérifié
les interactions. «Le nombre de médicaments nest
pas le facteur le plus important, signale Mme Lamarre au journaliste
après le départ de la cliente. Une seule pilule peut être
de trop. Mais on a des patients qui doivent avaler 10 médicaments
par jour, dont absolument aucun de trop.»
Aux Jardins intérieurs, la pharmacienne ou lune de ses
employées sont disponibles 24h par jour. «Nous faisons
même des visites à domicile», précise la chargée
de cours à la Faculté de pharmacie. Les résidants
des Jardins sont si satisfaits des services de leur pharmacienne que
sa réputation sest étendue à dautres
établissements. Aujourdhui, trois résidences pour
personnes âgées à Brossard et à Longueuil
ont une succursale de la pharmacie de Saint-Lambert, de même que
la maison Victor-Gadbois, spécialisée en soins palliatifs.
Y aura-t-il une chaîne qui fera concurrence à Jean Coutu?
«Des gens croient la chose possible, répond en riant Mme
Lamarre. Moi, je nai pas cet objectif. Quand jai ouvert
ma pharmacie, en 1990, je me disais que cétait facile les
beaux principes quand on na pas les deux pieds dans la vraie vie.
Je rêvais alors dune pharmacie proche des gens, pas seulement
destinée à la vente de médicaments.»
M.-R.S.
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