Mettre
la recherche au service de la santé de la population
Telle
est la finalité première des IRSC
|
Louise
Nadeau, professeure au Département de psychologie,
vient dêtre nommée vice-présidente
du conseil dadministration des IRSC. |
|
«Pour vraiment
faire progresser la santé, il est essentiel de tenir compte
à la fois des déterminants sociaux, des neurosciences,
de la génétique, de limmunité et de lorganisation
des soins», a déclaré en entrevue à Forum
Louise Nadeau, professeure au Département de psychologie. Mme
Nadeau, qui est vice-présidente du conseil dadministration
des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), ajoute
que cétait dailleurs là lune des principales
constatations du Forum national sur la santé. Ce forum, organisé
par Santé Canada et auquel elle-même a participé
ainsi que les professeurs Pierre-André Contandriopoulos (Administration
de la santé) et Marc Renaud (Sociologie), a remis son rapport
en 1997.
«La seule façon de vraiment améliorer la santé
dune population est de travailler sur tous ces volets en même
temps, observe Mme Nadeau. Il faut donc sortir la recherche médicale
de ces systèmes encapsulés qui font que les gens ne
se parlent pas.»
En effet, à quoi bon, par exemple, investir beaucoup dargent
dans la recherche pour mettre au point les meilleurs antibiotiques
au monde sils cessent rapidement dêtre efficaces
parce que des médecins les prescrivent à tort et à
travers à des enfants en bas âge?
Recherche
intégrée
«Il est essentiel de se soucier des applications cliniques dune
découverte», affirme Louise Nadeau. Elle donne un autre
exemple dans un domaine quelle connaît bien, celui de
la toxicomanie.
Les recherches sur le fonctionnement du cerveau, des neurotransmetteurs
tout particulièrement, ont permis de mieux comprendre le phénomène
de la dépendance. Ces travaux ont aussi conduit à la
conception de nouvelles molécules qui diminuent le besoin obsédant
dalcool ou de certaines drogues.
«Prenons la méthadone, poursuit-elle. Son utilisation
nest pas intégrée à tous les échelons.
Elle nest pas disponible dans certaines régions du Québec.
De plus, on sait maintenant que la méthadone seule est moins
efficace quun travail psychosocial daccompagnement.»
Les travaux sur lefficacité des traitements sont donc
des repères pour lorganisation des services, ce qui permet
aux intervenants daméliorer leur pratique clinique. Les
guides de pratiques éprouvées (best practices), qui
existent dans tous les secteurs de la santé, sont donc le résultat
direct de la recherche clinique et évaluative, précise
Mme Nadeau. «Avec la diffusion actuelle des connaissances, on
peut espérer que, dans un délai relativement court,
de nouvelles pratiques probantes, issues des travaux de recherche,
seront mises en application dans tous les secteurs de la santé.
Il ne sagit donc pas de faire de la recherche pour faire de
la recherche, mais plutôt de mener une recherche intégrée
qui vise lévolution de la recherche biomédicale
fondamentale vers des pratiques cliniques dont les résultats
sont évalués pour être ensuite améliorés
afin den arriver à de meilleurs soins et à des
pratiques préventives efficaces.»
Loups
solitaires
Les IRSC ne constituent pas une menace pour la recherche libre, puisquil
y aura toujours de la place dans ces instituts pour les loups solitaires
(lonely wolf), assure Mme Nadeau. Parce quil faut conserver
un espace où peut sépanouir la créativité,
dit-elle en pensant à William Harvey qui, au 17e siècle,
a découvert le fonctionnement de la circulation sanguine, ce
qui lui a valu dêtre considéré comme un
fou jusquà la fin de ses jours.
Y a-t-il loin de la coupe aux lèvres? «Oui parce que
les mentalités ont encore besoin dévoluer. Non
parce quil y a une loi et que les Instituts seront évalués
daprès ce texte, qui est dune grande transparence»,
répond la psychologue. Mais comme il y a maintenant plus dargent
investi dans la recherche, aucun secteur nest perdant.
Dans un établissement comme lUniversité de Montréal,
où le volet de la santé est très fort, les fonds
de recherche rendus ainsi disponibles vont attirer de nouveaux professeurs
et de nouveaux étudiants, pense Louise Nadeau. «Consacrer
plus dargent à la recherche est la seule façon
de garder nos chercheurs parce quils sont prêts à
accepter des salaires moindres pourvu que les fonds de recherche ne
leur soient pas versés au compte-gouttes. Ils veulent avoir
les moyens daccomplir leur travail, quel que soit leur ameublement.»
Quant aux chercheurs, ils continueront, comme auparavant, de soumettre
leurs demandes de subvention, lesquelles seront toujours évaluées
par un jury de pairs.
Par contre, les Instituts ont la responsabilité de trouver,
chacun dans leur secteur, les mesures à prendre pour assurer
lintégration de la recherche à tous les échelons:
en lançant un nouveau programme de bourses, en organisant un
symposium, en créant un partenariat avec un organisme public
ou bénévole ou encore lentreprise privée,
etc.
Chercher
les lacunes
«Grâce aux Instituts, on va sassurer, tout au long
du continuum, de découvrir les lacunes et dessayer de
comprendre ce qui ne va pas. La seule chose que les Instituts ne feront
pas, cest de prendre la relève du système de soins.
Ce sera aux régies régionales dassumer leurs responsabilités.»
Par exemple, imaginons quun chercheur obtienne une subvention
pour effectuer des recherches sur le sommeil et qui se retrouve rattaché
à lInstitut sur les neurosciences. LInstitut constate,
à la lumière de ces recherches ou autrement, que les
troubles du sommeil touchent particulièrement les personnes
âgées. Il peut alors établir une collaboration
avec lInstitut sur le vieillissement afin détudier
plus à fond la question, cerner les problèmes qui en
découlent et voir sil y a suffisamment de chercheurs
pour étudier le phénomène. Si, au contraire,
lInstitut constate un retard dans lavancement des recherches,
il peut prendre des mesures pour remédier à la situation
en lançant un programme de bourses.
Les mandats des 13 premiers instituts ne sont pas très détaillés
pour linstant. Ils se préciseront à mesure que
les instituts arriveront à maturité et quils collaboreront
entre eux ainsi quavec dautres partenaires, explique Louise
Nadeau. Les directeurs de ces instituts, qui doivent être nommés
prochainement, auront là un rôle déterminant à
jouer.
«Le conseil dadministration des IRSC ne veut pas dicter
aux directeurs des instituts la façon dont ils doivent atteindre
leurs objectifs», insiste toutefois la psychologue. De plus,
chaque institut aura sa personnalité propre en fonction de
ses partenaires, qui seront tantôt des sociétés
pharmaceutiques, tantôt dimposants organismes bénévoles
comme la Fondation des maladies du coeur et la Société
canadienne du cancer.
Françoise
Lachance