L'automne
Tousignant
Deux
expositions de lartiste photographe et universitaire Serge Tousignant
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Lartiste
Serge Tousignant travaille à partir de maquettes.
Celles-ci sont exposées au Centre dexposition
jusquau 24 septembre. |
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Photographier
quelques bâtons plantés dans le sable sous le soleil,
produisant avec leur ombre des formes géométriques.
Cette idée, toute simple, a valu à lartiste Serge
Tousignant une renommée internationale. Son nom figure notamment
dans le Whos Who of American Art (États-Unis),
dans le Dictionnaire de lart moderne (France), dans le
Multimedia Dictionary of Modern Art (Angleterre) et dans dautres
publications spécialisées. Encore aujourdhui,
près de trois décennies après quil a réalisé
cette série de clichés, au Canada anglais on surnomme
«the Stickman» le professeur du secteur des arts plastiques
du Département dhistoire de lart.
«On ma souvent demandé si ces photos étaient
truquées, commente lartiste, interviewé par Forum
au moment de laccrochage de ses uvres au Centre dexposition
de lUniversité de Montréal, qui présente
jusquau 24 septembre Indices: maquettes et études
de Serge Tousignant. La réponse est non. Pour moi, cest
très important de ne pas altérer mes négatifs.
Les installations sont faites à partir de bâtons trouvés
dans la nature et abandonnés sur place après la séance
de photographie. Quand les ombres aux formes géométriques
apparaissent sous les bâtons, il faut photographier sans tarder,
car le soleil bouge tout le temps.»
Pour Serge Tousignant, qui se décrit comme un «artiste
photographique», lappareil photo nest pas un témoin
de la réalité mais un interprète subtil, parfois
rusé. À propos de ces jeux dombres, Jean-Pierre
Latour écrit dans le catalogue de lexposition que «lappareil
photographique, assisté du soleil, interprète en figures
cohérentes, par un jeu de projections, le désordre apparent.
Le dispositif mime ainsi lacte de connaissance, la mise en forme
du savoir, comme le nombre ¹ installe une règle surprenante
dans linfinie diversité dimensionnelle des cercles.»
Il faut dire que M. Tousignant a toujours été fasciné
par la perception visuelle. Au début de sa carrière,
avant même dêtre désigné comme photographe,
ses gravures et lithographies illustraient souvent des formes géométriques
créant des illusions doptique. Et quand la photo est
devenue son support favori, il a réalisé des clichés
dun coin de son atelier où il avait collé du ruban
adhésif noir, donnant limpression dun cube. Lobservateur
est perplexe devant luvre finale: voit-il un plafond et
des murs ou un cube suspendu dans le vide?
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Le
Dessin solaire numéro 19, fait à partir de
sept bâtons de bois plantés dans le sable, date de
1980. «Je joue avec la réalité et je men
sers pour construire des espaces et des structures abstraites»,
dit lartiste. |
Une exposition inusitée
Lexposition Indices: maquettes et études est inusitée
en ce sens que les uvres telles quon les voit habituellement
noccupent quun modeste espace; ce sont plutôt les
étapes témoignant du processus créatif qui sont
présentées. Dans le cas des «géométries
solaires», nom savant que lartiste a donné à
ses jeux dombres sur le sable, il sagit dun montage
de planches-contacts et croquis divers qui ont précédé
la réalisation finale.
Cest Gilles Sénéchal, conservateur de la galerie
Séquences, au Saguenay, qui a eu lidée de présenter
les maquettes de Serge Tousignant, de préférence à
ses uvres finales, alors quil furetait dans son atelier
en vue dune exposition collective. Cette initiative a fait du
chemin. Après Jonquière, les maquettes et études
ont été exposées à différents endroits
au Canada, de Moncton à Winnipeg. Lexposition présentée
par le Centre dexposition de lUniversité de Montréal
reprend lessentiel de cette présentation itinérante,
mais compte plusieurs pièces inédites. «Le lieu
permet daccrocher un plus grand nombre duvres, précise
M. Tousignant. Des dessins et expérimentations sont présentés
ici pour la première fois.»
Pour Serge Tousignant, qui est professeur à lUniversité
de Montréal depuis 25 ans, cette exposition revêt un
caractère spécial. «Cest un peu comme si
jexposais chez moi. Et puis le Centre dexposition est
un espace magnifique.»
La galerie Graff présente simultanément (du 7 septembre
au 7 octobre) une exposition intitulée Signalements: uvres
formelles et géométriques. Cette fois, ce sont les
sculptures de M. Tousignant qui seront présentées à
la galerie branchée de la rue Rachel.
Requiem pour un pavillon
Depuis le décès de Pierre Granche, Serge Tousignant
est devenu le dernier fondateur du secteur des arts plastiques de
lUniversité de Montréal toujours en poste. Dabord
chargé de cours en 1974-1975, puis professeur, il a vu croître
son secteur, qui compte aujourdhui quelque 80 étudiants.
«Jusquen 1977, nous donnions nos cours à létage
supérieur de la chaufferie, sur le campus de lUniversité
de Montréal. Ensuite, nous avons déménagé
dans le Pavillon Mont-Royal, qui abritait auparavant le Service des
sports.»
Lengagement de Peter Kraus il y a quelques années est
venu parachever un secteur de petite dimension mais apprécié
par les étudiants et le milieu artistique.
Malheureusement, la direction de la Faculté des arts et des
sciences a annoncé que limmeuble de lavenue du
Mont-Royal, vétuste, devrait être libéré
à la fin de la présente année universitaire.
On procède également à un réaménagement
administratif du secteur, et lincertitude plane chez les chargés
de cours, les professeurs et les étudiants. «Si lon
en vient à supprimer notre secteur, cela voudra dire que les
étudiants de la deuxième ville francophone du monde
nauront plus le choix des programmes darts plastiques
dans leur langue. Seule lUQAM pourra leur offrir un tel programme.»
Serge Tousignant est convaincu que la disparition des programmes darts
plastiques (ou leur fusion avec les programmes dhistoire de
lart et détudes cinématographiques) serait
une perte pour le mouvement culturel montréalais. Mais lartiste
est très heureux de son expérience de professeur depuis
25 ans. «Jaime beaucoup enseigner», dit-il. Le fait
davoir poursuivi parallèlement une carrière dartiste
lui a donné une autonomie quil apprécie vivement
aujourdhui. Et les projets ne manquent pas.
Le public est invité aux visites guidées gratuites,
à 12 h 15 tous les jours. Cest Virginie Gitton, étudiante
au baccalauréat en histoire de lart, qui les animera.
Lartiste donnera également une conférence publique
le 13 septembre à 18 h.
Mathieu-Robert
Sauvé