40 ans de théâtre à l'Université de Montréal
Le théâtre de l'Université de Montréal fêtera ses 40 ans en l'an 2000. Michel Forgues, responsable de ce secteur depuis 1997 et par le fait même directeur artistique de la troupe de l'UdeM, ne pouvait s'empêcher d'en faire un événement. "Ce 40e anniversaire se doit d'être l'occasion non d'une mise en quarantaine mais d'une mise en lumière de ce qu'il a été, de ce qu'il est et surtout de ce qu'il sera grâce à vous, spectateurs et acteurs", écrit-il en préambule dans les programmes des spectacles. Le théâtre à l'UdeM, chapeauté par le Service des activités culturelles, ce sont aujourd'hui une dizaine d'ateliers et une troupe, le Théâtre de l'Université de Montréal (TUM), qui survit malgré un contexte de plus en plus austère. "Il y a eu une effervescence très grande à l'Université de Montréal", soutient Michel Forgues, en rappelant les Michel Vaïs, Carole Fréchette, Claude Maher et autres noms clés du milieu théâtral québécois passés par le TUM. "Ils ont fait ici des actes de folie qu'ils refont aujourd'hui ailleurs." L'époque capitale de Lorraine Pintal "J'ai apprivoisé le métier, se souvient l'actuelle directrice du TNM. J'ai touché pour la première fois à du Brecht, j'ai exploré des couleurs de mise en scène qui me suivent encore. Nulle part ailleurs on ne m'aurait permis ça. C'était une chance inouïe." De 1973 à 1976, Lorraine Pintal a donc vécu une époque "capitale", montant des pièces "presque professionnelles" avec des étudiants et dont l'apogée fut les Têtes rondes, tête pointues, de Brecht: un "véritable détournement" du jeu vers la mise en scène pour cette jeune femme qui voulait davantage être comédienne. C'était l'époque où "l'Université avait un impact sur la vie culturelle de Montréal", selon Michel Forgues, où d'autres troupes - La Rallonge, La Manufacture, le théâtre Parminou - cherchaient à jouer sur la scène du Centre d'essai. Un théâtre toujours aussi
audacieux En deux ans, il modifie passablement le visage du secteur: lectures d'oeuvres (lec-TUM), retour des ateliers d'improvisation et de techniques de scène, trois ou quatre "gros" spectacles par année et même du théâtre pour enfants (Petit-TUM). Du jamais vu! Un changement de cap, osé peut-être, mais payant si l'on se fie au succès du Petit-TUM et au bond des inscriptions que connaît la troupe. D'une dizaine de membres vers 1995, les auditions des deux dernières années ont attiré chacune une quarantaine de personnes. Un hic: "Les universitaires nous boudent", clame Michel Forgues. Diplômé de la Faculté de musique, Louis-François Grenier, un des piliers du TUM depuis 1991, déplore que les étudiants se désintéressent du théâtre et de la troupe, alors qu'à ses débuts elle était exclusivement composée d'étudiants. "Le théâtre était très populaire auprès d'eux. Je me souviens d'avoir installé des chaises supplémentaires tellement la salle était pleine." "Mes souvenirs du bac sont ici", dit-il en avouant avoir consacré plus de temps au théâtre qu'à ses études. Si le TUM l'a formé comédien, lui ouvrant en quelque sorte les portes des écoles d'art dramatique, les projets de Michel Forgues l'ont convaincu de revenir à la mise en scène. "Michel m'a permis de sauter la clôture", dit celui qui assiste maintenant aux auditions dans la salle plutôt que sur la scène. "Il faut que les gens du campus prennent conscience qu'ils ont un lieu de culture théâtrale sain et non traditionnel." Pour Michel Forgues, la soirée-bénéfice du 18 novembre, pierre angulaire du 40e anniversaire avec une nouvelle version du Soulier de satin, de Claudel, se veut l'occasion d'inciter les gens à manifester leur soutien au TUM. "Ce ne sera pas juste un hommage au bon vieux temps." Bien que l'époque des Lorraine Pintal soit révolue, le TUM de l'an 2000 donne encore l'occasion à un prometteur metteur en scène comme Louis-François Grenier de s'aventurer dans du Brecht. En mars, il montera un cabaret-spectacle d'après Les sept péchés capitaux des petits bourgeois de l'auteur allemand. Et si un jour on voit une de ses mises en scène ailleurs, c'est qu'il aura suivi les traces d'autres dans le milieu professionnel, y compris celle des gens de sa génération tels Jean-Guy Legault, qui commence à jouer les seconds rôles chez Duceppe, ou Geneviève Billette, auteure du Crime contre l'humanité mise en lecture par le TUM en 1998 et montée à l'Espace Go cet automne. En attendant, le TUM continuera à propager la flamme de l'art dramatique. Pour qu'en 2040, on fête un autre quarantième anniversaire. Jérôme Delgado
Homme de théâtre, Michel Forgues a touché à tout depuis près de 30 ans. Comédien et metteur en scène, enseignant et coordonnateur, il a également adapté des textes pour la scène. Aujourd'hui, à bientôt 50 ans, il est devenu un écrivain très prolifique: une vingtaine d'oeuvres en deux ans, dont deux publications en l'espace de deux mois - L'instant chorégraphi-que, dans Possibles (automne 1999), et Lettres de granite, suivie de Couleur corail, chez Trait d'union (sortie prévue le 15 novembre). Attiré depuis son adolescence par le texte ("ça fait 20 ans que j'écris sans écrire", dit-il), Michel Forgues n'avait pas trouvé le temps et la motivation pour faire parler sa plume. C'est à la suite d'une rencontre et du grand amour qui a suivi qu'il s'est mis enfin à écrire en 1997, laissant sur papier ses sensations, ses réflexions, son vécu. Lettres de granite est en quelque sorte la publication d'une vraie missive amoureuse; Couleur corail, un petit texte lu à l'inauguration du Service d'action humanitaire et communautaire à l'automne 1997, en est la suite. La poésie de Michel Forgues, selon ses propres qualificatifs, est "d'un style hyperréaliste, une abstraction lyrique", se référant constamment à la musique et à la peinture. D'ailleurs, L'instant chorégraphique, brillamment créé par le TUM en décembre 1998, met en scène une femme dans un musée d'art moderne. Très personnels, les textes de Michel Forgues sont des chants poétiques, rythmés, aux propos enflammés. Le Comité permanent sur le statut de la femme lui a commandé un texte pour les cérémonies de commémoration du 6 décembre. Par milliards des oiseaux est une oeuvre pour "14 voix d'hommes et 1 silence de femme, qui écoute", selon l'auteur. Michel Forgues, un jeune écrivain donc, à lire et à écouter. J.D. |