Repenser l'accueil réservé aux nouveaux arrivants
L'École de français reçoit des immigrants
avec une scolarité de niveau universitaire.
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Serge Bienvenu et Nicole Lavergne espèrent
que ce projet pilote deviendra un programme permanent. |
Dans le cadre de son projet pilote de francisation
des nouveaux arrivants, l'École de français de
la Faculté de l'éducation permanente (FEP) a accueilli,
depuis septembre dernier, six groupes de 17 étudiants
originaires de 17 pays. Ce nouveau programme, en lien avec les
nouvelles orientations du ministère des Relations avec
les citoyens et de l'Immigration du Québec (MRCI), est
destiné à des gens qui possèdent une scolarité
de niveau universitaire.
Les objectifs poursuivis conjointement par
le MRCI et la FEP sont de trois ordres: favoriser l'intégration
des étudiants à un milieu universitaire francophone,
leur faire acquérir des notions avancées de français
et leur permettre de poursuivre leurs études dans une
université francophone s'ils décident de parfaire
leur formation.
Créer des conditions favorables
Depuis plusieurs années au Québec, la francisation
des nouveaux arrivants était principalement assurée
par les centres d'orientation et de formation des immigrants
(COFI). Toutefois, il semble que ces structures ne parvenaient
à joindre qu'une partie seulement des personnes immigrantes
en raison de la grande diversité des clientèles.
De plus, les groupes d'étudiants des COFI étaient
souvent composés aussi bien de personnes analphabètes
que de gens plus scolarisés. Dans ces conditions, il était
parfois difficile de créer un climat d'apprentissage pouvant
répondre uniformément aux besoins de tous.
D'une durée de 35 semaines et à
raison de 28 heures par semaine, les cours offerts dans le cadre
du projet pilote de francisation de l'École de français
conduisent actuellement à l'obtention de 30 crédits.
Cependant, la FEP souhaiterait que cette formation puisse éventuellement
être sanctionnée par la délivrance d'un certificat.
"Sans la création d'un véritable
certificat, fait remarquer Serge Bienvenu, coordonnateur des
cours de langues à la FEP, seulement 6 des 30 crédits
obtenus au terme de la formation peuvent être utilisés
par les étudiants dans le cadre d'un cursus universitaire,
les programmes réguliers ne permettant d'inclure que deux
cours hors programme. La création d'un certificat pourrait
également profiter à d'autres clientèles
qui s'inscrivent à des cours de français chez nous.
Plusieurs des étudiants étrangers qui suivent nos
formations préalablement à leur inscription à
un programme régulier seraient fort intéressés
de voir leurs efforts couronnés par l'obtention d'un certificat."
Une affaire de dignité
Pour les diverses clientèles visées par ces cours
de français, il s'agirait là d'un atout considérable
puisque le certificat obtenu pourrait s'inscrire à l'intérieur
d'un baccalauréat (cumul de certificats ou combinaison
avec un majeur). Pour les étudiants du projet pilote,
un tel certificat les aiderait grandement dans la reconnaissance
des équivalences pour les diplômes qu'ils ont obtenus
dans leur pays d'origine. Certains d'entre eux tels les médecins,
les dentistes ou les ingénieurs se voient parfois dans
l'impossibilité de pratiquer leur profession en raison
des critères des différentes corporations professionnelles
auxquels ils ne peuvent répondre en arrivant ici.
Selon Nicole Lavergne, responsable de l'École
de français de la FEP, "nous devons miser sur le
fait que les étudiants qui participent au projet pilote
possèdent déjà une formation de base qu'ils
ont acquise dans leur pays d'origine et qu'ils n'ont ni le désir
ni le temps de tout reprendre à zéro. Les besoins
exprimés par plusieurs d'entre eux sont de devenir fonctionnels
le plus vite possible afin de devenir des membres actifs de notre
société. Pour ces personnes, il s'agit de préserver
ou de regagner une dignité qui, souvent, a été
malmenée par les récents événements
de leur vie."
Une intégration véritable
à la vie universitaire
Ce qui caractérise le projet pilote de francisation de
l'École de français de l'UdeM est notamment le
fait que les étudiants sont mis en contact avec trois
intervenants: un formateur chargé de leur transmettre
les connaissances de base en français, un auxiliaire d'enseignement
avec lequel ils travaillent sur des projets concrets leur permettant
de mettre en pratique les apprentissages nouvellement acquis
et un animateur qui les fait participer à des activités
favorisant leur intégration véritable à
la vie universitaire.
Du Service des sports aux Services de santé,
en passant par la consultation pédagogique et les activités
culturelles, les étudiants se familiarisent avec toute
une panoplie d'outils pour mieux s'intégrer à la
société québécoise par le biais d'une
participation à la vie universitaire. Ils se contentent
dans un premier temps de rencontrer les divers intervenants et
de visiter les lieux où sont offerts les services, puis,
à mesure que leur maîtrise de la langue augmentera,
ils pourront s'en prévaloir de façon autonome.
En plus de faciliter l'intégration
des nouveaux arrivants à la communauté universitaire,
les intervenants du projet pilote entretiennent des liens de
collaboration avec d'autres ressources du quartier. Le CLSC et
des organismes travaillant auprès des clientèles
immigrantes sont consultés afin d'élaborer de meilleures
stratégies qui favorisent l'insertion des personnes et
qui répondent aux problèmes qui ne peuvent être
résolus à l'intérieur des cours de français.
Les nouveaux arrivants font parfois face à
des situations qui nécessitent une intervention psychosociale
plus étroite et qui peuvent, à la limite, compromettre
leurs capacités d'apprentissage. Comme le souligne si
justement Mme Lavergne: "C'est difficile pour un individu
d'être attentif aux notions enseignées s'il a l'estomac
vide ou s'il sait que la vie de certains membres de sa famille
est toujours en danger dans son pays d'origine."
L'avenir du projet pilote
D'après M. Bienvenu, même si le projet pilote n'en
est qu'à ses débuts, les choses se passent plutôt
bien et il aimerait voir s'implanter un programme permanent.
Un premier bilan devrait être effectué en décembre
et permettre au MRCI et aux divers établissements qui
ont mis sur pied des projets similaires (universités,
cégeps et commissions scolaires) d'en évaluer les
impacts réels sur les clientèles.
Si le programme de la FEP facilite l'intégration
des nouveaux arrivants à la société québécoise,
l'accueil qui leur est réservé devra tenir véritablement
compte des besoins de tous les types de clientèles. En
matière de formation, il est de première importance
d'offrir des avantages réels aux étudiants potentiels
afin qu'ils puissent choisir plus spontanément des maisons
d'enseignement francophones pour poursuivre leurs études.
Selon Mme Lavergne et M. Bienvenu, le fait de sanctionner la
formation offerte dans le cadre du projet pilote par la délivrance
d'un certificat serait un pas positif en ce sens. À plus
ou moins long terme, il s'agit également d'assurer la
pérennité du fait français au Québec.
Lorraine Desjardins
Collaboration spéciale
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