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La phobie sociale: 1 personne sur 10 en est victime

Ariel Stravynski présente un traitement des phobies sociales.

Au cours de leur vie, 13,3% des individus souffriront au moins une fois de phobie sociale. Et si l'on parle de prévalence à long terme, la proportion est de 7,9%. Bien que fréquent, ce problème demeure encore méconnu par la profession médicale. Voilà un des éléments qui a amené le psychologue Ariel Stravynski à s'y intéresser.

Le simple fait de manger ou de parler en public représente une source d'anxiété pour ceux qui souffrent de phobie sociale. Un phénomène fréquent: 1 personne sur 10 a peur d'être en contact avec des inconnus ou d'être exposée à l'observation d'autrui. Ce problème, qui touche toutes les sphères de la vie, a des conséquences graves. La majorité des phobiques sociaux développent une dépendance à l'alcool et aux drogues ou encore deviennent dépressifs.

"C'est une pathologie moins spectaculaire que la schizophrénie, mais sa prévalence et ses effets en font une maladie aussi importante que n'importe quelle autre. Elle est cependant sous-diagnostiquée et mal traitée", signale Ariel Stravynski, professeur au Département de psychologie et chercheur au centre Fernand-Séguin.

Il n'est pas le seul à le penser. Selon la World Psychiatric Association, seulement 25% des phobiques sociaux sont pris en charge et la plupart d'entre eux rechutent dès l'arrêt des traitements psychologiques et pharmacologiques.

Ces statistiques révèlent l'ampleur du problème, mais une étude récente du professeur Stravynski et son équipe va encore plus loin: elle présente de nombreux cas de patients guéris de leur phobie sociale. L'étude pourrait avoir d'importantes répercussions, car elle est la seule à ce jour qui donne espoir aux malades.

Comment traite-t-on une phobie sociale? Chaque cas est distinct, dit Ariel Stravynski. Il se souvient notamment d'une dame qui craignait d'essayer des vêtements, car elle se sentait obligée de les acheter par peur de déplaire à la vendeuse. Le psychologue lui a alors donné comme "devoir" de fréquenter une boutique par semaine sans acheter les vêtements qu'elle essayait. "Notre approche est basée sur une vision globale de la maladie, fait valoir le professeur Stravynski. Pas seulement sur les aspects professionnels."

Dans un article soumis à la revue scientifique Journal of Behavior Therapy and Experimental Psychiatry, il est démontré que l'approche "fonctionnelle", axée sur la pratique des jeux de rôles et la mise en situations réelles, aide les phobiques sociaux à mieux fonctionner dans la société et, par conséquent, tend à réduire leur anxiété. "D'autres types de traitements diminuent l'anxiété des patients, mais ceux-ci continuent d'éviter les situations sociales", décrète Ariel Stravynski.

Ignorer l'anxiété
L'équipe du psychologue Stravynski a suivi pendant plus de deux ans 120 personnes souffrant de phobie sociale. Parmi elles, la moitié a fait des progrès considérables, tandis que les 60 autres ne répondaient plus, à la fin du traitement, aux critères de la maladie. "La littérature rapporte que, dans les traitements traditionnels, il y a diminution de l'anxiété. Mais les patients persistent à fuir les rencontres sociales et les lieux publics. C'est ce qui nous a conduits à ignorer l'anxiété et à rechercher une façon d'améliorer leur fonctionnement social."

L'approche préconisée par le psychologue n'essaie pas de comprendre les origines de la pathologie. Elle vise plutôt à savoir comment les sujets se comportent dans des situations anxiogènes. La première phase de cette thérapie comportementale consiste à regrouper cinq ou six patients et à les inciter à parler de leurs difficultés sociales. Pourquoi ne pas privilégier une approche individualisée? Parce que leur problème se situe avec les gens, répond le professeur Stravynski.

"Mais l'idée n'est pas juste de les obliger à affronter leurs peurs, souligne-t-il. Ils apprennent à travers différentes simulations à se concentrer sur leurs actions plutôt que sur les symptômes de leur anxiété. Leur crainte est d'agir de façon embarrassante et de suer, rougir, trembler ou encore de bégayer et d'être incohérents dans leurs propos. À l'étape suivante, ils doivent réaliser progressivement des activités de la vraie vie."

Une maladie honteuse
Selon le Diagnosis and Statistics Manual, sorte de bible des psychologues et psychiatres où l'on répertorie et documente les différentes maladies mentales, la phobie sociale revêt des formes diverses et peut se généraliser à toutes les situations publiques. Résultat: la personne qui en souffre risque de finir recluse chez elle.

"Les sujets ne veulent pas être isolés, mais l'évitement de contacts avec autrui les conduit vers le retrait social et professionnel. Ils ont tendance à cacher leur problème, note Ariel Stravynski, car ils ont honte d'être affectés par une maladie pareille. Lorsqu'ils viennent nous consulter, cela fait en général plus de 20 ans qu'ils vivent repliés sur eux-mêmes." Voilà un des éléments qui expliquent pourquoi les médecins éprouvent autant de difficultés à diagnostiquer cette pathologie.

Mais quels sont les facteurs qui peuvent déclencher des troubles anxieux? Difficile à dire, répond le professeur Stravynski. Chose certaine, la phobie sociale tend à se développer autour de l'adolescence et elle survient autant chez l'homme que chez la femme. D'après le chercheur, il n'y a par ailleurs pas de liens génétiques. "Suggérer une composante génétique à cette problématique est tout aussi hypothétique et controversé que dans les cas d'alcoolisme et de dépression."

Dominique Nancy


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