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Des arbres transgéniques dans nos forêts

Des peupliers transgéniques croissent dans une plantation expérimentale près de Val-Cartier, au nord de Québec, et près de 200 épinettes blanches dont le bagage génétique a été modifié pour résister à la tordeuse des bourgeons seront plantées dans la même région dès l'été prochain.

C'est ce qu'est venu expliquer Armand Séguin, du Centre de foresterie des Laurentides, à une trentaine de botanistes de l'Institut de recherche en biologie végétale le 19 novembre dernier. Invité par le chercheur Michel Labrecque, M. Séguin prenait la parole à un séminaire de deuxième cycle auquel on avait convié le public. Il a expliqué que les peupliers n'ont de transgénique que le nom puisque le gène transféré n'a qu'un effet de marquage. Il en va autrement des épinettes transgéniques.

Il s'agit d'arbres auxquels on a transféré le gène de la bactérie Bacilius thurigiensis (BT), soit un insecticide biologique qui figure parmi les armes les plus puissantes de l'arsenal anti-tordeuse. En laboratoire, a expliqué M. Séguin à l'aide de photos saisissantes, des plants témoins âgés de trois mois étaient décimés en quelques heures par la terrible chenille, alors que les végétaux modifiés génétiquement avaient eu raison des insectes. "L'autopsie pratiquée par un entomologiste a démontré que la mort était due au BT", a précisé le conférencier.

Armand Séguin a insisté sur le fait qu'il ne s'agit pas pour l'instant de planter des forêts de conifères transgéniques. "Si nous obtenons le permis du ministère québécois des Ressources naturelles pour aller de l'avant dans notre projet, la plantation sera détruite après cinq ans. Nous ne voulons pas commercialiser ces arbres. Nous voulons simplement mieux connaître la technologie et être proactifs dans ce domaine."

Pourquoi détruire les arbres après cinq années? Pour éviter la fuite des gènes par la pollinisation, une possibilité qui effraie les écologistes. Or, les fleurs de l'épinette n'apparaissent pas avant la huitième année de croissance. M. Séguin convient que les conséquences d'une telle dispersion seraient terribles. En provoquant la prolifération de chenilles résistantes à la bactérie, elle condamnerait le meilleur outil connu contre la tordeuse.

Par ailleurs, il faut admettre que la création d'une lignée de conifères résistants aux épidémies ravageuses intéresserait l'industrie forestière, d'autant plus qu'on pourrait cultiver ces arbres plus près des grands centres. "Il en coûte de plus en plus cher d'aller chercher le bois aux limites de la forêt boréale. Le génie génétique pourrait facilement permettre de doubler la production."

La prochaine épidémie de tordeuse est attendue pour le début de la décennie 2000, car la plus récente remonte à la fin des années 1970. Ces épidémies sont cycliques et ont une fréquence de 20 ans.

Visiblement captivés par les propos du conférencier, les étudiants et professeurs présents ont tout de même manifesté une certaine inquiétude devant la biotechnologie qui envahit la foresterie. Et des questions sont restées sans réponses. Par exemple celle-ci: le BT d'un arbre destiné à une papeterie se retrouvera-t-il dans nos journaux, notre papier à lettres, nos mouchoirs, notre papier hygiénique?

Mathieu-Robert Sauvé


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